Les éditions Regain de lecture offre, en cette fin d’année 2020, la réédition de la biographie de Marcel Arnaud publiée en 2000 aux éditions Paradigmes. 

La découverte d’un « saint en cravate »

Rédigé par l’épouse de ce dernier, Marthe Arnaud ; ce témoignage nous offre à découvrir la vie poignante d’une figure marquante de la Résistance dans les Hautes-Alpes. Témoignage d’amour et d’affection à travers le temps d’une veuve qui nourrit la mémoire et le souvenir de son défunt mari mort de son engagement et son dévouement, lui qui était marqué par le profond christianisme qui animait ses pensées, ses actes et son être. Marcel Arnaud, comme tant d’autres, est mort en héros et martyr.

Les premières lignes, Marthe Arnaud les adresse à ses filles : Dominique, Roselyne et et Claire. L’ouvrage est avant tout un présent d’une mère afin de faire connaitre ce père absent, inconnu pour Claire et Roselyne.

Une foi vivante

Marcel Arnaud est né à la Rochelle en 1911 et est orphelin de père et de mère à ses trois ans. La jeunesse de Marcel Arnaud nous est inconnue, les premiers souvenirs évoqués par l’auteur sont ceux de deux amis proches de sa jeunesse : Marcel Haupetit et Marcel Reggui. Poussé par l’envie d’embrasser la carrière professorale il échouera au concours d’entrée de l’Ecole Normale. Ses proches notent son extrême humilité, sa foi vivante et dévorante qui embrasse toute son existence et se renforce aux épreuves de l’existence. Calme, porté à l’introspection, Marcel Arnaud s’engage publiquement et politiquement aux évènements de mai 1936.

A l’inverse de nombreux catholiques, la conscience de Marcel Arnaud le pousse à soutenir le Front Populaire, soucieux de vouloir instaurer une société « autre, qui ne fût pas fondée sur la primauté de l’Argent »   De mémoire et d’amour – Marcel Arnaud 1911-1945, Marthe Arnaud, page 10. Au cours des années suivantes celui-ci organisera des camps et des rencontres spirituelles à Saint Léger les Mélèzes, avec la participation, entre-autres, du Père de Lubac. Marcel Arnaud s’inscrit ainsi dans le courant chrétien-démocrate de son époque et nourrit son action politique et sociale de son cheminement spirituel. 

Marcel Arnaud épouse Marthe en mars 1940. Il est sollicité pour prendre la tête du Secours National dans son département. Il usera de sa place pour faciliter l’obtention de papiers d’identité pour aider les Juifs hébergés et cachés ainsi que les jeunes fuyant le STO. Son action ne cessera de croitre au cours de la guerre, multipliant les actions pour permettre aux populations de fuir le STO (création du Centre Social Familial qui maquille son action sous les aspects d’une école). 

Marcel et sa famille se retire dans un hameau abandonné à Agnielles-en-Beauchêne dans le Diois. Peu à peu reprenant le terrain ils organiseront une cache d’armes pour la Résistance dans ce terrain isolé mais qui sera l’objet d’un contrôle de gendarmerie. 

Entièrement dévoué à l’action, Marcel Arnaud fut le fondateur et propriétaire d’un hôtel sur Gap dénommé « Le Relais ». Lieu de résidence officiel de la Commission d’armistice des vainqueurs transalpins, il fut aussi le lieu de réunions de résistants et plaque tournante dans l’accueil et l’évacuation de personnes recherchées ou potentiellement déportées. Surveillé et donné par un indic de la Gestapo dénommé Vallet, Marcel Arnaud sera arrêté le 4 avril 1944, emprisonné puis déporté à Neueengamme et Bergen Belsen dont il ne reviendra pas. Il y décèdera du typhus le 19 avril 1945, 4 jours après la libération. 

« Pour nous chrétiens, il faudrait souhaiter mourir en martyr »

Les dernières pages reviennent sur les témoignages récupérés par la veuve de Marcel Arnaud sur son séjour dans les camps. En raison de graves problèmes de vue depuis ses 25 ans, Marcel Arnaud est affecté au tressage et se retrouve plus durement privé que ses camarades affectés à des tâches bien plus physiques. La lecture des lettres laissent transparaitre la profonde humanité de ce résistant qui aura conservé jusqu’à la fin l’idée de vivre et mourir s’il le faut pour ses principes, pétris par le christianisme qui irriguait ses pensées et ses actes. 

Au seuil de son existence Marthe Arnaud prend ainsi la plume et offre une trace pour nourrir la mémoire de l’engagement d’un jeune homme pétri de foi, que ses proches amis qualifient, bien des années après la guerre, de « saint en cravate » Idem, page 21. Des héros du quotidien, tombés pour beaucoup dans l’oubli, mais qui ont fait vivre le doux mot d’humanité dans les temps les plus sombres du siècle dernier.