Alain Provost, professeur d’histoire médiévale à l’université d’Artois, propose un ouvrage réunissant divers textes sur la constitution, la conservation d’un fonds très riche, le Trésor des chartes des comtes d’Artois (XIIIe-XIVe siècles), qui se compose de milliers de documents, mais aussi de textes sur l’histoire de la production documentaire et de l’histoire des comtes et du comté d’Artois. Cette publication s’inscrit dans le prolongement des activités du groupe de travail ANR « Derniers Capétiens » (2006-2010). D’ailleurs, les textes réunis dans cet ouvrage reprennent des interventions de deux journées d’études, une le 28 septembre 2007 et une autre les 24 et 25 septembre 2008 à l’Université d’Artois (pôle d’Arras) et aux Archives Départementales du Pas-de-Calais (Centre Mahaut-d’Artois, Dainville), associant le Centre de recherche et d’études « Histoire et sociétés », les Archives Départementales du Pas-de-Calais, le groupe de travail ANR « Derniers Capétiens » et le GDR 3177 « Diplomatique » (CNRS).

Dans son introduction, Alain Provost expose successivement les conditions de la constitution de la croissance du Trésor des chartes d’Artois, parallèlement à l’histoire du gouvernement du comté d’Artois ; la gestion des archives par les pouvoirs comtaux et la conservation des archives depuis le XVIe siècle. Le présent ouvrage a pour ambition de dresser un état des lieux en cours autour du Trésor des chartes des comtes d’Artois, d’attirer l’attention des chercheurs sur ce fonds d’archives très riche et de susciter de nouvelles recherches historiques. Pour se faire, Alain Provost a donc réuni divers articles.

Elisabeth Lalou (Université de Rouen, GRHIS) fait, dans un premier article, une présentation du comté d’Artois aux XIIIe-XIVe siècles, de sa constitution sous Philippe Auguste à la guerre de Cent Ans. Elle en conclut que le comté d’Artois, « territoire fort riche par ses campagnes et ses villes industrieuses », s’est assez peu éloigné du pouvoir royal. Ce comté semble être une sorte de principauté qui entretient des liens étroits avec la royauté, étant un de ses alliés.

Bernard Delmaire (Université de Lille 3, IRHIS), quant à lui, s’intéresse au premier cartulaire d’Artois, considéré comme le plus ancien des deux seuls cartulaires des contes d’Artois qui soient parvenus jusqu’à nous. D’après sa recherche, le cartulaire a été constitué après 1288, sans doute avant 1293 et la confection du registre entre dans la série de mesures destinées à affirmer et restaurer le pouvoir du comte après une absence de dix ans.

Christelle Balouzat-Loubet (Université de Lorraine-Nancy, Centre de médiévistique Jean Schneider), aborde les finances et le pouvoir politique en Artois sous le règne de Mahaut (1302-1329). A travers les archives, elle découvre que la comtesse d’Artois veille attentivement sur ses finances : une diminution de la documentation sur l’ensemble du règne semble prouver l’usage régulier et même plus récurrent des documents écrits, plus susceptibles donc de disparaître. Cependant, l’administration financière du comté n’est pas aussi performante que celle d’un Etat, sans doute à cause de la mainmise de Thierry de Hérisson sur l’édifice financier.

Romain Telliez (Université Paris Sorbonne-Paris IV, Centre Roland Mousnier) s’intéresse, dans un article, à la justice dans le comté d’Artois à travers les archives du comté. Il montre que la justice médiévale, dans le comté d’Artois, est polycentrique et polymorphe et que ses modes d’action sont différenciés : elle taxe, punit, exclut, fait réparer les torts à partie, selon les cas et les personnes. Cette justice siège hebdomadairement ou tous les quinze jours et les auxiliaires de justice ne sont pas aussi insuffisants que l’on pourrait le penser. Elle coûte peu mais rapporte beaucoup aux comtes.

Anne-Hélène Allirot (CHISCO) étudie les dévotions de deux comtesses d’Artois au XIVe siècle : Mahaut et Marguerite. La comtesse Mahaut est parvenue peu à peu à amener sa famille près de Notre-Dame-la-Royale. Elle associe son époux au lignage d’Artois et au lignage royal. Son veuvage lui permet d’organiser une « géographie du souvenir » de sa famille. Quant à Marguerite, fille du roi de France et comtesse d’Artois, elle arrive à resserrer les liens entre l’Artois et le sang royal par ses fondations, avant que le comté n’intègre le duché de Bourgogne.

Xavier Hélary (Université Paris-Sorbonne-Paris IV, Centre Roland Mousnier) propose d’étudier les liens entre Robert d’Artois (1274-1302) et les Angevins à travers le chartrier des comtes d’Artois. Robert II, comte d’Artois, a été très lié à la branche angevine de la famille capétienne tout au long de sa vie et tout particulièrement pendant les dix ans de son séjour en Italie. Il s’occupe d’affaires à la fois capitales et secondaires mais semble indispensable à Charles II et son fils.

Germain Butaud (Université de Nice-Sophia Antipolis, CEPAM) aborde l’Artois et les régions voisines à travers la Généalogie de Luxembourg de Clément de Sainghin (1471). Cette enquête généalogique met en exergue une histoire lignagère, qui intègre à la trame événementielle les apports des textes épiques, de l’héraldique et des traditions familiales, et la volonté de chercher des origines nobles. Cependant, l’œuvre de Sainghin révèle des approximations et des lacunes sans doute à cause du manque d’investigations de Sainghin. Néanmoins, elle est un important dans l’histoire de la généalogie.

Ces articles réunis par le soin d’Alain Provost sont un ensemble permettant de considérer un état des lieux des archives du comté d’Artois au Moyen Age, de mieux comprendre et aborder différents domaines d’études (politique, justice, pratiques religieuses, gestion et conservation des archives, etc.) et de donner des outils et des objets d’études pour les historiens.