Dans le flot d’ouvrages en rapport avec le Débarquement, on peut signaler le livre d’Emmanuel Thiébot. Historien, responsable du Mémorial de Falaise, il a précédemment écrit « Croquer la France en guerre ». L’auteur propose cinquante documents commentés et fait le pari d’un récit qui dépasse les bornes chronologiques et géographiques.
Le projet
A travers cette approche, Emmanuel Thiébot décrit les conséquences que les années 1944-45 auront sur les sociétés mondiales. Plus qu’un simple récit factuel, l’auteur propose un regard sociologique qui permet de mieux comprendre la mentalité des soldats anglo-américains, soviétiques, allemands ou nippons. Il s’appuie sur la presse française notamment. Il entend aussi s’emparer de questions comme celle de l’efficacité des bombardements stratégiques sur l’Allemagne et la France.
La structuration du livre
L’ouvrage est structuré de la façon suivante : une photographie ou un document sur la page de droite accompagné de trois pages d’explications et de mise en contexte. Un repère chronologique est proposé pour chaque ressource. A la fin de l’ouvrage, un appareil de notes est proposé pour éclairer encore davantage chaque explication de document. Le lecteur tirera profit de l’extrait librement téléchargeable proposé car il contient le sommaire des 50 arrêts sur image. Impossible ici de toutes les présenter. Aussi, le choix d’un regroupement autour de quelques thématiques a-t-il été fait.
Les points de passage et d’ouverture de Terminale tronc commun
De nombreuses entrées peuvent être utilisées pour traiter des points de passage et d’ouverture du programme. Une entrée montre qu’au soir du Jour J, si le Débarquement a réussi, il n’est pas décisif. Une photographie montre les ports artificiels construits pour réussir le débarquement. On en trouve aussi une qui montre l’entrée des troupes soviétiques en Roumanie à la fin de l’été 1944. Cette avancée s’inscrit dans le cadre de l’opération Bagration. D’autres documents sont utilisables pour traiter la question des bombardements atomiques. Il y a ainsi un souvenir en tissu qui reproduit la couverture du journal américain Nippon Times du 2 septembre 1945 qui présente la carte du Japon vaincu.
Les grands évènements
L’ouvrage propose une couverture d’une brochure qui évoque la libération de Paris en août 1944. Marianne et Gavroche se retrouvent associés sur un fond aux couleurs de la France. Le livre propose la couverture du journal « La voix de l’Ouest » du 8 mai 1945. Ce quotidien catholique breton présente en une les portraits des principaux leaders politiques et chefs militaires alliés. On dispose de plusieurs documents qui montrent comment le général De Gaulle réaffirme l’unité du pays, comme ces couvertures de journaux sur les différentes étapes de sa tournée dans le pays.
Les questions sensibles
L’auteur consacre une entrée aux bombardements alliés en Europe. Rappelons que de 50 000 à 70 000 civils furent tués lors des bombardements sur la France, dont 25 % durant la phase préparatoire du Débarquement. La découverte des camps nazis est abordée par plusieurs documents, dont le témoignage du doyen de Buchenwald dans « Ouest France ». La question de l’épuration est vue par un article du journal « Ce soir » de septembre 1944 dédié aux personnalités du monde littéraire. « L’Aube » aborde le procès Pétain. Un document du Pari communiste traite des émeutes de Sétif.
Un choix subjectif de documents
Parmi les cinquante documents proposés, on peut proposer une sélection tout à fait subjective. L’un d’eux est un tract réalisé par le régime de Vichy. Il est fait en forme d’obus pour dénoncer les bombardements alliés sur la France. La brochure américaine « La Bataille de France » n’hésite pas, elle, à présenter le sacrifice de soldats morts. On a également d’étonnants objets comme ces pochettes-surprises destinées aux enfants qui évoquent le vote des femmes aux élections municipales de 1945. On peut également mentionner cette carte des zones françaises d’occupation en Allemagne et en Autriche, carte diffusée par le service de presse du ministère de l’information en 1946.
Commémorer
Les premières cérémonies de commémoration ne résultent pas d’une demande alliée ou française mais d’une initiative individuelle. Dès 1945, le premier sous-préfet de la Libération nommé à Bayeux, Raymond Triboulet, a l’intention de commémorer le Débarquement. D’autres célébrations patriotiques ont lieu en 1945 et on peut s’appuyer sur la une de « Libé-Soir » qui affiche un portrait du général De Gaulle et établit un lien entre la date du 18 juin 1940 et du 18 juin 1945. Une autre entrée est consacrée aux cimetières militaires alliés et allemands. Du côté des Alliés, deux méthodes s’opposent. Pour les Britanniques, le corps du soldat repose là où il est mort. Pour les Etats-Unis, le regroupement des corps isolés dans d’immenses cimetières est préféré.
Cet ouvrage permet donc d’offrir des ressources différentes, issues de la collection particulière de l’auteur, sur un sujet déjà abondamment traité. A travers les tracts, les objets du quotidien ou encore les documents de propagande, c’est une autre façon de donner à voir et à comprendre cette période décisive de l’histoire de France.