Pierre Allorant et Jacques Resal : une collaboration fructueuse

L’ouvrage Des médecins au service du progrès (Lettres d’une famille de médecins au XIXe siècle, de Louis XVIII à Gambetta, publié en 2016 sous la direction de Pierre Allorant et Jacques Resal, constitue la dernière parution des éditions Encrage, dans la collection « Vécus ». Chez le même éditeur et dans la même collection, Pierre Allorant et Jacques Resal ont également publié en 2014 (Vécus N° 5) La Grande Guerre à tire-d’ailes. Correspondance de deux frères dans l’aviation (1915-1918), en 2015 (Vécus N° 7) La République au défi de la guerre. Lettres et carnets de l’Année terrible (1870-1871), en 2016 (Vécus N° 9) Le Génie de l’Orient. Lettres de guerre d’un officier du génie de l’Algérie à la Crimée (1831-1856) et Les amants de Bonaparte : Roman par lettres et chronique conjugale (1798-1803) (Vécus N° 10).

Pierre Allorant et Jacques Resal ont édité ensemble Un médecin dans le sillage de la Grande Armée. Correspondance de Jean-Jacques Ballard avec son épouse Ursule demeurée en France (1805-1812), L’Harmattan, 2012 ; Femmes sur le pied de guerre. Chronique d’une famille bourgeoise 1914-1918, Septentrion, 2014 ; Lignes du front de l’arrière. Correspondance du directeur de la compagnie des tramways de Bordeaux avec son fils artilleur. 1914-1918, PU Bordeaux, 2015 puis, dernière collaboration en date, En toutes lettres. Lignée de femmes à l’écritoire au XIXe siècle, PU Limoges, 2016.

Pierre Allorant est professeur en Histoire du droit et des institutions à l’université d’Orléans (POLEN EA 4710). Au sein du laboratoire POLEN (Pouvoirs, Lettres, Normes), Pierre Allorant est membre de la branche CEPOC (Centre d’Études Politiques Contemporaines), dont le professeur des universités Jean Garrigues est l’actuel directeur. La spécificité du CEPOC est d’appliquer en priorité les questionnements du laboratoire POLEN au champ des pouvoirs, institutionnels et autres, mais aussi des contre-pouvoirs, des marges et des dissidences politiques, sociales et culturelles. Il regroupe des historiens du politique et de la littérature, des linguistes, des civilisationnistes et des historiens du droit. Sa spécificité, à l’échelle nationale, est notamment d’être la seule équipe d’historiens français travaillant sur la vie parlementaire. Les problématiques et les travaux du CEPOC sont centrés sur la période contemporaine (XIXe-XXIe siècles) mais également ouverts aux autres périodes historiques, de l’Antiquité à la période moderne. Ils mettent l’accent sur la dimension internationale et comparatiste des questionnements étudiés. Un autre point fort du CEPOC est l’étude de l’écriture du discours mémoriel, qui reste un champ encore insuffisamment exploré et qui correspond aux compétences exprimées dans l’équipe du CEPOC, tant chez les historiens que chez les littéraires et les linguistes. La perspective est donc historique, concernant les politiques de la mémoire (commémorations, discours politiques, mémoires de l’événement et lieux de mémoire).
Depuis le 17 novembre 2016, Pierre Allorant est devenu Doyen de la faculté de Droit, d’Économie et de Gestion de l’université d’Orléans.

Des médecins au service du progrès : Une correspondance familiale atypique du XIXe siècle

L’ambition de cet ouvrage, conçu à partir d’une sélection de 204 lettres, est de relater la vie quotidienne sous la Restauration jusqu’aux débuts de la Troisième République, en France ainsi qu’à l’étranger, de 1818 à 1878 et de montrer qu’entre pouvoirs et savoirs, la pratique médicale et la place des médecins dans la société française ont été bouleversées au XIXe siècle. Jacques Resal (un cousin de Pierre Allorant) a retrouvé plusieurs centaines de lettres dans un coffret en bois oublié dans le grenier de la maison de famille. Pierre Allorant et Jacques Resal ont collationné, relu et trié des lettres de la famille Ballard, en particulier (pour les besoins de cet ouvrage) celles de James et de son père Jean-Jacques Ballard.

Ce texte est composé d’une longue Présentation (p. 9-18) dans laquelle se trouve un utile arbre généalogique de la famille Ballard (p. 19), des repères chronologiques de l’expédition d’Espagne (p. 20) ainsi que sur la médecine française au XIXe siècle (p. 21-23). Outre la première partie « Apprendre la médecine militaire » (p. 25-92) et « Guérir la société » (p. 93-142) de la deuxième partie, le livre se termine par des annexes (p. 143-156) au nombre de 3 (Tract de la prise de position publique de James Ballard lors de la campagne plébiscitaire en 1870 ; extrait de la notice nécrologique du docteur James Ballard publiée dans le Journal de la Saône-et-Loire, le 10 mai 1880 ; Inventaire par genre de la bibliothèque de la famille Ballard), d’indispensables index des noms de lieux (p. 157-159) et de personnes (p. 160-162).

La première partie, intitulée « Apprendre la médecine militaire » (p. 25-92), couvre la période allant du 1er mars 1818 au 25 décembre 1827. Interrompus par la défaite de Napoléon Bonaparte et la paix, les échanges épistolaires de la famille Ballard reprennent à l’occasion du départ du fils aîné James Ballard pour Faire sa médecine (p. 27-37), à Lille (mars 1818-novembre 1819) puis à Paris afin de commencer sa thèse de médecine (novembre 1819-février 1823), au début de la Restauration. Rétrogradé de médecin principal à médecin ordinaire à la Restauration, Jean-Jacques Ballard est d’abord affecté à l’hôpital de Colmar puis à Saint-Omer en 1816. En 1823, le médecin militaire Jean-Jacques Ballard, accompagné de son fils aîné James Ballard (aide médecin militaire), participe à l’intervention de la France en Espagne, missionnée par la Sainte-Alliance pour rétablir un Bourbon d’Espagne (Ferdinand VII) contre les exigences constitutionnelles des libéraux, afin d’installer des hôpitaux militaires de Madrid à Barcelone. En dépit des bals et des belles Espagnoles, des processions et des corridas, le spectacle cruel de la guerre civile conforte leur horreur des crimes barbares contre les civils, de l’intolérance religieuse et du fanatisme politique, sentiments qu’ils font partager à travers leur correspondance à Ursule, leur mère et épouse restée dans le Morvan avec leurs cadets. De retour d’Espagne en 1824, Jean-Jacques Ballard récupère son grade de médecin principal et retourne sans sa famille à Saint-Omer jusqu’en 1825. Son aîné James achève alors sa médecine à Paris pour son doctorat, obtenu en 1825, et retourne avec son régiment à Barcelone, en Espagne, jusqu’en novembre 1827 puis il est nommé chirurgien aide-major à l’hôpital de Perpignan en décembre 1827 : Le cercle familial des majors en Espagne (p. 37-91).

La deuxième partie, dévolue au thème « Guérir la société » (p. 93-142), couvre la période allant du 23 mai 1829 au 12 juillet 1878. Formé par les meilleurs professeurs et praticiens de son temps, le médecin-major James Ballard exerce en tant que chirurgien militaire, d’abord à l’hôpital de Perpignan en 1828, puis dirige les thermes de Barèges de 1829 à 1841, comme chirurgien-major de 1e classe, enfin à Besançon où il finit sa carrière dès 1850 : Un balcon thermal sur les Pyrénées (p. 95-111). Il s’installe alors à Charnay-lès-Macon, commune natale de son femme, Sophie Delaye, épousée en 1831, dans leur château de Saint-Léger. Nourri des lectures éclectiques et polyglottes de la bibliothèque familiale, James Ballard publie des ouvrages scientifiques, pratique le magnétisme et se convertit aux idéaux fouriéristes, dès 1847. Pour guérir la société industrielle de ses fléaux, James Ballard investit comme actionnaire dans l’Union agricole d’Afrique fondée par des fouriéristes lyonnais, à Saint-Denis du Sig, dans l’Oranais, en Algérie : Mauvaise fortune fouriériste en Afrique (p. 111-124). James Ballard projette la construction, pour 2 millions de francs, d’ouvrir un « grand hôtel des familles » qui accueillerait un « ménage sociétaire » composé de 300 à 400 personnes d’âges et de sexes différents, qui comprendrait 86 appartements privés, des salles communes et des services collectifs d’hygiène et de loisir (bains et douches, gymnases et salles d’exercice, cafés et cercles, bibliothèques et cabinets de lecture). Faute de financement, il se rabat sur l’adhésion au « Cercle des familles », salon de discussions et de jeux créé par des phalanstériens parisiens. Après, il devient une illustration du médecin de campagne de Balzac, bienfaiteur de son village du Mâconnais (Charnay-lès-Macon) dont il est maire (jusqu’à sa mort, le 6 mai 1880) et conseiller général de Mâcon-Sud (de 1868 à 1877) sous la Troisième République de Gambetta : Le médecin de campagne du Mâconnais (p. 124-141).

Des médecins au service du progrès : troisième volet de la saga familiale des Ballard

En guise de conclusion provisoire concernant l’ouvrage Des médecins au service du progrès (Lettres d’une famille de médecins au XIXe siècle, de Louis XVIII à Gambetta), ce dernier (présenté, établi et annoté par Jacques Resal et Pierre Allorant) a le mérite de nous faire découvrir l’évolution d’une famille de médecins français au XIXe siècle et d’avoir été mis en perspective sur le plan historique par l’historien Pierre Allorant et son cousin Jacques Resal.
Grâce à cette initiative des éditions Encrage, cet ouvrage s’adresse aussi bien aux enseignants-chercheurs s’intéressant à de nouveaux champs historiques qu’à ceux férus de la vie quotidienne des Français et à l’histoire de la médecine en France au XIXe siècle sans oublier les érudits locaux ainsi que les étudiants en histoire cherchant de nouveaux sujets de Master 1 et 2 voire de thèse.

© Les Clionautes (Jean-François Bérel pour La Cliothèque)