Thomas Vaisset est docteur en histoire et chargé de recherche au Service historique de la Défense. La thèse dont est tiré cet ouvrage a été récompensée par le prix d’histoire militaire du ministère de la Défense, le prix Daveluy de la Marine et le prix Jean Sainteny de l’Académie des Sciences morales et politiques.

Cet ouvrage est une biographie de l’amiral Georges Thierry d’Argenlieu (1889-1964), en religion le père Louis de la Trinité de l’ordre des Carmes, il est connu dans la marine sous le surnom de « carme-naval ». C’est cette double vie militaire et religieuse qui explique le sous-titre de cet ouvrage : Le moine-soldat du gaullisme.

L’auteur s’est appuyé sur de riches archives publiques et privées dont beaucoup sont encore inédites pour traiter d’une vie à la croisée de l’histoire navale, religieuse, politique et coloniale de la France.

L’ancre et la croix

La première partie traite de l’enfance, des influences de la famille dans les choix de vocation de Georges Thierry d’Argenlieu. Entré à l’Ecole navale en 1906, il sert d’abord au Maroc où il rencontre Lyautey, puis en Méditerranée pendant la Grande Guerre. Le choix d’une vie au service de Dieu date des premiers mois de 1914 et fut retardé par la guerre à laquelle il participe mais à la fin du conflit, il entre au Carmel de Lille, Il devient le Provincial de l’ordre en 1932. Dans les années 30, catholique fervent il est séduit par les thèses de l’Action française. Il se consacre au renouveau de l’ordre après les difficultés nées de la séparation de 1905.

Le croisé de la France libre

Il est mobilisé en 1939 et fait prisonnier au moment de la reddition de Cherbourg. Très vite il s’évade et dès la fin juin 1940 rejoint le Royaume-Uni. Son souhait est de servir la France et la religion. Il se rapproche du général de Gaulle qu’il connaît déjà : le refus de la défaite, une éthique qui transcende le droit l’autorise à résister mais un combat apolitique vécu comme une croisade sous la croix de lorraine. L’auteur développe les divers épisodes de la participation de l’amiral aux opérations : de Londres à Dakar et du Gabon à la Nouvelle-Calédonie, période durant laquelle d’Argenlieu a à cœur la restauration de la souveraineté navale de la France.

Haut commissaire en Indochine

Premier chancelier de l’Ordre de la Libération, il devient haut-commissaire de France en Indochine en août 1945. C’est la difficile période du retour de la France après l’occupation japonaise et de ses relations problématiques avec Leclerc : reconquérir ou négocier ? Malgré les accords signés en 1946accords signés par Jean Dainteny et Hô Chi minh à hanoï le 6 mars 1946 l’action de Thierry d’Argenlieu est marquée par l’échec des négociations avec Hô Chi Minh et par le déclenchement du conflit. Rappelé en 1947, il abandonne ses fonctions militaires et son rôle politique pour renouveler ses vœux. Il reprend alors une existence monastique à défaut d’un poste épiscopal dont il semble avoir rêvé.
Cette longue troisième partie donne un éclairage particulier sur la question indochinoise.

Plus généralement l’ouvrage permet de s’interroger sur les rapports entre monde politique et armée, sur la culture des officiers à la République, la place des chrétiens dans la vie publique.

L’auteur, comme il l’écrit en conclusion à l ‘ambition de retrouver l’unité d’un homme et l’intransigeance d’une vie.