Ivana Savalli-Lestrade, chercheur au CNRS, épigraphiste du monde hellénistique et Isabelle Cogitore, Professeur en langue et littérature latines à l’Université de Grenoble III publient ici les actes d’une table ronde qui s’est déroulée à Paris au Centre Gustave Glotz en mai 2008. Réunissant des spécialistes de différents domaines complémentaires (épigraphistes, papyrologue, numismate, historien d’art… aussi bien hellénistes que romanistes) dans une perspective comparatiste entre les royaumes hellénistiques et le principat, l’objectif a été de dégager les continuités et les ruptures dans les pratiques du pouvoir monarchique, qu’il soit royal ou impérial, de la mort d’Alexandre à celle de Trajan.
Géopolitique de l’Orient ancien
Autour d’une même question, « comment diriger un ensemble hétérogène? », c’est, à partir d’exemples précis et détaillés, tout un questionnement qui apparait. L’analyse et la réflexion se développent à plusieurs échelles : espace de souveraineté, espace réellement administré, marges parmi lesquelles il existe également une hiérarchie (la partie iranienne du royaume séleucide est ainsi essentielle comme élément de légitimation du pouvoir, rattachant celui-ci à l’empire achéménide) ou une évolution de marge en centre quand Alexandrie devient très temporairement, lorsque Trajan y est proclamé empereur par les légions d’Orient, de fait capitale de l’empire romain. Où sont les réelles limites ? Marges géographiques mais aussi marges politiques : coexistence entre Rome et les royaumes à la fin de la République et au début de l’Empire, puis intégration de ces derniers dans le monde romain tout en gardant une forme monarchique. C’est la question de la souveraineté et des formes de domination à la fois du territoire mais aussi des pays et des peuples qui est posée.
La représentation du pouvoir dans l’espace géographique est abordée par l’étude de la correspondance, des sceaux, des monnaies mais aussi par l’évergétisme, la visibilité et l’accessibilité ou non de détenteur du pouvoir; il lui faut ainsi parcourir son royaume pour être vu ou utiliser des images comme substitut à sa personne. Peu à peu s’élabore un langage commun gouvernant-gouvernés.
Représentations du pouvoir
La sélection et la création de repères temporels communs en fait partie : choix du calendrier, choix de l’événement fondateur, adoption pour la première fois sous les Séleucides de l’ère induisant un calcul linéaire qui se diffuse dans l’espace et le temps (encore utilisé de nos jours par les Jacobites et exemple pour d’autres ères : juive, chrétienne, musulmane…).
L’idéologie dynastique s’exprime également dans les arts et la religion, le souverain étant souvent associé à l’image d’une divinité : Zeus pour les Lagides, Apollon pour Auguste. Comme Apollon, protecteur des poètes, les monarques se distinguent par leur capacité à mobiliser autour d’eux les lettrés et les artistes. La description de l’oecumène se retrouve ainsi dans la littérature de Cour où Octavien est souvent identifié à Alexandre, conquérant et pacificateur du monde. L’étendue de l’empire est ainsi liée dans les épigrammes militaires à la famille Julio-Claudienne.
Cet ouvrage universitaire appréhende – à partir des interactions entre temps, territoire, pouvoir – à la fois l’espace géographique et idéologique du pouvoir où le rôle du Prince s’inscrit entre idéal civique et modèle royal; à recommander à tous ceux qui s’intéressent à la géopolitique de l’Orient antique et des mondes classiques.
© Clionautes
– Auteurs ayant participé à cet ouvrage :
Michel Amandry, Silvia Barbantani, Laurent Capdetrey, Andrzej Chankowski, Isabelle Cogitore, Gabrielle Frija, Frédéric Hurlet, John Ma, Marie-Christine Marcellesi, Ivana Savalli-Lestrade, Arnaud Suspène, Emmanuelle Rosso, Jörg Rüpke, Biago Virgilio.