Pierre COSME, agrégé d’Histoire, est professeur d’Histoire ancienne à l’Université de Rouen depuis 2010. Il a publié de nombreux ouvrages sur l’Empire Romain dont Auguste (2005), L’année des quatre Empereurs (2011) ou Actium : 2 septembre 31 av. J.-C. (2014). Il propose ici la description des dix plus grandes batailles de Rome (de sa naissance à la chute de l’Empire Romain), illustrant chacune un moment marquant de son histoire et ses rapports avec le monde.

Une histoire guerrière

Aborder l’histoire romaine par les batailles s’explique d’abord par le fait que les Romains eux-mêmes concevaient leur propre histoire comme un récit où la guerre prenait une place importante, voire essentielle. Les défaites illustraient la capacité de résilience de Rome qui avait toujours su se relever. Les victoires permettaient d’exalter la gloire des grands lignages romains en les inscrivant dans un véritable « roman national », dont Tite-Live est un des plus grands narrateurs à l’époque d’Auguste. Pierre COSME a fait le choix de dix batailles :

« La narration de la prise de Rome par les Gaulois est encore nimbée de légendes et de miracles. […] ce récit est déjà significatif du rôle que joue leur ville dans la réflexion historique des Romains. Il est aussi à l’origine de cette crainte des Gaulois, que l’on retrouve au moment des batailles du lac Trasimène et de Cannes en 217-216 av. J.-C. à propos des mercenaires celtes d’Hannibal, puis pendant la Guerre des Gaules entre 58 et 51 av. J.-C. L’évocation du sac de Rome par Alaric se fait encore l’écho de cet évènement fondateur. La bataille des Fourches Caudines en 321 av. J.-C. est un épisode marquant des guerres samnites et de la conquête romaine de l’Italie, pendant lesquelles l’armée et l’aristocratie romaine connaissent de profondes mutations.

La bataille de Pydna et la défaite définitive de la Macédoine en 168 av. J.-C. représentent une étape décisive de l’emprise romaine sur le bassin méditerranéen et de la diffusion de l’hellénisme à Rome. La reddition d’Alésia, en 52 av. J.-C., illustre la supériorité de la poliorcétique romaine, l’art de prendre les villes, tandis que la bataille d’Actium, en 31 av. J.-C., témoigne des progrès de la guerre sur mer au tournant de notre ère. La défaite de Teutobourg met à l’épreuve l’armée permanente forgée par Auguste. Trois siècles plus tard, cette armée impériale sort largement transformée du conflit opposant Constantin à Maxence au pont Milvius en 312. Ce sont là autant de batailles qui ont forgé l’identité militaire romaine » (p.5-6).

Un ouvrage clair

La lecture de ce livre est aisée. La narration de chaque bataille est très claire. Un plan permet de mieux situer les protagonistes dans l’espace. On peut s’y référer à tout moment. Chaque description est aussi complétée par des encadrés présentant ici quelques évènements saillants, là des personnages marquants ou des points précis sur les institutions romaines et même l’organisation de l’armée. Pierre COSME ne se contente toutefois pas de nous offrir une « histoire batailles » mais défaites ou victoires sont en même temps l’occasion de traiter de points importants de l’histoire romaine.

La prise de Rome par les Gaulois en 390 av. J.-C. permet de comprendre la nouvelle organisation du pouvoir entre plébéiens et patriciens aboutissant à une meilleure mobilisation de l’ensemble du corps civique de la ville pour la défendre. La reddition d’Alésia apparaît comme une nouvelle étape de l’affirmation des imperatores à la fin de la République. L’image de Vercingétorix est ainsi utilisée par César pour sa propagande personnelle.

En contrepoint, la bataille de Teutobourg montre les difficultés de l’extension de l’Empire Romain et de l’intégration de nouveaux peuples, qui n’y voient plus leur intérêt. Le prince chérusque Arminius y a trahi les Romains alors qu’il avait grandi à Rome, était devenu citoyen romain, avait obtenu le rang équestre ainsi que le commandement d’auxiliaires avec le grade de préfet. Auguste, alors septuagénaire au moment de la défaite, aura du mal à s’en remettre. Enfin, la bataille du pont Milvius près de Rome en Octobre 312 marque le renforcement du pouvoir de Constantin (contre Maxence et ses partisans) et surtout une avancée décisive de la religion chrétienne.

Un livre donc enrichissant sur l’armée romaine et plus largement, par le biais des batailles, sur toute l’Histoire de Rome.