La lecture seulement partielle d’un ouvrage peut-elle nous autoriser à en faire le compte-rendu avec sérieux et crédibilité ? Question importante à défaut d’être existentielle, en tout cas spécifique aux productions de type atlas ou dictionnaire comme ici.

Et pourtant, difficile d’aller naviguer et piocher selon les besoins du moment dans les différentes entrées de ce « dictionnaire d’analyse spatiale » tant l’envie de lire ces 720 définitions dans l’ordre alphabétique est forte.

La grande richesse de la dérivation de la langue française agit comme une sorte d’addiction et pousse à aller consulter le terme suivant afin d’autoriser le lecteur à vérifier les petites nuances ou les réelles différences d’avec l’entrée considérée principalement. Ce sont d’ailleurs pas moins de trois pages qui recensent les nombreux affixes concernés par la question spatiale.

Ces repères sur la construction des mots ne constituent pas le seul outil de l’œuvre de Jean-Jacques Bavoux (professeur émérite à l’Université de Bourgogne) et Laurent Chapelon (professeur à l’université Montpellier 3). Au classique réseau de renvois s’ajoute un gros travail de précision étymologique et un organigramme très concis permettant d’y voir plus clair dans les riches apports de l’analyse spatiale qui nous rappelle que « les phénomènes spatiaux ne sont pas indifférents à leur localisation dans l’espace qui ne constitue donc pas un support passif ».

L’enjeu est de taille puisque la géographie, dont la scientificité est ici appuyée par ce « puissant appareil théorique et méthodologique », entretient toujours une relation ambigüe avec le langage « médiatico-grand public » même si d’énormes progrès ont été accomplis nous rappellent les auteurs.

Le contenu révèle de multiples cas de figures. On trouve, selon les cas, des spécifications sur certains termes dont le sens est trop souvent considéré comme acquis ou, au contraire, une volonté d’en synthétiser certains autres habituellement dilués. Il y a les entrées qui décrivent la chronologie d’un phénomène ou celles qui vont contribuer à casser quelques idées reçues si tel terme est devenu galvaudé…sans compter la relève des emprunts aux nombreuses autres sciences qui alimentent l’assise conceptuelle et méthodologique de la géographie. Tout cela participe au besoin de « catégorisation » de l’esprit humain, à ce « processus de rangement et de découpage de la réalité ».

Sur la forme enfin, il convient de rendre hommage au style interne à chaque entrée qui, comme chez un bon Alain Rey, combine rigueur et accessibilité rendant agréable la lecture de ce genre d’ouvrages. Les exemples insérés dans le texte aident également beaucoup à la compréhension. Si les entrées statistiques et mathématiques concerneront spécifiquement ceux qui les manipulent, toutes les autres peuvent intéresser n’importe quel géographe, à la fois parmi ceux qui « écrivent la géographie » et qui trouveront là une mine de synonymes tout en faisant la chasse aux quasi- et aux faux-synonymes mais aussi chez nous, enseignants de tous niveaux, pour qui la rigueur du vocabulaire n’est pas toujours de mise à la lecture des prescriptions, recommandations et propositions (manuels notamment). Nul doute que l’enseignement de la géographie dans les cursus primaire et secondaire gagnerait à s’inspirer des approches de l’analyse spatiale pour conceptualiser davantage. J’en suis convaincu (même si je n’ai pas encore fini de tout lire !).