Reçu ce 14 avril, cet ouvrage de 160 pages mérite assurément d’être mis dans les mains de tout professeur de géographie qui se respecte. En dix petit chapitre, les auteurs des différents articles qui composent cet ouvrage présente 10 questions fondamentale sur le devenir de la planète. Ces auteurs participent au comité national français de géographie. Ils sont pour certains, comme Gérard-François Dumont connus de la Cliothèque. C’est d’ailleurs cet auteur qui ouvre le feu, avec une présentation du vertige démographique intitulé le retour des grandes peurs.
Le phénomène qui affecte la population mondiale est multiforme. La population augmente et devrait se situer au-delà des 9 milliards en 2050, elle ne cesse de se concentrer dans les villes, pour atteindre 70 % en 2050 également, la population mondiale vieillit et devrait représenter pour les plus de 65 ans 1,5 milliard d’habitants, toujours en 2050 et enfin cette population bouge, avec le processus de migration. La question qui est posée est bien celle de savoir si la planète sera en mesure de supporter au sens premier du terme une telle croissance de population. Toutefois l’auteur relativise et note que par exemple la géographie de la population apporte trois éléments de réflexion sur la question de l’urbanisation. Le phénomène d’urbanisation est polymorphe, et l’évolution urbaine dépend de variable géopolitique interne et externe, au choix de gouvernance de la ville et à leur degré d’autonomie fixée par le système institutionnel. Cet article est enrichi par des cartes commentées, ce qui le cas des autres articles d’ailleurs, avec des sources citées ce qui permet de les retrouver très facilement.

La Question du changement climatique est évoquée bien évidemment, par Pierre Carrega et Yvette Veyret. L’article permet de faire le point sur l’état actuel des connaissances en la matière. Il existe aujourd’hui deux types de réponses pour faire face aux changements climatiques à venir, et qui sont incontestables, y compris du point de vue des climato-sceptiques. Une tente de réduire la quantité de gaz à effet de serre rejetée dans l’atmosphère afin de diminuer, à terme la hausse des températures ; c’est le processus appelé atténuation. L’autre envisage des réponses sociales, économiques, spatiales au changement ; c’est ce que l’on nomme l’adaptation. Les auteurs font un rappel sur le protocole de Kyoto qui n’a pu être complété lors de la conférence de Copenhague de 2008, avant d’envisager les solutions d’adaptation qui se heurte à deux problèmes principaux : le prix tout d’abord car les changements structurels seraient forcément coûteux et surtout les incertitudes à propos de l’avenir climatique.

Richard Laganier et Laurent Simon s’interrogent sur la nécessaire préservation de la ressource « biodiversité ». Celle-ci est considérée comme une ressource inestimable mais la prise de conscience de son importance pour les sociétés humaines est relativement récente. Les services rendus par les écosystèmes aux activités humaines ne sont pas chiffrables économiquement. Et pourtant, cette biodiversité est également l’objet de bien des convoitises. De plus les deux auteurs s’interrogent sur les conséquences sociales de cette volonté de préservation de la biodiversité, et notamment sur ce qui peut différencier le traitement des populations locales et celui de ces écotouristes fortunés, premier utilisateur de ces programmes de protection.

L’article de Thierry Ruf présente avec beaucoup de clarté la question du partage et de la gestion de l’eau. Au-delà de ce que l’on affirme de plus en plus souvent sur « les guerres de l’eau », l’hydroconflictualité, et autres scénarios catastrophes, l’auteur remet en question des notions que l’on voit de plus en plus fréquemment utilisées, comme le stress hydrique ou la responsabilité de l’agriculture irriguée dans le désordre hydraulique. En la matière, rien n’est véritablement simple. Depuis 1992, la gestion intégrée des ressources en eau s’appuie sur quatre principes : l’eau est une ressource finie à gérer dans une unité hydrographique ; l’eau doit être gérée entre planificateurs, décideurs et usagers ; les femmes doivent avoir une place reconnue dans sa gestion ; et l’eau doit être considérée comme un bien économique. L’auteur note que l’aspect géographique de sa gestion ne semble pas poser de problème particulier.
Pourtant, alors que l’élément de référence pour l’étude des ressources hydrauliques est le bassin versant, la notion de territoire de l’eau, associant les usagers, leurs besoins, leurs usages, et leur participation à la gestion ne semble pas être considérée comme suffisamment pertinente.

Autre question fondamentale traitée dans ces dix défis: peut-on nourrir l’humanité ? Le monde est confronté à des besoins croissants et si la production alimentaire mondiale a augmenté plus vite que la population, il n’est pas évident que dans l’avenir un tel rythme de croissance soit soutenable. Pour répondre à la demande à consommation constante par individu, il faudrait produire plus de 300 millions de tonnes de grain supplémentaire chaque année, soit l’équivalent de la production des États-Unis. À l’échelle mondiale le bilan alimentaire actuel paraît inquiétant mais en réalité si les familles n’existent elle semble davantage liée à des problèmes politiques et les problèmes de production. La question qui est également posée est celui du prix de la production. L’augmentation de la productivité agricole a permis une baisse tendancielle des prix, mais cela s’est fait au prix d’une consommation accrue d’énergie, d’eau, d’espaces agricoles. Toutes ses ressources sont de plus en plus rares. Dans ce domaine, Jean-Louis Chaléard qui rédige cet article note que les différences entre pays riches et développés, bénéficiant d’un soutien efficace à leurs agriculteurs et les pays du sud contraints à une agriculture largement dépendante des achats des pays riches, avec les cultures d’exportation, sont toujours aussi fortes.

Les autres articles traitent de la santé, des villes, des transports ainsi que de la place de la Chine dans le nouvel ordre mondial.

Le dernier article rédigé par Frédéric Dufaux, Sophie Moreau, Philippe Gervais-Lambonny interroge la notion de justice spatiale ? L’appropriation de l’espace, les inégalités sociales que cette appropriation peut traduire sont effectivement des sujets importants qui montrent que la justice sociale se traduit dans l’espace mais que réciproquement, l’organisation sociale de l’espace et productrice d’injustice. Ces dynamiques complexes qui se déploient dans l’espace et dans le temps ne sont pas faciles à décrypter même si l’on peut en percevoir très rapidement les effets autour de soi.

Bruno Modica