Déjà publié en 1998 chez le même éditeur, cet ouvrage permet une reconstitution précise du plus grand naufrage de l’histoire maritime, à l’occasion du centième anniversaire de ce qui a été sans doute l’événement le plus marquant du début du XXe siècle.

Plus que le récit lui-même du naufrage, qualifié d’impensable, puisque ce grand navire était considéré comme totalement insubmersible, c’est surtout la présentation de la construction navale au début du XXe siècle qui mérite le détour. Le Titanic, qui bat pavillon britannique, s’inscrit dans une démarche de confrontation avec l’Allemagne, dont les deux compagnies maritimes dominent le marché des croisières transatlantiques, en assurant la grande masse du transfert des émigrants vers le rêve américain. Dans la première partie de l’ouvrage, Philippe Masson se livre à un examen attentif des enjeux économiques qui opposent la vieille compagnie de la Blue Line, à ses concurrentes du Hambourg.

Concurrence germano-anglaise

Le récit du naufrage décortique l’enchaînement des circonstances qui a conduit à la catastrophe, et notamment les préoccupations en matière de vitesse qui ne semble pas avoir été réduite malgré le danger des icebergs, et le caractère insuffisant des moyens de sauvetage présents sur le bâtiment.

Mais c’est bien entendu l’entrée dans la légende qui retiendra le plus l’attention. Pourquoi finalement ce naufrage d’il y a un siècle suscite t’ il toujours autant de questions. Sans doute le film de Cameron diffusé il y a maintenant 15 ans a donné à ce naufrage une intensité particulière.
On retrouve dans l’histoire avec Leonardo diCaprio et Kate Winslet, une dimension économique et sociale et une belle petite romance.

En 1985, des explorations sous-marines permettent de retrouver cette épave du Titanic dans un état de conservation relativement acceptable, compte tenu de la profondeur et de l’impact lorsque le bâtiment a fini par sombrer. Les recherches sur le Titanic ont permis d’ailleurs d’éclairer bien des questions, notamment sur la vie biologique dans les grands profondeurs, puisque le bâtiment se trouve à plus de 4000 m de fond, mais aussi sans doute quelques révélations à propos de la faible résistance à basse température des aciers du début du XXe siècle.

La légende du Titanic

Cet ouvrage est effectivement une belle mise au point, parfaitement documenté, enrichi de multiples photos avec des tableaux tout à fait intéressant sur le rapport existant entre classe des passagers et personnes effectivement secourues. Autre révélation, quand bien même les embarcations de secours étaient insuffisantes pour accueillir les 2000 passagers, les 770 personnes secourues l’ont été sur des chaloupes qui auraient pu contenir quatre à 500 personnes de plus. La tragédie du Titanic a évidemment permis une réflexion sur les secours en mer qui ont évolué depuis. Pourtant, la course au gigantisme a repris avec des navires de grande croisière qui peuvent accueillir près de 4000 passagers, et la catastrophe du Costa Concordia a montré qu’en matière de secours en mer, même près des côtes, beaucoup restait à faire. Indépendamment des facteurs techniques et des systèmes de sécurité, aussi sophistiqués soient-ils, c’est l’action des hommes et leur compétence face à un milieu hostile qui fait la différence. De ce point de vue, un siècle après le Titanic le naufrage du Costa Concordia sur les côtes italiennes reste comme un clin d’œil de l’histoire.

Bruno Modica