« Une rose coupée sur les hauts plateaux des Andes en Equateur arrive à Rungis avec juste quelques heures de retard sur ses consoeurs françaises du Var » précise la jaquette du dvd. Telle est donc la réalité actuelle du marché des fleurs.

Jean-Michel Rodrigo, réalisateur de nombreux documentaires, propose ici un reportage sur « Le business des fleurs ». Il s’agit d’une façon différente d’illustrer les rapports économiques mondiaux actuels. Il est l’auteur également de « La guerre des cotons » qui se situe dans le même esprit que ce documentaire. Pour ceux qui sont intéressés par son travail, signalons d’ailleurs qu’on peut lire un commentaire de son documentaire sur le coton sur le site des Clionautes.
(http://www.clionautes.org/?p=1466)

Jean-Michel Rodrigo nous invite donc à un passionnant voyage où, tout en apprenant beaucoup sur les fleurs, on en arrive aussi à une vision de la mondialisation. C’est donc une façon d’aborder ce thème dans les cours, autrement que par les mêmes sempiternels exemples des manuels. En effet, les fleurs sont cotées en bourse comme le café ! De la même façon, se développe une féroce concurrence entre les producteurs et, aujourd’hui, il n’y a plus de saison, ni de frontière. Parmi les continents ou pays producteurs, on retrouve Israël, l’Amérique du sud, l’Italie ou la Thaïlande et bien évidemment la Chine. Le documentaire explique que, pendant longtemps, la production hollandaise suffisait à l’Europe mais qu’ensuite les Pays-Bas ne sont plus arrivés à augmenter la production. Alors les Hollandais ont semé ailleurs, manière d’illustrer l’importance qu’a celui qui possède les capitaux. On a reconverti les anciennes haciendas coloniales pour produire des fleurs : aujourd’hui l‘Equateur réalise le quart de la production mondiale de roses ! Mais attention néanmoins à ne pas projeter de raisonnement trop hâtif sur ce marché de la fleur. En effet, la rose d’Equateur est chère et ce n’est donc pas son coût qui explique son succès.
Le marché des fleurs devient donc permanent mais ce n’est pas tout : là, comme ailleurs, il existe des modes et des spécificités selon les acheteurs ! Les Japonais examinent même les feuilles des roses. On aboutit donc bien à une façon originale d’aborder un aspect du chapitre du cours sur la mondialisation : elle peut à la fois uniformiser et en même temps, elle nous fait mieux sentir les particularismes culturels. En effet, pour tous les pays la Saint Valentin est importante, mais à chaque pays, son moment fort, comme la fête des mères en Europe : 40 millions de roses passent alors en 10 jours par Quito.

On pourrait joindre utilement une carte du monde pour suivre le trajet des fleurs tout au long du dvd.
Le documentaire évoque ensuite la question des flux et des transports. Tout d’abord en soulignant le poids du secteur illicite qui essaye de faire passer de la drogue dans les roses. Cela peut bloquer l’aéroport et on imagine les conséquences pour ce genre de produit périssable. Il faut aller toujours plus vite et, à Quito, il faut augmenter la rapidité des rotations alors que l’aéroport est très dangereux. Tout est fait en tout cas pour les fleurs, car le prochain aéroport se situera plus près des serres. On apprend enfin que la rose d’Equateur passe par la Hollande puis est livrée de nuit dans les magasins français.

La suite du reportage montre d’autres aspects de la mondialisation qui fait que parfois on peut tout à fait intervertir le discours qui est tenu ; en effet, il peut s’appliquer à la nourriture ou aux fleurs : pas de produit déformé, mais calibré, et si possible toute l’année, tout en sachant qu’il doit bien se conserver. De même si certains producteurs français misent sur la vente directe pour s’en sortir en France, on observe parfois des situations qui semblent plus absurdes : en effet, une fleur coupée en France peut passer par la Hollande qui est un des marchés de référence pour finalement être vendue en France ! Entre temps elle aura parcouru 3000 kilomètres et ce n’est pas sans conséquence pour l’environnement.
On rencontre aussi des inventeurs qui croisent des fleurs qui existent déjà, mais il n’y a pas dans ce domaine de modification génétique.

Au total il s’agit donc d’un documentaire très intéressant qui aborde encore bien d’autres aspects, qui multiplie les éclairages et donne à réfléchir sur un produit sur lequel on ne se serait pas forcément interrogé. Il fournit un angle original pour traiter de la question de la mondialisation. On pourrait même l’utiliser pour vérifier que les points importants du chapitre ont été acquis puisqu’ils seraient retrouvés par les élèves tout au long de la projection du documentaire.

© Clionautes