C’est aussi l’occasion d’un moment d’histoire orale puisque cette approche événementielle est basée sur la confrontation des sources avec des témoignages oraux recueillis par l’auteur auprès des témoins ou des familles des révoltés, dans les années 60.
l’auteur pose en quelque sorte le décor: tableau de la situation politique du midi depuis 1870, rappel de la situation économique du vignoble: alternance de mévente par surproduction, crise du phylloxéra, bonnes années, fraudes après l’autorisation du sucrage et pratiques du mouillage des vins, et présente les deux “héros” de la crise : le petit exploitant viticole et cabaretier, Marcel Albert et le médecin socialiste, maire de Narbonne: Ernest Ferroul.
On assiste ensuite jour après jour du 11 mars à la fin août 1907, d’Argelliers à Montpellier, en passant par Béziers, Narbonne et Perpignan à la montée d’une agitation plutôt bonne enfant: revendications des ouvriers agricoles mais aussi des petits puis gros propriétaires, au bras de fer avec le gouvernement Clemenceau, à la grève de l’impôt et aux démissions des élus. C’est toute une population qui manifeste pour défendre le vignoble languedocien, une quasi-monoculture depuis le développement du chemin de fer. Le récit détaillé est illustré de nombreux extraits: discours, presse… Face à la mobilisation viticole, l’intransigeance du gouvernement avec l’arrestation mouvementée des leaders et les maladresses policières et militaires entraînent les échauffourées mortelles du 20 juin à Narbonne et la mutinerie du 17ème régiment d’infanterie, composé de recrues originaires de la région.
L’auteur cherche à reconstituer les événements au plus près de la réalité tout en proposant une analyse rapide des orientations politiques à l’oeuvre dans ses journées : position des socialistes, des radicaux mais aussi des monarchistes heureux de ces manifestations de défiance envers le gouvernement de Paris même si le mouvement ne fut ni anti-républicain ni véritablement régionaliste.
Le récit se termine par la résolution de la crise, la description rapide des poursuites judiciaires et la naissance de la confédération Générale des Vignerons du Midi. On suit les deux “héros” jusqu’à leur décès en 1921.
L’ouvrage est complété d’une chronologie, une bibliographie remise à jour en 2007 mais surtout de la retranscription des slogans par commune et des paroles de diverses chansons et en particulier peut-être la plus célèbre : Gloire au 17ème de Montéhus.
On appréciera aussi la présence de nombreux documents: lettre de Clemenceau aux maires démissionnaires, discours, témoignages, extraits de rapports des autorités militaires et des reproductions de pages de presse, photographies, et croquis.
Pour ceux que cette crise passionne signalons qu’en cette année 2007 d’autres ouvrages lui sont consacrés:
Sur la révolte du Midi viticole de 1907, La Révolte du Midi de A à Z , de Jean Sagnes et Jean-Claude Séguéla, (Aldacom, 192 p., 20 €), l’ouvrage illustré de Christophe Deroubaix, Gérard Le Puill, Alain Raynal, Les Vendanges de la colère. Midi viticole 1907-2007 (L’Humanité-Au Diable Vauvert, 128 p., 29 €) et un recueil de nouvelles par des écrivains languedociens, Nouvelles de la révolte, 1907-2007 (Cap Béar, 229 p., 14 €).
Sur le traitement par la justice de ces enjeux, des fraudes aux émeutes, vient de paraître : L’Etat face à la révolte de 1907, d’André Ferran, La Découverte, 180 p., 13,50 €.
Sur le 17ème régiment : 1907. Les mutins de la République de Rémy Pech et Jules Maurin. Privat, 336 p., 19 €. Dont Bruno Modica nous a proposé le compte-rendu: http://www.clionautes.org/?p=1433&var_recherche=pech
et un article d’Emmanuel Le Roy Ladurie, 1907, le millésime de la colère . L’Histoire no 320, mai 2007, p 64
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