Dubuffet (1901-1985) est un de ces artistes que l’on rencontre souvent dans les écoles primaires essentiellement autour de ses œuvres en rouge, bleu et noir de » l’Hourloupe ». Mais son travail ne se résume pas qu’à cela et ce documentaire montre bien la richesse de cet artiste.

Céline Delavaux, qui a lui consacré sa thèse, connait donc bien le sujet. Son livre en deux parties présente tout d’abord Dubuffet l’artiste puis Dubuffet, collectionneur d’art brut, un terme qu’il a inventé.

  1. Dubuffet, l’artiste :

Dans une brève biographie, le lecteur apprend que Jean Dubuffet s’inscrit à l’âge de 15 ans au cours du soir de l’école des Beaux-Arts. Il abandonne cette école rapidement car les cours lui semblent trop académiques, trop prétentieux et éloigné de la vie quotidienne. Dubuffet se remet à la peinture à 41 ans, après avoir travaillé dans l’entreprise familiale de négoce de vins. Fortune faite, il décide de s’intéresser à « tout ce que l’histoire de l’art met de côté : les dessins d’enfants, l’art populaire, les graffitis, les arts d’Afrique et d’Océanie. » Il peint, essaie, mélange les matériaux, les techniques, expérimente….

Sur les doubles pages qui suivent, le lecteur découvre les sources d’inspiration de Jean Dubuffet. Imitation des enfants pour leur fraicheur, la simplicité, sans les proportions et la perspective avec des couleurs joyeuses. Utilisation de matériaux inusuels comme le sable, le gravier, le mastic pour jouer avec la matière. Invention d’un jargon se libérant des règles de grammaire et d’orthographe ( Anvouaiaje, par in nimbesil avec de zimage par exemple = en voyage avec un imbécile avec deux images). Il tente également de représenter des paysages intérieurs, le monde qui habite nos esprits.

Tout ce qui l’entoure est source d’inspiration. La nature dont il colle, assemble les éléments,  comme les éponges avec lesquelles il crée de petites personnes « Petites statues de la vie précaire. » Il peint de grandes toiles qu’il coupe ensuite et réassemble pour en faire des jeux de hasard et de manipulation. Fasciné par les chemins et les routes, il imite la texture des sols sur de grandes toiles étalées sur le sol de son atelier. « Texturologie », « Matériologies » sont autant d’œuvres qui donnent l’impression d’observer la terre à la loupe. La ville est un lieu tout aussi inspirant avec ses couleurs, ses personnages, ses boutiques, les enseignes. Tout se mélange et tout devient de plus en plus abstrait.

Et puis « L’Hourloupe », un projet qui va l’occuper pendant 12 ans. Projet parti de quelques griffonnages avec des stylos bille bleu et rouge au téléphone, comme chacun a pu le faire. De ces lignes et rayures naissent des figures qu’il colle sur du papier noir. Un nouvel univers prend naissance, il crée des maquettes en polystyrène, puis construit la closerie Falbala que l’on peut visiter. Jusqu’à la fin de sa vie, il expérimentera toujours dans l’optique de peindre la pensée, de peindre un monde intérieur.

Cette première partie est très intéressante, l’auteur explique les différentes techniques que Dubuffet a pu expérimenter pendant sa vie, et elles furent nombreuses. Chacune d’elles se présente sur une double page, dans un vocabulaire simple mais précis, technique. On pourrait facilement s’imaginer Dubuffet en action. Deux ou trois œuvres illustrent le texte.

  1. Jean Dubuffet, collectionneur d’art brut.

Dubuffet pensait que les artistes ne faisaient que répéter l’art du passé, leur savoir bloquant leur imagination. Il se remettait également en question pensant agir de même. Mais il était persuadé qu’une autre manière d’art existait, un art obscur, un art brut comme il l’a ainsi baptisé. Il est donc parti à la recherche de personnes qui créaient pour créer, sans référence artistique, sans souci d’être connu et reconnu. Et c’est dans les hôpitaux psychiatriques, les prisons, les campagnes qu’il a trouvé ce qu’il cherchait. La collection de Dubuffet se composait ainsi de plus de 4 000 pièces. Cette manière de s’exprimer devient donc, grâce à lui, un art avec des œuvres exposées dans les musées et les galeries d’art.

Cette seconde partie recense les différents aspects de cet art brut. Création derrière les murs des asiles. Des oeuvres par des médiums guidés par les esprits. Des œuvres pour son plaisir. Pour se réfugier dans un monde imaginaire comme par exemple Adolf Wölfi. Cet homme interné a dessiné pas moins de 25 000 pages, soit 44 volumes racontant sa vie  imaginaire et héroïque.

L’art brut se caractérise également par l’utilisation de matériau du quotidien, ce que l’artiste avait sous la main en quelque sorte. Bout de papier, mie de pain, lainage, bouchons, chaussettes, fil et laine, tout se prête à la création. Ces créations sont surprenantes, certaines naïves, d’autres plus torturées mais aucune ne laisse indifférent.

 

Le lecteur se rend compte que l’on peut créer à partir de tout et de rien, que l’art se cache partout et que chacun peut se révéler artiste à sa manière.

 

 

Cet ouvrage bien fait et bien écrit permet de faire le tour d’un artiste connu et de ses inspirations diverses. Dubuffet avait de nombreuses facettes qu’il a exprimées dans ses œuvres, ses écrits et ses collections.

En classe, l’enseignant dispose d’un ouvrage complet pour présenter Dubuffet aux élèves, pour aller au-delà des œuvres utilisées « traditionnellement ».  La partie art brut est également intéressante pour travailler l’acte de création dans son expression première, ce qu’au final les élèves font si on leur laisse la possibilité d’essayer, d’expérimenter.