L’objectif de Yannick Brun-Picard dans cet ouvrage est de démontrer que le paradigme de la durabilité peut devenir un référentiel éducatif pour toutes les activités de notre Humanité. Il invite les actants, les sociétés, les institutionnels et les éduquants à agir au contact des réalités de la Terre tout en intégrant les progrès technologiques au service du devenir du vivant. Afin d’atteindre ses objectifs tout en conservant l’intérêt de la démarche développée, l’auteur articule ses propos autour de sept chapitres accompagnés de deux douzaines de figures conceptuelles et d’une bibliographie relativement dense.

Une trame d’analyse met en place une conceptualisation spécifique pour que le lecteur s’approprie géographiquement des interfaces fonctionnelles et qu’il positionne la géographicité. Un regard pragmatique est posé sur l’impératif pédagogique tout en dressant un constat au vitriol des pratiques actuelles dans le but de tendre en direction du nouveau paradigme. Les prélèvements irréversibles des extractions minières, sur la faune, sur la flore et l’exploitation irraisonnée de l’eau exposent un tableau atterrant. L’exploitation de l’épiderme terrestre avec ses abus dans les domaines de l’agriculture, des implantations et des aménagements prépare la mise en perspective de l’anthropisation. Elle est abordée par le prisme de l’urbain, des tourismes et des conséquences néfastes pour l’épiderme terrestre. L’action éducative trouve sur ce socle ouvert des thématiques propices à l’intégration de la durabilité dans les pratiques éducatives. Pour cela, les éduquants sont incités à concevoir l’interface de durabilité, à œuvrer dans une conscientisation accrue des réalités existantes tout en reconnaissant les apprenants et en insistant sur la nécessité que la durabilité est un objectif éducatif en relation étroite avec la géographie. Dans cette perspective, les actants sont conviés à agir au contact en prenant appui sur l’exemple des restanques en Provence et en présentant une parcelle d’utopie dans les attentes éducatives. Au final, l’auteur met la durabilité à l’épreuve du concret et dévoile des défis pour que la durabilité puisse prendre toute la place éducative qui peut être la sienne. Les domaines de la géographie et de l’enseignement de la géographie sont dépassés avec les dix commandements (p.30) et des invariants à l’œuvre pédagogique positionnés pour leur part en annexe et que l’auteur a déjà explicités dans de précédentes publications. Ce qui ferait de cet ouvrage, par les liens tissés entre l’éducation, la durabilité et la diffusion des savoirs, un élément de la pratique de la pédagogie en géographie. Les notions d’interdépendance, d’implication, de volonté et surtout de responsabilité sont fréquemment employées afin que les individus perçoivent l’importance de leur action, tout en reconnaissant qu’il existe des freins conjoncturels et institutionnels à l’instauration de la durabilité dans une fonction de paradigme sociétal et d’axe éducatif pour toute la scolarité des apprenants.

Toutefois, un ouvrage lu est soumis à l’avis de son lecteur et plus particulièrement à l’expression de sa subjectivité. Les quelques coquilles relevées sont des plus objectives. Elles entachent ce travail de conceptualisation de l’éducation à la durabilité. La trame méthodologique bien que justifiée et pragmatique n’en demeure pas moins directive, tout en offrant une large liberté de structuration des études des phénomènes abordés. La présentation synthétique des axes de développement aurait été plus attractive avec des informations supplémentaires, voire soutenue par des arguments plus imagés. Les figures conceptuelles sont parfois très denses. Elles exigent des efforts pour parvenir à s’imprégner des articulations proposées. L’éloignement avec les pratiques existantes dans les établissements scolaires ainsi que les critiques à peine voilées seront certainement des sources de récriminations, car l’auteur sous-tend que ce qui est entrepris n’est pas suffisant. L’affirmation de la mise en œuvre du néo-socioconstructivisme pourra irriter des personnes soucieuses des évolutions quantitatives, ajouté à cela, il plane un sentiment de cours donnés à des étudiants avides de recettes pour finaliser leurs études. Ces aspects freineront tout engouement pour cet ouvrage et pour les propositions intéressantes explicitées.

Cependant, il faut reconnaître que « la trame méthodologique » met à la disposition des étudiants, des candidats aux concours et des éduquants un outil des plus fonctionnels propice à une compréhension accrue des dynamiques des potentialités d’une éducation évolutive à la durabilité. La mise en avant du paradigme de durabilité (p.44) par l’intermédiaire d’une définition permet de s’immerger dans cet univers conceptualisé et articulé dans une finalité d’efficience éducative. La prise en considération de la géographicité invite le lecteur à se pencher en direction d’une épistémologie humaniste de la géographie. Les exemples exposés changent des habitudes normées pour positionner la durabilité des activités prélèvements et plus largement des actions anthropiques, lesquelles apparaissent comme étant une inquiétude majeure pour l’auteur. Par ailleurs, l’intégration des évènements contemporains favorise le changement de perspective de lecture des faits induits par le développement durable, afin de diversifier de manière constructive leur compréhension et leur présentation. En outre, l’originalité de la démarche entreprise par Yannick Brun-Picard mérite une attention soutenue afin que les destinataires construisent progressivement leur propre trame de mise en œuvre d’une éducation à la durabilité, tout en contribuant à l’amélioration de nos connaissances sur ce besoin propre aux réalités sociétales et géographiques.