Alors que l’humanité prend conscience qu’elle vit un tournant dans l’histoire de l’environnement, tournant qu’elle a elle-même provoqué, les deux auteurs – Juliette Ravaux, professeure de biologie animale à la Sorbonne et Sébastien Duperron, chercheur rattaché au Muséum national d’Histoire naturelle – de ce court ouvrage richement illustré, dressent un tableau des espèces qui ont su et dû s’adapter aux milieux extrêmes dans lesquels elles évoluent depuis des centaines voire des milliers d’années.
Vivre sans eau ou presque, résister aux températures qui semblent absolues pour l’être humain, évoluer dans la Mer que l’homme qualifie de « Morte », aller jusqu’à modifier son propre organisme : animaux, plantes, microbes mais aussi molécules développent des stratégies de survie dont nous ignorons trop souvent les mécanismes. Cet ouvrage publié dans la collection des Carnets de sciences non seulement en rend compte mais explique les stratégies mises en action pour permettre la survie.
Les champions de l’extrême : des adaptations remarquables
C’est dans cette partie que le lecteur peut se croire en terrain connu : aridité, obscurité, chaud et froid évoquent des milieux où l’adaptation parait évidente pour les cactus qui s’acidifient la nuit, les fourmis argentées du Sahara revêtues de fourrure, les rats-kangourous qui ne boivent jamais, les ours polaires recouverts de poils creux et transparents, mais aussi les espèces abyssales devenues aveugles, et même les cellules capables de résister à une « super » acidité. S’appuyant sur des encarts scientifiques, des schémas et la présentation des outils de la recherche, il est possible alors de comprendre non seulement pourquoi, mais aussi comment cette faune et cette flore s’adaptent et résistent .
Aux limites discutées de la biosphère
La biosphère que les auteurs surnomment « la couche limite » capable d’héberger la vie intéresse les savants depuis le XVIème siècle face à la propagation des épidémies qui ravagent l’Europe. Très vite, l’idée que des « animaux » circulent dans l’atmosphère est vérifiée par les microscopes mais la connaissance de ce milieu va de concert avec les progrès des technologies les plus contemporaines de la recherche. Au début du XXème siècle, des ballons-sondes ramènent des échantillons récupérés à 20 kilomètres d’altitude, aujourd’hui les chercheurs travaillent sur des échantillons prélevés à 77 kilomètres d’altitude : milieu sec, pression réduite, froid extrême et rayonnement solaire intense n’empêchent pas de nouvelles formes de vie adaptées. C’est en creusant des sites profonds de stockage de déchets nucléaires en Scandinavie ou des mines en Afrique du Sud que la vie a été découverte à 4000 mètres sous la surface de la terre. Il y a donc encore tout un univers qui est en cours d’exploration parmi ces microorganismes qui semblent parfois avoir découverts les secrets d’une vie quasi-éternelle…
Des milieux extrêmes insoupçonnés
Place à la vie quotidienne dans cette partie où l’homme est parfois le démiurge de ces milieux qu’une vie colonise. Mais c’est aussi ici que le bouleversement climatique, l’anthropisation de la planète peuvent se mesurer avec la fragilité des milieux coralliens, l’assèchement des rivières, la prolifération mondiale de l’artémie (petit crustacé qui vit normalement dans les eaux côtières particulièrement salées) qui sert d’aliment dans la pisciculture. Depuis le Néolithique, les êtres humains – en cultivant le sel, en réfrigérant leur nourriture, en pratiquant la fermentation alcoolique et la fermentation lactique – ont créé des milieux emplis d’une vie nécessaire. Paradoxalement, depuis les travaux de Nicolas Appert nous cherchons à la faire disparaître, car elle représente parfois un véritable danger pour la santé. Aujourd’hui, les villes, la pollution plastique, les transformations de l’organisme humain lui-même sont devenus des milieux extrêmes symboles de notre époque.
Ce que les milieux extrêmes nous apprennent
Il y a des leçons à tirer de tout cela comme nous le démontrent les deux chercheurs dans cette partie où des schémas scientifiques permettent d’éclairer leur démonstration. Il y a aussi des questions de soulever : et si finalement l’origine de la vie trouvait une réponse dans un milieu extrême ? Même s’il manque encore aujourd’hui des étapes, il ne fait plus aucun doute que des éléments constitutifs de la vie sont nés d’un tel milieu soulevant ainsi la question de la vie ailleurs dans l’univers.
La Terre…une planète d’extrêmes
La vie sur Terre relève bien plus souvent que nous ne le voyons ou ne le savons d’une adaptation, d’une résistance et d’une résilience des êtres vivants quel que soit leur taille. Alors que des milieux naturels disparaissent, que la plastisphère s’étend, Juliette Ravaux et Sébastien Duperron terminent cet ouvrage en affirmant que » le vivant continuera à s’adapter et qu’il n’a pas fini de nous étonner « …