Sylvain Connac est enseignant chercheur en sciences de l’éducation et a déjà publié « Apprendre avec les pédagogies coopératives » et sort actuellement aussi un livre chez Canopé sur « La coopération entre élèves ». Il choisit dans le présent ouvrage de s’intéresser à une question essentielle, celle de la gestion de l’hétérogénéité des élèves.

La pédagogie du colibri
Pour montrer que celle-ci peut être une richesse, il choisit une image, celle de la pédagogie du colibri empruntée à André de Peretti, grand penseur de l’éducation qui vient de nous quitter. Définissons en quelques mots ce que serait cette pédagogie : une pédagogie où chacun fait sa part, où le maitre construit du collectif, où on articule découverte et formalisation. Pour résumer, c’est une attitude qui se caractérise par un souci de l’élève dans son individualité mais sans oublier le groupe classe.

Le sens de la synthèse

En introduction l’auteur définit et évoque quelques principes fondamentaux auxquels il croit et qu’on espère le plus partagé : « faire de la pédagogie, c’est se lancer dans le pari de l’éducabilité pour tous… ». Il présente de façon claire un état des lieux des savoirs pédagogiques et indique qu’un de ses angles de rédaction, c’est de s’appuyer sur des cas pratiques, sans jamais se laisser aller à trop généraliser. L’ouvrage comprend des prolongements sous forme de codes à flasher. Chaque partie propose de façon très pratique une synthèse des principales idées qui viennent d’être développées.

Comprendre les inégalités scolaires

Sylvain Connac entreprend d’abord un balayage de la situation du système scolaire français. En 1970, 30 % d’une classe d’âge sortait de l’école sans diplôme. En 1990, ce taux était de 15 % et de 8,5 % en 2016. Il relève ainsi quelles sont les difficultés et les inégalités et fort logiquement s’interroge sur ce que serait une école juste. Il donne de l’information argumentée sur l’inutilité du redoublement et prend ensuite le temps d’expliquer ce qu’est la différenciation pédagogique. Il utilise des références scientifiques récentes comme celle qui renvoie aux travaux de la Cnesco. Il s’intéresse aussi à la question des devoirs en insistant sur le fait que le « travail individuel des élèves ne devrait pas comporter de difficultés majeures, mais renforcer ce que les élèves ont déjà appris ». Il aborde aussi un point fondamental qui est celui du non-dit, de l’implicite, qui ne fait que renforcer ou consolider les inégalités entre les élèves.

La place des leçons dans un processus d’apprentissage

Les leçons sont nécessaires mais elles doivent répondre à des critères que Sylvain Connac s’attache à préciser. Il montre ainsi les différentes phases de l’apprentissage et souligne par exemple que si le doute cognitif est un bon levier, encore faut-il qu’il soit court et qu’il soit couplé à des expériences de réussite. Il rappelle également les travaux très intéressants de Daniel Favre. Par souci de réalité, Sylvain Connac propose la matrice d’une structuration d’une leçon de 55 minutes afin d’allier théorie et pratique. Il s’arrête aussi sur le principe de la classe inversée et propose une approche autour de la question du numérique. Fort à propos, il montre la diversité derrière ce terme unique en réfléchissant par exemple à quelle place pour une capsule vidéo.

Evaluer sans décourager

Il faut se souvenir qu’au sein d’un collège de 600 élèves, ces derniers sont soumis à près de 90 000 actes de notation en une seule année scolaire ! Que mesure-t-on au final ? Et tout ce temps pris sur les heures d’enseignement ne pourrait-il pas être mieux employé ? Sylvain Connac parle de la rétroaction et de la boucle évaluative. Il s’intéresse aux bienfaits de l’autocorrection et aux méthodes pour encourager et stimuler, comme les smileys, les brevets et autres ceintures de couleurs. Comme le dit l’auteur, ce ne sont là que des exemples et l’essentiel est dans la réflexion sur la façon de médiatiser les progrès des élèves.

Autonomie et responsabilité

L’auteur affirme là aussi quelques principes de fonctionnement comme « en tant qu’enseignant j’accepte de réserver une partie des temps de classe pour que les élèves prennent des initiatives ». Il propose une approche très synthétique du concept d’autonomie et enchaine sur la responsabilité individuelle humaine et environnementale. Il montre bien qu’il «  ne suffit pas de laisser les élèves en situation d’autonomie pour qu’ils apprennent ». Sylvain Connac évoque les ceintures de comportement et leur fonctionnement pratique.

L’individualisation par les plans de travail

L’auteur se consacre ensuite à la question des plans de travail en retraçant d’abord la genèse d’une telle idée avec par exemple l’influence de Célestin Freinet. Il faut préciser que le plan de travail se veut un outil pour aider l’élève individuellement, sans omettre la dimension collective qu’est la classe. Sylvain Connac présente les moyens possibles, comme la feuille de route ou encore le contrat de travail.

L’organisation de la coopération entre élèves

Au-delà de l’image positive qu’elle peut renvoyer, la coopération entre les élèves peut s’avérer comme un moyen efficace de lutter contre le développement des inégalités scolaires. L’auteur montre que dans ce type de dispositif, l’enseignant n’est plus la source unique de ressources et cela peut favoriser l’activité intellectuelle réelle de l’élève. Pour que cela soit bien réalisé, encore faut-il s’entendre sur les mots et sur certaines modalités. Il montre que la coopération est une notion polysémique. Dans son souci permanent d’articuler recherche et aspect pratique, il précise ainsi quelques règles pour que cela soit efficace. Sylvain Connac évoque ensuite les situations de tutorat à travers des exemples concrets comme le tétra-aide qui peut être utilisé à l’école primaire.

Construire une discipline et une autorité éducative

Dans ce dernier chapitre, Sylvain Connac s’attache à préciser la différence entre discipline et autorité. Il distingue trois familles d’autorité : l’autorité autoritariste, l’autorité évacuée et l’autorité éducative. Il précise les différences entre sanctions et punitions et réfléchit à comment entretenir le calme dans une classe. Comme dans d’autres chapitres, il livre des aspects très concrets comme ces balles de tennis qui équipent les pieds de chaises pour atténuer le bruit.

En conclusion, l’auteur insiste sur la notion de développement professionnel, très présente dans les pays anglo saxons, et presque absente chez nous. Un ouvrage qui remplit pleinement son souci d’articuler résultats de la recherche et aspects pratiques de la classe.

© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes.