Rédigé par deux universitaires parisiens, spécialistes des sciences de l’éducation, l’ouvrage présenté ici est très orienté par l’ancrage philosophique de ses auteurs. Organisé autour de huit chapitres, il pose quelques idées théoriques intéressantes même s’il est difficile à appréhender pour qui n’a pas les références et le vocable de cette coloration disciplinaire.
Le statut de l’hypothèse est questionné : passer de la croyance et de la connaissance à la mise en doute permet d’en tester la robustesse dans le but de ne pas vouloir à tout prix la valider.
La chronologie de la recherche est aussi interrogée : il est difficile de lui donner un début et presque contradictoire de vouloir lui affecter un terme. Le mode de pensée ne peut pas être linéaire, il est fait de nombreux retours en arrière (spirale).
La posture du chercheur est à la fois modeste (tenir compte des travaux antérieurs de la communauté) et orgueilleux (il prétend amener de la nouveauté).
Concernant l’éducation en tant que telle, le risque de vouloir en faire une technologie est réel car la demande sociale se focalise autour d’une technologie car elle apporte une réponse concrète. Cela explique que les travaux se situent davantage de la praxéologie que du côté de la production de connaissances.
Au sujet du rapport à l’expertise : l’expert est un scientifique qui cesse de l’être dès qu’il devient expert. Cela pose le problème du statut « définitif » des savoirs. La recherche augmente l’incertitude alors que l’expertise est là pour l’arrêter.
Sur le statut des savoirs ordinaires et des connaissances scientifiques : en sciences humaines et sociales, on a déjà une expérience implicite des faits, des connaissances avant de vérifier les choses, éventuellement de manière explicite.
Sur l’entrée par l’ethnométhodologie (qui n’est pas une méthodologie des ethnies mais la façon dont, dans une société donnée, les membres « ordinaires » parviennent à résoudre des problèmes à partir d’une compréhension des règles de fonctionnement de cette société).
Sur la différence entre recherche « en » éducation et recherche « sur » l’éducation, on note qu’une partie des travaux menés dans le champ de l’éducation sont des recherches « sur » l’éducation et restent extérieurs à « l’intention éducative », projet dans lequel il y a une transformation volontaire de l’autre.
Des outils sont évoqués comme le journal de recherche pour développer la réflexivité, la distanciation, la transformation du vécu. Il est à compléter fréquemment pour créer une « profondeur fragmentée dynamique ». Le questionnaire est aussi cité avec la précaution de ne pas poser à l’enquêté des questions que l’on se pose en tant que chercheur, de ne pas poser des questions qui orienteraient trop
Le triste constat est fait que les départements universitaires de sciences de l’éducation ne forment que des docteurs qui n’ont que peu de chances de poursuivre leurs recherches (sauf à être recrutés comme maître de conférences). « Mieux vaut changer de section » est-il noté dans l’ouvrage !
Sur la posture, celle de praticien-chercheur est discutée en fin d’ouvrage avec les possibles conflits d’objectifs qui peuvent survenir.