Si les maux qui affectent notre école sont connus et identifiés, le premier confinement de la crise sanitaire de 2020 les a rendu encore plus visibles.

C’est sur cette base que les trois auteurs, Rodrigo Arenas (conseiller municipal et ancien coprésident de la FCPE), Edouard Gaudot (ancien professeur d’histoire puis conseiller politique au Parlement européen) et Nathalie Laville (ancienne professeur d’histoire, journaliste) ont rédigé cet essai voulant repenser l’école moins autour de la sempiternelle question des moyens qu’autour de celle des objectifs qu’on peut lui assigner.

Les obstacles

Le début du texte consiste en un exposé des nombreux obstacles qui freinent toute possibilité de réforme de fond. C’est un espace « à la parole rationnée, aux postures corrigées, au mouvement prohibé, au silence exigé » (p 24)…mais c’est là le prix à payer face à l’imposant nombre d’élèves par classe. L’écart à ce modèle passe par la sanction disciplinaire qu’on pourrait éviter avec davantage de temps et de dialogue. On pense le bien-être de l’élève à sa place (rythmes de vacances autrefois agricoles et aujourd’hui touristiques, conformisme vestimentaire, relation complexe à l’immigration vu le passé colonialiste…). La promotion sociale est difficile pour qui n’a pas les codes, la promotion culturelle est ardue également pour qui est excentré géographiquement. L’évitement scolaire, maitrisé par certains, est surtout un évitement social. Notre école prépare finalement mal au monde…menacé par les problèmes climatiques.

Propositions

La suite du propos déroule diverses propositions de tous ordres : faire place plus nette au « vivant » et pas seulement dans le cadre des horaires de science dédiés ; développer une vraie culture numérique ; une autonomie de pensée qui ne soit pas un dressage ; éduquer à la spiritualité et inciter au respect via la créativité ; penser la santé via les cantines, les rythmes et l’ergonomie et l’aménagement des lieux d’apprentissage… De nombreuses pistes pour les élèves donc mais, c’est heureux de le lire, également pour les enseignants qu’il faudrait mieux payer, mieux former (notamment à l’inclusion, à la psychologie de l’enfant – et pas seulement ceux « officiellement » en charge d’élèves à besoins particuliers) et pour qui il faudrait prendre en considération l’ensemble de la temporalité d’une carrière (avec ses besoins de stages, de pauses, d’année(s) sabbatique(s), de voyages à l’étranger…).

 

On pourra s’interroger sur le bref passage sur la pertinence des concours, p 74, qui invite à ne plus faire de l’agrégation un fournisseur d’une « aristocratie enseignante » qui peut/pourrait toiser les collègues titulaires du CAPES (comment ne pas être d’accord en effet ?) mais uniquement déboucher sur le supérieur (c’est là ne pas prendre dans l’équation le rôle et la place des universitaires…). L’absence d’un mot sur le concours de professeur des écoles interroge également…Est-ce à dire que tout va bien ? Un simple oubli ? Ou alors juste que la dimension professionnalisante et moins productrice d’érudition y semble acceptable ?

 

Appuyé par les préface et postface et Philippe Meirieu et Bernard Stiegler, ce texte pertinent à la plume soignée n’aura nul besoin de convaincre les enseignants mais plutôt nos décideurs politiques de l’importance et l’urgence de réformer en profondeur le système scolaire.