Chaque jour à Vienne, la quantité de pain inutilisée, et vouée à la destruction, pourrait nourrir la seconde plus grande ville d’Autriche, Graz… Environ 350 000 hectares de terres agricoles…

Le film

Les documentaires intéressent de plus en plus. Certes, celui-ci n’a pas été vu par des millions de personnes en France, mais il est déjà l’objet de compte-rendus qui témoignent de son audience élargie. A ce titre, on pourra se référer aussi à celui disponible sur le site des cafés géographiques. Donc, au lieu de dire longuement le cœur du film, posons–le en quelques mots avant d’évoquer son utilisation éventuelle en classe. Il s’agit de montrer combien l’alimentation semble aujourd’hui marcher sur la tête et cela en prenant des exemples percutants. Signalons un parti pris en terme de récit qui est plutôt efficace : que des témoignages, pas de commentaire en voix off.


Ce qu’il faut marteler en tout cas, c’est la phrase de Jean Ziegler gravée dans la pochette du DVD :
« Etant donné l’état actuel de l’agriculture dans le monde, on pourrait nourrir 12 milliards d’individus sans difficulté. Pour le dire autrement, tout enfant qui meurt actuellement de faim est en réalité assassiné ».
Ce DVD est présenté avec des compléments dont deux dossiers pédagogiques sur « Agriculture, alimentation et mondialisation » et un autre sur « Politiques régionales et stratégies des multinationales ».
Ces deux compléments sont disponibles sur la partie DVD-ROM mais aussi sur le site Zéro de conduite.
Jean Ziegler fait l’objet d’un bonus de 17 minutes dans le DVD.

Y a–t-il un pilote dans le frigidaire ?

C’est la question qui vient à l’esprit quand on rassemble plusieurs faits évoqués dans le film. Le gaspillage peut aider à en prendre conscience. A Vienne en Autriche, on jette 2 millions de kilos de pain par an, qui est pourtant encore bon pendant deux jours. Chaque jour dans la même ville, la quantité de pain qu’on jette pourrait nourrir la deuxième ville du pays !
L’Europe encourage la jachère, c’est-à-dire finalement qu’elle subventionne les agriculteurs pour qu’ils ne fassent pas leur métier. Ces mêmes subventions représentent pour l’ensemble des pays riches cette fois, environ 350 milliards de dollars par an soit un milliard par jour. Comment dans ces conditions ne pas en conclure que le marché mondial de l’alimentation est totalement désorganisé.
On apprend aussi que les transports ne représentent que 1 % du prix dans la vente de légumes venant de Roumanie par exemple. On saisit alors pourquoi des tomates peuvent parcourir 3000 kilomètres jusqu’à nos assiettes.
Ensuite le cinéaste nous interpelle sur le fait que les poules européennes dévorent la forêt tropicale et que au même moment, 25 % des Brésiliens meurent de faim. L’Europe importe 90 % de son soja et elle brûle dans le même temps du maïs et du blé pour produire de l’électricité. Pour ceux qui ont encore de l’appétit, le film s’intéresse également à la pêche. On sortira peu rassuré de quelques commentaires, mais, côté positif, on apprend comment bien choisir son poisson !

En classe

On peut suivre tout ou partie du documentaire avec une carte sous les yeux qui sert à marquer les différentes étapes du voyage alimentaire.
On peut sélectionner l’extrait sur Dakar et les légumes européens. Signalons qu’il s’agit d’un exemple parmi d’autres en terme de produit, car Alternatives économiques mais également le petit livret joint parlent du cas tout aussi édifiant du poulet européen. On peut monter une séquence de module qui permet de faire travailler les élèves sur l’argumentation et la construction d’un devoir. Ainsi une première partie traite de l’état des lieux. La comparaison du prix local et du prix importé fait toujours de l’effet chez les élèves et permet d’enclencher l’interrogation et la réflexion. Une seconde partie s’intéresse aux explications et enfin la troisième cherche à montrer les impasses de ce marché et les nouvelles formes de mobilisation.
Le réalisateur nous entraine également en Espagne et on retrouve des éléments telles les serres d’Alméria. C’est la même région de Carchuna si bien évoquée dans un numéro de la série Paysages. L’approche visuelle est là particulièrement efficace : pourquoi ces immenses baches de plastique dans un endroit marqué par la sécheresse ? On suit un ingénieur qui explique le système d’alimentation en eau mais qui évoque aussi la concurrence du Maroc ou d’Israël.
Reconnaissons à Erwin Wagenhofer un sens certain de l’image qui aide à faire passer son message.

Quelques obstacles

En même temps on peut s’interroger s’il n’y a pas là une certaine limite. Filmer un processus industriel conduit quasi automatiquement à une vision déshumanisée et donc terrifiante ou angoissante. Les images avec les incubateurs d’œufs tournés toutes les heures participent à cela tout comme les images des poussins conduits à la mort.
Il y a quelques informations qui apparaissent à l’écran et qui nous interpellent régulièrement. Mais attention à ne pas surligner. La frontière est souvent mince entre surligner et moraliser dans le mauvais sens du terme. Il y a une telle force et une telle évidence des faits que ceux-ci doivent se suffire à eux-mêmes.


Consommateur es-tu là ?

Il est partout et en en même temps nulle part dans ce film qui se concentre plus sur les grandes multinationale. En 2005, 52 % du produit mondial brut a été contrôlé par 500 entreprises. Le groupe Nestlé totalise 8000 marques.
Le consommateur appartient pourtant bien à tout ce système. C’est lui qui choisit de jeter le pain ou le yaourt tout juste périmé. C’est lui qui préfère souvent de beaux légumes à des légumes biscornus. Alors certes on pourra dire qu’il est conditionné (le terme est le même que pour la nourriture) par la publicité, mais il peut garder encore un libre arbitre.
Il s’agit d’un film coup de poing qui fait s’interroger et auquel on repense après. Prendre conscience, s’interroger, se mobiliser, autant d’étapes dans la formation du citoyen, mais l’une n’entraîne pas forcément l’autre.

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