Ce DVD des Editions Montparnasse est sorti en 2007. Il se compose de 2 documentaires. Le premier est celui d’Emilio Paculli, « Opération Hollywood« , passé sur Arte en 2004. Le second est le film que John Houston a consacré, en 1946, aux séquelles psychologiques de la seconde guerre mondiale, « Let there be light (que la lumière soit) ».

Opération Hollywood

Emilio Paculli expose les relations étroites et mutuellement fructueuses entre le Pentagone (en gros le ministère de la défense américain) et Hollywwod (l’industrie cinématographique américaine).

Une coopération complexe

Hollywood a produit beaucoup de films de guerre pour répondre à une attente du public américain qui, culturellement, parait porté vers une sorte de fascination pour la violence. Bien souvent le réalisateur a besoin de l’appui de l’armée américaine. Celle-ci négocie cet appui selon un règle assez simple : l’armée peut-elle en tirer profit en terme d’image ?

Depuis 1927, avec la création au sein du Pentagone d’un bureau de liaison avec Hollywood, l’armée accorde ou refuse son soutien à des films dont le scénario sera passé au crible. Mais, selon les nombreux témoins cités dans le documentaire, c’est moins la censure militaire que l’autocensure des producteurs et des réalisateurs qu’il faut mettre en avant pour caractériser l’influence du Pentagone sur Hollywood.

Trois cas de figure

Les films disséqués dans le documentaire peuvent être regroupés en trois catégories :
– des films où la coopération fut complète parce que le message « guerrier » est parfaitement en accord avec l’image que le Pentagone veut donner : Pearl Harbor, Patton
– des films que le Pentagone rejeta en bloc, estimant le message contraire aux valeurs militaires, comme Platoon ou La ligne rouge
– des films où des scènes ont été négociées entre le cinéaste et les autorités militaires, parfois avec autocensure « contrainte ». Par exemple dans 13 jours (sur la crise de Cuba) Roger Donaldson refusa d’amender le personnage du chef des armées, un va-t-en-guerre que le Pentagone jugeait « non-historique »… Donaldson dût tourner sans l’aide US, avec des rebuts trouvés ça et là…

Quatre phases

On peut distinguer quatre temps forts de la coopération entre Hollywood et le Pentagone :
– jusqu’aux années soixante, c’est le temps du rapprochement et de la pleine collaboration. Les guerres sont justes et la situation semble simple. Cette collaboration trouvera son apogée avec Le jour le plus long sorti en 1962 ;
– la guerre du Vietnam est un tournant, voir même un divorce entre l’armée et Hollywood. Un seul film perpétue la veine de la collaboration étroite, Les bérets verts de John Wayne. Des films comme Apocalypse Now ou Platoon sont tournés sans l’appui de l’armée ;
– après la défaite de 1973-1975, les relations restent problématiques… mais un film, Top Gun (1986) marque la réconciliation et annonce la période suivante ;
– après la guerre du Golfe (1991) la guerre, pour les Etats-Unis, changent de forme : il n’est plus question d’affronter un adversaire dans un combat équilibré, mais des ennemis d’un nouveau genre, terroristes, états-voyou, etc. C’est le temps de la guerre asymétrique et technologique. Le Pentagone a besoin de films qui valorisent ce dernier aspect et qui définissent des ennemis à haïr. Hollywood répondra parfois a ces besoins (La chute du faucon noir par exemple) ou dénoncera certaines dérives Couvre-feu par exemple)

Let there be light

Le film (55 minutes) de John Houston est centré sur quelques soldats américains soignés dans un hôpital militaire pour des séquelles psychologiques de la seconde guerre mondiale. La caméra surprend des hommes en pleurs, tremblants, hésitants, voir, pour l’un d’eux, incapable même de marcher normalement. C’est également un hommage (peu appuyé) à la psychologie et à la psychiatrie.

Les images n’ont d’autre dureté que celle de la vérité… pourtant le film resta censuré durant plus de 35 ans : elles n’avaient pas leur place dans un temps de célébration de l’héroïsme et de l’abnégation.

Au final

Ce DVD me semble utile pour l’enseignant d’histoire pour 2 raisons :

– la clarté et la simplicité du propos sont un atout indéniable. Le contenu n’est pas difficile à comprendre et il est, me semble-t-il, assez aisé de prendre de la distance avec quelques témoignages que l’on peut juger « à l’emporte-pièce » (comme celui de Joe Trento qui n’hésite pas à parler de « propagande gouvernementale »)

– les abondantes illustrations filmiques donnent des idées pour utiliser certains films ou extraits en classe. Voici 2 exemples que j’utiliserai certainement. Dans 13 jours, la scène où Kennedy est tiraillé entre des conseils de prudence et son chef d’état-major va-t-en-guerre, permet de comprendre l’importance de la crise de Cuba (terminale). Dans Couvre-feu, le dialogue entre D. Washington et B. Willis permet d’illustrer les dilemmes que la guerre asymétrique pose aux démocraties (terminale).

En conclusion, un DVD agréable, clair et, disons-le, passionnant pour qui aime s’interroger sur les liens entre histoire et cinéma.

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Aller plus loin

– le DVD « Hollywood et le Pentagone » se trouve sur le site des Editions Montparnasse : http://www.editionsmontparnasse.fr/titres/hollywood-pentagone

– « Opération Hollywood » sur Arte : http://www.arte.tv/static/c1/041029_usa/anim_fr/index_fr.html

– à propos du film ouvertement « Bushien » La somme de toutes les peurs, un article du Monde repris par un site canadien : http://www.mondialisation.ca/index.php?context=viewArticle&code=BLU20020727&articleId=1528

– une critique du DVD : http://www.dvdcritiques.com/critiques/dvd_visu.aspx?dvd=5130