Deuxième ouvrage présenté sur ce site de cette collection : « les guides de l’État du monde, » publié aux éditions la Découverte, ce volume sur l’Espagne, a été co-rédigé par Bartolomé Bénassar et Bernard Bessière. Tous les historiens connaissent l’immense spécialiste de l’histoire moderne de l’Espagne qu’est Bartolomé Bénassar ; pour leur part les aficionados connaissent également son : « histoire de la tauromachie », qui fait toujours référence.

Ce guide de l’État du monde s’inscrit dans la continuité de son devancier, l’annuaire géopolitique mondial, qui a été très largement utilisé par les géographes comme une synthèse utile et très utilisée sur les grandes questions qui affectent notre planète.

Cette présentation sur l’Espagne dresse un tableau très complet de ce pays qui a su, en moins d’un demi-siècle, passer de la dictature à la démocratie, d’un pays refermé sur lui-même à l’ouverture au monde, et du conservatisme religieux à l’ouverture en matière de mœurs parmi les plus avancés d’Europe.

Les trois premiers chapitres traitent de l’histoire de l’Espagne, aussi bien de la péninsule comme point de passage ou d’arrivée des invasions barbares venues du nord de l’Europe, que de la longue période pendant laquelle l’Espagne a été dominée par la civilisation arabo-musulmane.

On trouvera page 39, un excellent développement sur le rayonnement d’Al Andalus, ainsi que le passage, rédigé certainement par Bartolomé Bénassar, consacré au passage du siècle d’or à la décadence.
Dans le chapitre sur les coups d’état en série, on pourra apprendre beaucoup de choses sur cette histoire de l’Espagne qui a connu des guerres civiles multiples et des affrontements dynastiques pendant le XIXe siècle et le début du XXe siècle, bien avant l’affrontement fondamental entre le franquisme, allié aux totalitarismes fascistes et national-socialistes, et les républicains espagnols soutenus par l’Union soviétique est beaucoup plus mollement par les démocraties.

La movida, si !

Malgré son évolution particulièrement pour tout ce qui relève des mœurs, l’Espagne connaît actuellement la résurgence d’un catholicisme de combat qui s’est manifesté à propos de l’avortement ou du mariage, autorisé en Espagne, des homosexuels. L’église catholique espagnole est par contre beaucoup plus discrète sur tout ce qui relève des violences faites aux femmes à propos desquelles le gouvernement de José Luis Zapatero s’est largement engagé.

La démocratie s’est solidement consolidée en Espagne depuis la mort de Franco en 1975. une alternance politique s’est installée, et la société espagnole semble avoir tourné la page de cette violence institutionnalisée qui avait cours jusqu’à la mort du dictateur. En 1974 par exemple un jeune anarchiste catalan, Salvador Puig Antich, subissait le garrote vil, comme moyen de donner la mort. Le bourreau muni d’une sorte de vis sans fin détruisait lentement les vertèbres cervicales du condamné à mort. (Survivance d’une pratique de l’inquisition). Un de mes souvenirs d’ancien combattant de l’anti-franquisme.

Si l’Espagne est un pays unitaire, son évolution constitutionnelle depuis 1975 a a dotéles provinces de statut d’autonomie particulièrement avantageux. Cela est vrai dans le domaine linguistique, en matière d’utilisation de l’impôt comme en Catalogne, et en matière de représentation politique. Dans le domaine des médias, des télévisions régionales jouent un rôle important en matière d’autonomie culturelle.

Dans le domaine économique, l’Espagne a connu à partir des années 60 deux miracles successifs. Celui de l’ouverture symbolisée par l’explosion touristique littorale et celui de l’entrée dans l’Europe en 1986. Le sud de l’Espagne a été très largement bénéficiaire des aides européennes notamment en matière de construction des grandes infrastructures.

Pour autant la crise économique s’est étendue à l’Europe lors de l’automne 2008 a très durement frappé l’Espagne et notamment ce secteur étroitement lié au monde bancaire, le bâtiment et les travaux publics. Actuellement le marasme immobilier se traduit par une montée rapide du chômage et par une politique beaucoup plus restrictive en matière d’immigration venue d’Afrique du Nord. L’Espagne est à cet égard en première ligne et l’on sait l’importance du détroit de Gibraltar dans l’arrivée de flux migratoires venus d’Afrique vers l’eldorado européen.

L’art de vivre à l’Espagnole

Les changements qui affectent la société espagnole ont été très rapides. On est passé de la famille nombreuse à une famille étroite et, avec l’Italie, à un taux de natalité parmi les plus bas d’Europe. En matière d’ouverture, la société espagnole accueillante à l’immigration il y a encore cinq ans, s’est durcie, à la fois du fait des attentats de Madrid, mais aussi à cause de la crise économique. Un racisme latent a commencé à se développer dans toute la péninsule, alors qu’il est beaucoup plus visible dans le sud de l’Espagne.

On comprendra aisément que pour ce qui concerne les passions d’Espagne, la tauromachie comme le football occupent une place particulière dans cette présentation. Comme en Italie, le football est une dimension importante de l’art de vivre à l’espagnole. Les stades de football sont aussi pleins en Italie et les stars du ballon rond commencent à s’exporter vers les grands clubs européens. En même temps, les clubs espagnols sont devenus de véritables puissances économiques capables d’aligner des sommes colossales lors des transferts.

L’autre grande passion c’est aussi celle de l’auteur de ces lignes au cas où l’on oserait l’oublier espagnole, la tauromachie, semble connaitre des difficultés de croissance. Si la corrida semble plutôt réunir les amateurs en moyenne plus âgés que dans les stades de football, cela est davantage lié au prix des places qu’à un véritable rejet. Celui-ci se manifeste prioritairement en Catalogne mais reste somme toute assez marginal dans le reste de la péninsule. La corrida souffre davantage en Espagne d’une éducation assez faible du public. En dehors des temples de la tauromachie que sont les arènes de Madrid et Séville, le public est paradoxalement beaucoup moins connaisseur qu’en France, où se développe une aficion particulièrement exigeante. Les matadors français ont su, depuis une dizaine d’années, sans qu’on leur fasse de cadeaux, atteindre des sommets. Les auteurs citent, et on leur en saura gré, le biterrois Sébastien Castella, numéro un en 2006.

Le rôle international de l’Espagne s’est également très largement renforcé. Le gouvernement Aznar s’est très largement aligné sur la politique américaine au Proche-Orient, ce que José Luis Zapatero a très rapidement remis en cause. Mais aujourd’hui l’Espagne joue un rôle important en Amérique latine, dans le domaine économique et culturel. Cela n’est pas simplement lié à la proximité linguistique mais également au dynamisme d’entreprises espagnoles qui jouent de leurs atouts que sont la culture commune et l’innovation.

Cet ouvrage très accessible en termes de format comme de prix peut être utilisé pour préparer un voyage en Espagne, scolaire ou privé, mais également comme un support commode pour découvrir rapidement l’histoire et la géographie de ce pays proche mais que l’on connaît imparfaitement en raison de la mosaïque culturelle qu’ils forme au sud de l’Europe.

Bruno Modica © Clionautes

Dans la même collection une chronique de Noëlle Bantreil sur le Brésil