Pierre Milza : l’année terrible, la guerre franco prussienne septembre 1870 – mars 1871. Éditions Perrin mars 2009.

S’il existe davantage d’ouvrages consacrés aux deux guerres mondiales, qu’à la guerre franco prussienne de 1870, cela n’enlève rien à l’intérêt de cet épisode important de l’histoire du XIXe siècle. L’ouvrage de Pierre Milza est incontestablement important en raison de la richesse de la documentation utilisée pour sa rédaction.

L’ouvrage suit, comme il est de règle sur un tel sujet, un plan chronologique. L’auteur oppose dans le premier chapitre la trajectoire de Napoléon III, rassembleur et émancipateur des peuples à celle du chancelier de fer, Bismarck, qui entend utiliser la guerre contre la France pour réaliser son projet d’unité allemande.

On retrouve notamment dans le second chapitre, poker diplomatique, le processus qui conduit l’armée allemande, avant même la guerre contre l’Autriche en 1866, à devenir un formidable outil militaire. Le cheminement qui conduit Napoléon III, à son corps défendant, a déclarer la guerre à la Prusse est minutieusement expliqué. On le sait, l’affrontement est inégal, car les chefs militaires français, n’ont pas pris la mesure des nombreux progrès techniques que l’état-major allemand avait très largement diffusés. On pense notamment aux canons à chargement par la culasse.
Cela conduit dès les premières phases du conflit, et alors que les armées françaises peinent à se rassembler, à la défaite des frontières.
L’Alsace et la Lorraine sont déjà perdues lors des premières semaines. L’intervention personnelle de l’empereur dont Jean Sagnes a récemment souligné le réel talent militaire dans son Napoléon III, portrait d’un saint-simonien, n’a pas suffi à empêcher la capitulation de Sedan.

Sursaut patriotique

La révolution du 4 septembre et la proclamation de la république avec la personnalité de Léon Gambetta se traduit par un sursaut patriotique aussi intense que celui qui avait précédé l’entrée en guerre.

Bien des faits peu connus de cette guerre de 1870 sont à découvrir dans cet ouvrage en particulier le fait que l’armée française ait pu, dans cette France parcourue par les troupes allemandes, mener des actions de harcèlement contre des convois allemands dans la région de Tours par exemple, avec des corps francs.
C’est donc tout cet enchaînement de circonstances, entre le bouillonnement politique à Paris, et la poursuite de la guerre sur le terrain qui est ainsi décrit. La guerre continue et pendant que Gambetta essaie de mobiliser encore et toujours, dans ce gouvernement de la Défense nationale Thiers commence à prendre langue avec Bismarck comme cela est raconté page 217.
Thiers veut la paix, car elle seule peut sauver la France d’un désastre irréparable et parce que représente le seul moyen d’éviter le bain de sang et surtout la révolution. Gambetta le député de Belleville estime au contraire que tout doit être tenté pour éviter l’hégémonie allemande.
On s’étonnera pourtant de la comparaison que fait l’auteur de ce couple avec Clémenceau contre Caillaux ou de Gaulle contre Pétain.

La question de l’Alsace et de la Lorraine sera pendant un temps le temps le point de blocage de cette première négociation, mais la fin des espoirs militaires et l’échec de la tentative de percée sur la Marne, les déconvenues des armées de la Loire, conduisent les autorités à accepter la capitulation.

Avant et après la chute de l’Empire

Pourtant, ces armées reconstituées, après l’effondrement de l’empire, n’ont pas démérité. Les soldats mobilisés ont fait d’après Pierre Milza preuve d’un engagement patriotique certain. Il y eu très peu de réactions d’insubordination sauf dans le sud-ouest. On pense notamment à Auch.
Si cet ouvrage peut être lu de façon linéaire, il est également très riche d’anecdotes ou d’épisodes très peu connus qui peuvent être découverts à cette occasion. Un chapitre est tout entier consacré à l’intervention de Garibaldi (page 235 – 243), dans la bataille Garibaldi sort de sa retraite dans une île située au nord-est de la Sardaigne pour constituer une troupe d’anciennes chemises rouges. C’est à partir de Marseille, là où les Italiens sont nombreux, que se sont constituées ces unités. Paradoxalement les zouaves de l’armée impériale qui avait protégé Rome de l’État italien, et donc l’indépendance du pape, ont combattu aux côtés de leurs anciens adversaires qui avaient essayé de s’emparer de Rome au moment de l’unité italienne. La résistance acharnée de Paris, assiégée du 20 septembre 1870 – 28 janvier 1871, oppose des effectifs importants sous le commandement du maréchal Helmuth von Moltke et du général Louis Trochu.

Les allemands alignent 206.000 fantassins, 34.000 cavaliers, 898 pièces de campagne et 240 pièces de siège soit 240.000 hommes. Le général Trochu 355.000 fantassins, 5.000 cavaliers 1 964 canons, soit 400.000 hommes.

Le général Trochu, gouverneur militaire de la ville, devient le président du gouvernement provisoire. Il réussit en peu de temps à mettre sur pied une garnison plus impressionnante par le nombre que par la qualité. La ville est puissamment défendue par deux formidables ceintures de fortifications comprenant 94 forts. Deux sorties majeures à Champigny (30 novembre – 2 décembre 1870) et Buzenval (2 janvier 1871) sont repoussées malgré quelques succès initiaux.
Le 5 janvier, les pièces d’artillerie de siège rendues disponibles par la reddition de Bazaine à Metz, commencent à tirer sur la ville. Ce bombardement s’avère relativement inefficace sur le plan militaire et contribue à raffermir la volonté des défenseurs.
Le 26 janvier le général Trochu demande un armistice après l’échec d’une troisième tentative de sortie et la mutinerie des gardes nationaux qui tirent sur leurs camarades (19 janvier 1871). Le 28 janvier, Paris capitule.
Les pertes allemandes sont de 10.000 tués et blessés et 2.000 disparus, tandis que les pertes françaises sont évaluées à 16.000 tués et blessés et 8.000 disparus.

L’ouvrage comporte également des illustrations dont beaucoup sont peu connus. On retrouve notamment des clichés allemands colorisés et de très intéressantes images du siège de Paris. On trouve également cette toile de Narcisse Chaillou qui se trouve au musée Carnavalet, le vendeur de rats pendant le siège de Paris. Bien entendu l’auteur ne se prive pas de décrire les scènes de pénuries alimentaires dans la ville assiégée, ce qui a quitté ce qui a coûté la vie où aux animaux du jardin zoologique. Pourtant, il semblerait que c’est davantage une flambée des prix qui se soient déroulées pendant le siège d’une véritable disette.
C’est donc avec beaucoup de plaisir que l’on peut parcourir cette histoire de l’année terrible qui a permis à Victor Hugo d’écrire ses vers les plus flamboyants.

Bruno Modica © Clionautes