La Documentation Française propose une mise au point des questions sur l’énergie et l’environnement sous la plume de Pierre Merlin, professeur émérite à l’Université de Paris-I. Auteur prolifique, Pierre Merlin est à la tête d’une impressionnante série de 62 livres et 560 publications. Spécialisé dans l’urbanisme, l’aménagement du territoire et la planification des transports, notamment, il publie également en cette année 2009 un Que sais-je ? sur l’urbanisme.
L’auteur introduit son propos en présentant un bilan dramatique : l’Humanité est affectée par toute une série de crises, d’ordre humain, social et économique, dont les crises énergétique et climatique forment le sujet de l’ouvrage. L’auteur propose une vision pourtant optimiste et volontariste (on verra à quel prix !) et axe son étude sur une échelle française et mondiale, avec un horizon privilégié, celui de 2050.
Chapitre 1 : Le bilan énergétique
L’analyse du bilan énergétique mondial, puis français, est le point de départ obligé de l’analyse. On sera déçu des données présentées, qui ne sont qu’une remise en forme des Chiffres clés de l’énergie en France. Beaucoup de chiffres, quelques tableaux, et deux malheureuses cartes – tirées de la cartothèque de Sciences-Po : pourquoi Diable inflige-t-on au lecteur ces séries interminables de données localisées sous forme de texte ou de tableaux ? Il y avait pourtant matière à une belle cartographie synthétique.
Chapitre 2 : L’énergie et les pollutions
Avec l’analyse des pollutions d’origine énergétique, on entre dans le vif du sujet. Après avoir caractérisé les différentes pollutions (atmosphérique, hydrologiques, maritimes, pédologiques) et abordé leur origine, suivent cinq pages captivantes sur le coût social des pollutions, un débat très actuel. On aurait d’ailleurs aimé que cette partie soit davantage développée, plus en tout cas que la fin du chapitre, consacrée à la réduction des pollutions.
Chapitre 3 : Le réchauffement climatique
L’analyse de la crise climatique passe nécessairement par une étude du réchauffement climatique, étude convenue, mais indispensable, qui présente les évolutions climatiques, définit l’effet de serre et aborde les évolutions possibles au XXIe siècle. On aurait souhaité une analyse plus détaillée – ou du moins plus circonspecte – du rapport Stern sur le coût économique du changement climatique. Suit un rappel utile de l’action internationale dans la lutte contre le réchauffement climatique, incluant notamment les résultats de la conférence de Bali fin 2007. On aurait souhaité, là encore, qu’une analyse géographique et économique donne une explication plus détaillée des comportements nationaux.
Chapitre 4 : Les potentialités des différentes sources d’énergie
En face de ce défi climatique, chaque source d’énergie est passée au crible d’intéressants critères : fiabilité technologique, crédibilité économique, usages, effets environnementaux, risques induits. Sont successivement abordés les énergies fossiles, la biomasse et les agro-carburants, les énergies renouvelables et le nucléaire. L’avenir du charbon est envisagé presque uniquement dans sa liquéfaction, alors que la combustion classique du charbon est une solution en plein essor, notamment en Chine. En revanche, les pages sur les agro-carburants traitent la question de manière synthétique et définitive, malgré l’oubli des énormes potentialités des agro-carburants d’origine marine (algues), une filière qui en est, il est vrai, à ses balbutiements. Sur la pile à combustible, l’auteur, quoique prudent, paraît exagérément optimiste. Excellente mise au point sur le nucléaire. La conclusion écarte toute velléité de solution miracle.
Chapitre 5 : Énergie et modes de vie
D’où la nécessité de mieux contrôler l’utilisation de l’énergie dans notre mode de vie, ainsi que les possibilités d’économie d’énergie dans les transports, l’habitat et le tertiaire, l’industrie et enfin l’agriculture. Les pages introductives font état d’une intéressante réflexion sur l’utilisation de l’énergie dans nos modes de vie et sur la nécessaire évolution de nos valeurs. Les pages sur les transports reflètent les analyses du spécialiste, notamment sur la création de villes compactes ou la généralisation de la voiture électrique. Pour chaque domaine, l’auteur s’attache à examiner comment on peut réduire la consommation énergétique et utiliser d’autres sources d’énergie. Ces réflexions débouchent souvent sur une intéressante remise en cause plus ou moins radicale du modèle de développement qui est (fut) le nôtre.
Chapitre 6 : Quelles perspectives pour l’énergie ?
Ce chapitre aborde les choix possibles de politique énergétique avant de détailler des scénarios à l’horizon 2050, pour le monde et pour la France. Malgré notre intérêt pour les conclusions que permettent de tels scénarios (par exemple, le choix de telle solution plutôt que telle autre pour parvenir à une réduction des GES), on reste un peu désabusé, peut-être parce que ces scénarios, ces promesses jamais tenues, ces objectifs sans cesse reportés finissent par nous faire douter d’une réponse politique réelle au problème de l’énergie et de l’environnement.
L’auteur en tire d’ailleurs le triste constat en conclusion, appelant à un changement complet de mode de vie et insistant sur le prodigieux effort de recherche qui doit être entrepris parallèlement à l’obtention d’un consensus entre les nations.
Annexes
Le livre comporte quelques annexes utiles : les accords du Grenelle de l’environnement et le dispositif de l’État pour le développement durable, ainsi qu’une bibliographie de 46 références.
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Sur la forme, quelques coquilles, dont une ou deux dommageables : « la Chine se diversifie » au lieu de « se désertifie » ! Surtout, l’absence quasi-totale d’appareil graphique et cartographique, qui nuit à la clarté de l’exposé. Quatre figures : c’est un peu juste, vraiment !
Sur le fond, on ne suivra pas toujours Pierre Merlin dans une sorte de tiers-mondisme du XXIe siècle, qui refuse de « faire obstacle à la croissance économique » (qui le voudrait ?) des pays en développement en restreignant leur consommation d’énergie. Raisonnement infantile qui suppose que, puisque nous avons mal agi dans le passé sans en connaître les conséquences, cela donne le droit à nos petits camarades de mal agir aujourd’hui tout en sachant à quel point leur comportement obère l’avenir de la planète… Il semble qu’une réflexion plus approfondie doive être entreprise sur la question. Compte tenu des égoïsmes nationaux, on ne peut être que pessimiste.
Peut-être aurait-il été de bon aloi d’insister davantage sur le potentiel d’innovation technologique sur ces questions redoutables. Rien sur la géo-ingénierie, dont une part n’est pourtant pas simple plaisanterie. Des pistes existent : les mentionner ne remet pas en question la nécessité d’agir.
Enfin, on est souvent pris, à lecture de cet ouvrage et des solutions proposées, d’un agacement épidermique : dissuasion, entrave, péage, taxation, impôt, surveillance, changement contraint de nos modes de vie… La lutte contre le réchauffement climatique serait-elle liberticide ? Ou peut-être cet agacement n’est-il que la manifestation de nos résistances intellectuelles et culturelles ? Peut-être n’y a-t-il pas d’autres solutions ? En tout cas, l’excellente synthèse de Pierre Merlin a le mérite de mettre le doigt là où cela fait mal. D’où notre inconfort intellectuel… salutaire !
Christophe CLAVEL
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