Dans cet ouvrage Laurent Reynaud, professeur de SVT et formateur, propose une approche très concrète pour mettre en œuvre la coopération dans les classes. Il est préfacé par Sylvain Connac qui indique que « la diversité des élèves peut être une richesse, avec la précaution de ne pas essayer de tout inventer par soi-même. » Grâce à Laurent Reynaud, l’enseignant qui souhaite se lancer, ou approfondir ses pratiques, dispose d’un outil précieux.
Croire en la coopération
Dans l’introduction, l’auteur évoque à la fois ses credos et le plan suivi dans cet ouvrage. Le contenu s’appuie, et c’est logique, sur des échanges menés par une équipe d’une vingtaine d’enseignants. Il faut mesurer que « coopérer ça s’apprend ». L’auteur revendique à ce titre le droit au tâtonnement. S’il veut livrer des conseils pratiques, il ne méconnaît pas néanmoins les contextes précis des établissements. Il invite donc à s ‘emparer des propositions ici faites de façon dynamique et évolutive.
Une structure qui allie pratique et réflexion
L’ouvrage est organisé dans chacun des chapitres en deux grandes parties. Une partie réflexive avec les entrées intitulées « Une perspective de travail », « Un pas de côté » et une partie plus technique avec celles dénommées « Une piste pratique à explorer » et « Un dispositif mis en oeuvre en classe ». L’ouvrage évoque aussi un prolongement possible de la discussion grâce à un groupe fermé sur Facebook.
Pour inviter à la réflexion chaque chapitre commence par « une situation de classe qui interroge ». Des problématiques claires sont posées dans chacun et au niveau du sommaire un tableau récapitule les différents moments possibles de coopération dans une séquence pédagogique.
Venez en cours !
Il s’agit notamment ici de considérer qu’un élève ne peut pas se réduire à une seule dimension. S’il est par exemple décrocheur, il n’est pas que cela. La piste à explorer est le « Quoi de neuf ? » qui est un espace d’expression libre dans un cadre ritualisé. L’auteur prend le temps de détailler les modalités pratiques, les évolutions possibles d’un tel dispositif. Mener un projet collectif peut être aussi une piste intéressante en gardant en tête que le résultat n’est pas forcément une finalité.
Intéressez-vous à ce qu’on fait !
Laurent Reynaud rappelle d’abord que lorsqu’il construit une séance il se dit « ce qui est de nature à intéresser les élèves c’est ce qui répond à une question qu’on se pose ». A ce titre, le principe des situations problèmes peut être intéressant. Pour la résoudre, le travail en groupe peut être une modalité. L’auteur détaille également une autre modalité appelé le 2/4/2 puis il donne quelques exemples de situations problèmes dans différentes matières.
Motivez-vous !
Il s’agit ici de voir comment utiliser l’interdépendance pour permettre la mise au travail. C’est l’occasion de préciser les définitions de termes comme coopération, collaboration et compétition. La classe puzzle est une possibilité où chacun a besoin des autres pour réussir la tache finale. Un des apports vraiment très intéressant du livre est de préciser à chaque fois des points de vigilance pour transformer l’essai. La rubrique « Un pas de côté « propose quant à elle des évolutions possibles de ce dispositif.
Travaillez ensemble !
Laurent Reynaud s’interroge pour savoir comment susciter l’intérêt des élèves à travailler ensemble et comment les former à ce travail avec les autres ? Cela peut se faire à partir d’un exercice qui invite à reconstituer un texte ensemble où l’on peut s’apercevoir de l’intérêt d’être à plusieurs. Il évoque également les moyens pratiques d’organiser l’aide en classe, par exemple sous forme d’un tableau à deux colonnes où sont inscrits deux colonnes : « j’ai besoin d’aide » et « je peux aider ». L’auteur reconnaît qu’il faut accepter de « perdre une heure » pour que le message de coopération entre les élèves passe, mais est-ce réellement du temps perdu ?
Soyez exigeant !
Il s’agit cette fois de réfléchir à comment organiser un temps de critique entre pairs pour développer l’intériorisation de l’exigence individuelle. A ce titre, la congruence cognitive est un concept à connaître : il désigne le fait qu’on intègre davantage l’aide et les conseils de quelqu’un qui est cognitivement plus proche de votre niveau. Là encore, le livre propose des exemples pratiques à investir.
Améliorez votre travail !
Le temps de l’évaluation peut être un moment particulièrement propice pour développer de nouvelles habitudes avec les élèves. On peut faire lire aux élèves les productions des autres, instituer un temps de retour et faire détecter les erreurs. Le livre développe la procédure de la boucle évaluative qui peut faire de ce moment redouté des élèves un moment réellement profitable à tous.
Cherchez à comprendre !
Ici on découvre la notion d’élève « secondarisé » ou non. Dans le premier cas, l’élève comprend ce qui se cache derrière tel ou tel exercice, au contraire du second qui se consacre à la tâche sans voir à quoi elle aboutit. Parmi les dispositifs à explorer, il y a celui du journal des apprentissages en collectif. Dans ce document, l’élève note ce qu’il a appris sur une semaine, ce sur quoi il peine encore et aussi qui l’a aidé. L’objectif est d’introduire de la réflexivité sur les apprentissages.
Mettez-vous d’accord !
On peut se focaliser ici sur le conseil d’élèves avec des délibérations pour décider de propositions concrètes. Un témoignage de professeur d’histoire-géographie précise que cette pratique a pu lui permettre de faire autrement de l’EMC. Il voulait éviter les aspects théoriques et cette technique a fonctionné.
Engagez-vous !
« S’engager, c’est mettre en gage sa personne au service des autres ou de soi-même ». On peut envisager des conseils de classe participatifs. Dans ce genre de dispositif, les « élèves apprécient la place et l’échange qui leur est offert… la possibilité d’agir sur leur appréciation ». Si aujourd’hui on peine à mobiliser les élèves pour qu’ils soient délégués, c’est sans doute aussi parce qu’ils perçoivent que leur poids est minime voire inexistant.
Ayez un peu d’empathie !
L’empathie s’apprend au contact des autres. L’auteur évoque des projets intergénérationnels avec des seniors dans un cadre d’apprentissage. Il s’agit de rencontres entre des élèves de la classe coopérative et les membres du club senior de la ville. Lors de ces rencontres la posture des élèves n’est plus la même.
En conclusion, Laurent Reynaud revient sur l’idée d’éduquer pour et par les solidarités. Il s’interroge sur la complémentarité de différents niveaux comme la famille, l’école ou encore ce qu’il nomme l’éducation populaire. Pour finir, il dégage quelques invariants et précautions pour éduquer par les solidarités : un temps individuel précède toujours un temps collectif, écrire avant et après le temps collectif, un cadre hors menace, et se sentir appelé. « Il y a un risque à travailler la construction du collectif mais, paradoxalement, s’y atteler est aussi la meilleure manière de l’éviter ». Le collectif s’apprend et il est considérablement utile pour apprendre. Il faut instituer le collectif, il faut l’organiser et il faut le faire vivre.
Cet ouvrage de Laurent Reynaud fournit donc de très nombreuses pistes testées sur le terrain. Il a l’intelligence de proposer une réflexion plus globale pour chacune d’elles et aussi des variantes possibles. Ainsi formulées ces propositions, loin d’être écrasantes et modélisantes, invitent plutôt l’enseignant à tenter lui aussi et à oser le collectif. Un ouvrage à conseiller.
Jean-Pierre Costille