L’ouvrage de Sébastien Daziano, a l’immense avantage d’être rapide à lire. En moins de deux cent pages, l’auteur dresse un tableau assez complet, quoique un peu trop descriptif de l’action du Machin, avant, pendant et après la guerre froide. Effectivement, si l’on emploie à dessein le terme de « machin », c’est bien en référence à la formule du général de Gaulle, particulièrement lucide sur « l’étendard de l’idéologie » qui ne cachait en réalité que des ambitions ».
Comment l’ONU est-elle passée d’une orientation tiers-mondiste en matière économique et basée sur les équilibres entre les deux blocs, à un directoire effectif en matière de paix dans le monde ? On aurait aimé que l’ouvrage traite de cette question. Mais, et l’auteur n’y est pour rien, l’hyperpuissance étasunienne empêche cette évolution, largement souhaitée par la France par contre.
L’ouvrage est organisé en trois parties. La première, assez prévisible est consacrée aux échecs lancinants de la société collective avant et après guerre. De l’échec de la SDN à la paralysie pendant la Guerre Froide, le lecteur pourra y trouver un utile rappel de fais largement connus.
C’est sur la seconde grande partie, consacrée aux illusions perdues de l’après guerre froide qui est plus éclairant. La guerre de 1990, menée contre l’Irak après l’occupation du Koweït est le premier conflit de l’après guerre froide. C’est sans doute l’exemple encore le plus achevé d’une véritable action multinationale dans laquelle l’ONU aurait pu jouer le rôle pour lequel elle avait été fondée. Hélas, ce sont les Etats-Unis qui ont sauté sur l’occasion pour imposer leur solution clé en main, dictée par leurs intérêts bien compris de neutraliser un État irakien qui était sur la voie de devenir une grande puissance régionale.Échecs et limites d’un système

L’ ONU est devenue depuis la fin de la guerre froide une sorte d’organisme spécialisé dans la gestion de l’après conflit. Le bilan est tout de même assez contrasté. La réussite sous paravent OTAN au Kosovo est ainsi qualifiée même si, sous couvert d’ONU, les clans mafieux albanais se sont largement engouffrés dans les brèches laissées béantes par l’écrasement de l’armée serbe. On évoquera aussi l’échec cinglant de la Somalie de la Bosnie et surtout du Rwanda.
L’opération médiatique des Etats-Unis en 1993 appelée Restore Hope est un échec qui a eu pour conséquence, après le départ des GI’s, l’installation des tribunaux islamiques, et, depuis la parution de cet ouvrage l’intervention éthiopienne toujours soutenue par les Etats-Unis.
L’échec le plus grave, minutieusement décrit a été le Rwanda, un échec d’autant plus grave que les signes avant coureurs étaient connus et qu’un général canadien avait alerté sur l’imminence du génocide. Mais l’ONU, et c’est bien sa limite principale reste tributaire des grandes puissances présentes localement, dans ce cas précis la France, dont la diplomatie équilibriste dès lors qu’il s’agit de défendre le pré carré africain a été là cruellement prise en défaut. Rwanda. Il est vrai que dans de nombreux cas, les actions de maintien de la paix en Afrique ont mis en cause des États africains mais aussi la France.
Les scandales onusiens sont également largement évoqués par l’auteur, qui aborde sans fard les pratiques de Casques Bleus au Congo, ou les détournements de fonds gigantesques lors des opérations pétrole contre nourriture en Irak
A propos de la guerre menée par les Etats-Unis en Irak, l’Onu est clairement mise hors jeu et les Etats-Unis entendent conduire la gestion de la reconstruction.

L’ONU et son avenir
Dans la dernière partie de l’ouvrage, Sébastien Daziano évoque les tentatives de réforme des Nations Unies. Certaines ont été menées à bien, comme la commission des droits de l’homme, mais beaucoup d’autres restent encore à l’état de projets, même si l’on en discute encore largement.
On apprendra dans cet ouvrage les différentes options proposées, à partir du conseil de sécurité, avec les demandes d’élargissement de l’Allemagne et du Japon en tant que membres permanents. Le projet de M. Razali ( Malaisie) date de 1997. Il proposait 5 nouveaux sièges : 2 pays industrialisés ; 3 pays en développement d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine mais cette proposition a finalement été repoussée après l’échec des médiations.
Au bout du compte, le bilan que tire l’auteur de l’étude de cette institution est largement négatif. La stabilité internationale est confrontée à de nouvelles menaces, notamment le nucléaire et sa prolifération, mais également la persistance de vieux conflits toujours non résolus. De plus, dès qu’un membre permanent du Conseil de sécurité est impliqué, l’ONU est rapidement paralysée et l’unilatéralisme américain n’arrange rien. C’est donc à ce propos, que ces derniers, ne donnent pas un grand avenir dans leur dispositif à l’institution. Ils préfèrent étendre l’aire d’intervention de et la compétence de l’OTAN dans laquelle ils décident en dernier ressort de ce qu’il y a lieu de faire.
En fait cela aboutit à la fin du monopole onusien de maintien de la paix. Il existe désormais, une organisation régionale, l’OTAN, une autre en Afrique, une organisation globale, l’OMC engagée dans une pacification par le commerce, un regroupement européen, encore balbutiant mais qui est déjà intervenu, en Macédoine, la politique européenne de sécurité et de défense. Même la cour pénale internationale née en 2002, n’a pas de véritable possibilité d’agir contre des pays come les Etats-Unis, la Russie ou la Chine. Faut-il alors reconstruire l’ONU ? Cela n’est pas évident, ce qui est sûr peut-être c’est que les voies d’une gouvernance mondiale sont semées d’embûches et que dans ce domaine, le nouveau secrétaire général des nations unies, M. BAN Ki-moon, aura fort à faire avec des moyens limités pour maintenir la crédibilité d’une organisation qui repose malgré tout sur un projet d’équilibre international qui n’a jamais vu le jour.

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