Tous deux s’attachent à montrer que ce régime politique, souvent honni, est aussi celui qui fit entrer la France dans la modernité. Une bibliographie et un index complètent l’ouvrage. Le format et le projet du livre n’invitent pas à un bilan critique du régime, que cela soit clair dès le départ.
Un bilan drôlement mis en forme
En huit chapitres, les deux auteurs proposent un inventaire et un bilan de ce régime politique. Chacun est introduit par un court texte de synthèse sur le sujet. Le ton est résolument enjoué et la mise en page ludique. Pour chaque grand thème, on trouve une série de dates correspondant à des événements relatés en quatre à cinq pages. Chaque article est composé ainsi : une amorce par un texte d’époque, un texte de synthèse sur l’évènement, au moins une illustration et pour finir un « Le saviez-vous ? « et un « Et ailleurs », façon d’élargir un peu le sujet traité. C’est efficace et très agréable à lire. Précisons tout de même au lecteur que la légende des illustrations est souvent le lieu de blagues, façon un peu Plonk et Replonk. Ainsi, pour illustrer un article sur Morny, les auteurs proposent une image d’animal, à savoir un « grand-duc du Second Empire ». Le même ton se retrouve dans les textes avec « Bravo Monsieur de Lesseps car vous en avez suez ! ». Chacun appréciera, ou non, ce deuxième degré. Les petites pastilles qui concluent chaque article délivrent de nombreuses anecdotes.
Un quotidien qui change
Indéniablement il y a une différence entre vivre aujourd’hui et vivre sous le Second Empire. Il y a aussi une différence entre cette époque et celles qui l’ont précédée. Pour illustrer cela, les auteurs évoquent pêle-mêle les travaux de Pasteur, les moyens de transport, le mobilier ou encore l’apparition des restaurants. Le cas de Pasteur est d’ailleurs intéressant car on l’associe plutôt à la troisième République. A partir du Second Empire, on peut traverser la France en moins d’une journée contre des semaines auparavant. Vous apprendrez aussi que c’est de cette époque que date le nettoyage à sec, inventé par hasard, ou encore, plus connu, le jean.
Urbanisme, sciences et techniques
C’est sans doute le point que l’on associe le plus au Second Empire en matière de changements. « A la fin du Second Empire plus de la moitié de la capitale a été remaniée » et le réseau d’égouts a été multiplié par six. Le mouvement gagna également la province. C’est l’époque également des débuts de Deauville ou la création des Buttes Chaumont. Parmi les inventions de l’époque, il faut mentionner le pendule de Foucault, le téléphone, sans oublier l’électricité, la photographie ou encore le moteur à explosion.
Prospérité et relativité
Cette période de prospérité ne profita pas évidemment à tous. En même temps, « tout le monde reconnait que l’empereur a instauré les conditions nécessaires pour faire entrer la France dans la révolution industrielle ». On lira un article sur le Bon Marché, qu’on aurait pu aussi trouver dans le chapitre sur la vie quotidienne, et un autre sur les Halles à l’heure où on les restructure. C’est l’époque où se constituent de grandes dynasties comme les Dollfus-Mieg qui en 1860 emploient 3 000 ouvriers à Mulhouse, mais aussi le Crédit Lyonnais.
Culture, beaux arts et école
« Les oeuvres créées sous le Second Empire sont les fleurons de notre patrimoine artistique, elles font partie de notre mémoire collective mais bien souvent elles sont déconnectées du contexte qui les a produites ». Les auteurs rappellent en effet que c’est de cette époque que datent « Madame Bovary », « Les Misérables » ou « Les Fleurs du Mal ». Il ne faudrait pas oublier qu’il y eut aussi le café-concert, l’opérette et l’opéra bouffe. On associe Troisième république et école primaire, mais les auteurs remarquent que c’est au temps du Second Empire que furent mis en place les salles d’asile, c’est-à-dire des établissements destinés aux plus jeunes. Cette époque vit aussi se développer des expériences comme celle de Godin et son familistère. Elle fut loin d’être unique et le « Et ailleurs » donne l’occasion de citer d’autres expériences similaires comme Saltaire en Angleterre.
Santé et social
Corinne Ergasse et Xavier Mauduit rappellent d’abord la difficulté de la vie quotidienne à l’époque et les causes de mortalité comme la tuberculose, le choléra ou encore la typhoïde. C’est de cette époque que date une prise de conscience hygiéniste, qui enclencha ensuite une politique des pouvoirs publics avec par exemple les maisons ouvrières dont les auteurs font les ancêtres des HLM.
De nombreuses mesures sociales prises sont marquées du sceau du paternalisme. En tout cas, se soigner diffère beaucoup d’aujourd’hui comme le montre l’article sur l’armoire à pharmacie : « sous le Second Empire le pharmacien est encore un peu un herboriste ». C’est aussi la grande vogue des cures thermales. C’est davantage l’hygiène qui fait augmenter l’espérance de vie que des progrès médicaux.
Politique
L’aspect policier du Second Empire est abordé avec la création des renseignements généraux, ce qui n’a pas empêché l’Empereur de subir plusieurs tentatives d’assassinat. On peut pointer un article très intéressant sur la plus grande opération de séduction du régime appelée « les séries de Compiègne ». Il s’agit de liste d’invités (les séries) qui partagent durant quelques jours le quotidien des souverains. C’est souvent une affaire de relations publiques ; elles réunissent une centaine de privilégiés pour une semaine. L’Empereur Napoléon III et l’impératrice avaient un mot pour chaque invité car ils apprenaient des fiches spécialement préparées. Dans le même chapitre, les auteurs soulignent l’intérêt pour l’histoire manifesté par le régime à travers Alésia, Jeanne d’Arc ou la préhistoire.
En conclusion, les auteurs reviennent notamment sur la fin du régime et sur la personnalité de Napoléon III. C’est donc un livre au ton léger, mais qui fourmille d’informations invitant le lecteur à revisiter le bilan du Second Empire.
© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes