La ville de Besançon est intimement liée à l’horlogerie. Plusieurs expositions récentes ont témoigné d’ailleurs que l’on peut élargir la focale au département. Ainsi, l’exposition « L’horlogerie dans ses murs » était consacrée à la ville et au département du Doubs et une publication récente s’intitulait « Autour de la montre en pays horloger ». Il faut également mentionner que, depuis décembre 2020, l’UNESCO a fait entrer au patrimoine culturel immatériel de l’humanité « le savoir-faire horloger et la mécanique d’art de l’Arc Jurassien Franco-Suisse ».
Une publication des chercheurs de l’Inventaire
Un des auteurs, Raphaël Favereaux, a récemment publié en compagnie de Laurent Poupard le très bel ouvrage « Franche-Comté : terre d’industrie et de patrimoine ». Il est accompagné ici pour le texte de Laurence Reibel et des photographies de Jérome Mongreville, Sonia Dourot et Yves Sancey. Le livre est composé de deux parties : une partie « analyse » qui s’appuie sur la chronologie puis une partie sur les différents lieux liés à l’horlogerie dans la ville. Un plan permet de les repérer facilement.
La fondation de la Manufacture nationale d’horlogerie de Besançon
Tout commence avec l’arrivée de Laurent Mégevand dans la capitale comtoise en 1793. Signés la même année, « les accords de Morteau » précisent les modalités du nouvel établissement industriel. Il s’agit de « créer ex nihilo un centre de production indépendant capable de fabriquer des montres et de concurrencer les foyers horlogers suisses ». Le système de l’établissage, qui existait déjà dans les montagnes jurassiennes, se développe.
De 1800 à 1914
Pendant le premier demi-siècle, on assiste au lent, mais irrésistible, enracinement de l’industrie horlogère. La ville compte un peu moins de 30 000 habitants au début du XXIème siècle. L’industrie horlogère se déploie progressivement dans la ville comme le montrera la deuxième partie de l’ouvrage. En une génération, le nombre d’entreprises liées à l’horlogerie est multiplié par six et la main-d’oeuvre par quatre. De 1850 à 1914, Besançon s’impose comme capitale française de la montre. C’est l’époque de la mise en place de réseaux commerciaux, mais aussi un moment où l’usage de la montre tend à se démocratiser. Malgré certaines archives, il reste difficile de connaitre exactement le poids de l’horlogerie à Besançon. Un lieu de formation, l’Ecole nationale d’Horlogerie, est créé ainsi qu’un lieu de science, l’Observatoire. En 1893, l’exposition du centenaire de l’horlogerie voit la rue Saint-Vincent rebaptisée du nom du fondateur suisse, Laurent Mégevand. L’horlogerie commence à sortir de la boucle bisontine.
De l’entre deux guerres aux années 50
La reprise de l’activité économique est assez forte après le premier conflit mondial. De nouvelles sociétés apparaissent. Mais ce secteur, comme d’autres, connait l’impact négatif de la crise de 1929. Lip résiste néanmoins dans les années 30. Sarda constitue alors un exemple de réussite. On peut citer également la réalisation de l’usine Dodane par les frères Perret dans le quartier de Montrapon. Après 1945, on constate le même phénomène de rebond économique qu’après 1918 avec de nouvelles usines. En 1954, 4150 personnes travaillent pour l’horlogerie à Besançon. C’est un secteur qui repose beaucoup sur des entreprises familiales.
L’horlogerie se diffuse dans la ville
Les usines s’éloignent du centre et sont de plus en plus liées à des capitaux étrangers comme Kelton. Les auteurs évoquent Maty puis la crise qui touche le secteur à partir des années 70. Le quartz, la concurrence asiatique, conjugués à la crise économique, déstabilisent le secteur. Après une lente agonie, on peut constater à partir de 2010 une renaissance avec 30 entreprises et 1500 personnes concernées. Aujourd’hui, l’horlogerie bisontine prend place dans le vaste écosystème de l’arc jurassien franco suisse comme le rappelle l’inscription à l’Unesco.
L’horlogerie dans la ville
Cette partie constitue les deux tiers du livre avec beaucoup de photographies et d’illustrations en couleurs et en noir et blanc. A chaque fois un lieu et une marque sont présentés avec un texte explicatif. Il peut s’agir de lieux connus des Bisontins mais, même les habitants de la ville seront sans doute surpris par d’autres lieux repérés dans l’ouvrage. On retrouve certains endroits évoqués dans la première partie. Les auteurs montrent d’abord ce qui concerne la boucle et Battant, puis le quartier de la Mouillère et des Chaprais et, enfin, la périphérie de la ville.
Quelques bâtiments remarquables
On pourra voir en détails l’immeuble de la Sidhor qui est un cas à part dans l’histoire de l’architecture horlogère bisontine. En effet, il se présente comme une construction à vocation résidentielle alors que sa fonction est strictement industrielle. Le lieu a été classé récemment au Patrimoine du XXème siècle. Pour la périphérie, on trouve des images de l’usine Dodane précédemment évoquée qui a fermé en 1995. On voit aussi le groupe Yema à travers une construction rue Paul Bert et une autre rue des Cras. Lip est évoqué dans sa dimension production mais aussi pour le conflit qui prit en 1973 un retentissement national. L’usine Kelton innova en vendant pour la première fois des montres dans des bureaux de tabac. Rue Labbé se déploie l’actuel lycée Jules Haag, anciennement école d’horlogerie, institution qui fêtera cette année ses 160 ans. L’ouvrage se termine au musée du temps. On peut d’ailleurs noter qu’en 2020 une exposition avait été réalisée avec le musée international d’horlogerie de la-Chaux-de-Fonds comme une manifestation de plus de ce lien qui unit l’arc jurassien autour de l’horlogerie.
Ce livre, magnifiquement illustré, ravira les amateurs de la ville ou de l’horlogerie.
© Jean-Pierre Costille