La revue « Chroniques d’Histoire Maçonnique »La revue « Chroniques d’Histoire Maçonnique » – ou CHM pour les initiés – (publiée depuis 1982) est désormais présentée par le service de presse des Clionautes, dans le cadre de la Cliothèque. Cette revue réunit des travaux de chercheurs français (pour la plupart) sur les évolutions historiques de la Franc-Maçonnerie française, liée à la plus importante obédience française : c’est-à-dire le Grand Orient De France ou GODF. L’abonnement annuel à la revue Chroniques d’histoire maçonnique comprend 2 publications par an expédiées en décembre et juin. Cette revue est réalisée avec le concours de l’IDERM (Institut d’Études et de Recherches Maçonniques) et du Service Bibliothèque-archives-musée de l’obédience du Grand Orient De France (GODF). L’éditeur délégué est Conform Edition.
« Chroniques d’Histoire Maçonniques » n° 79 (Hiver 2016-2017) : Franc-maçonnerie et littérature : Ce numéro est composé d’un avant-propos de la rédaction et de 6 articles. Ce numéro comporte les rubriques habituelles : Études, Dossier, Portraits et Documents. Ce numéro de l’année 2017 (année maçonnique marquée par les célébrations des trois cent ans de la naissance de la Grande Loge d’Angleterre) s’ouvre par un dossier portant sur un sujet classique : les liens entre la franc-maçonnerie et la littérature. Depuis longtemps, du Télémaque de Fénelon aux écrits de Gérard Nerval en passant par ceux de Goethe, de nombreuses recherches ont en effet été engagées sur les affinités, réelles ou supposées, entre la franc-maçonnerie et les œuvres littéraires. C’est assurément dans la perspective de ce chantier que se situent les deux premières contributions de François Labbé sur la Lettre d’un franc-maçon de Joseph Uriot et de Frank Lepetit sur le surréalisme et la franc-maçonnerie. La sensibilité manifestée par la franc-maçonnerie pour la littérature, du siècle des Lumières au XXe siècle, ne doit cependant pas faire oublier que des Francs-maçons, officiers de loges ou simples membres, célèbres ou obscurs, furent souvent les témoins engagés des évolutions de leur époque notamment lorsque, une fois passée la Révolution française, commença le combat pour la République. À bien des égards, c’est cet aspect de la franc-maçonnerie qui est le point commun entre les trois contributions écrites par Yves Colleu sur le vénérable catholique et républicain de la loge de Rambouillet L’Amitié Discrète, Émile Carrey par Mirko Vondrak sur l’épopée séculaire des frères de la loge Sciences et Travail et par Philippe Rochefort sur le sulfureux Max Théret . Le numéro s’achève par la présentation d’un document inédit sur L’Espérance, un atelier d’Arras qui fut le premier à travailler au Rite Écossais Ancien et Accepté en Artois, par Alain Gibon.
ÉTUDES :
Émile Carrey (1820-1880), vénérable catholique, républicain et anticlérical au temps de l’ordre moral : (Yves Colleu)
Ce premier article (rédigé par Yves Colleu) nous montre comment Émile Carrey (1820-1880) catholique, fut d’abord monarchiste (1840-1848), puis un temps bonapartiste (1848-1867) et enfin républicain (1867-1880). Ce bonapartiste abandonna, en 1867, la défense du régime qui l’avait, à trois reprises en 1855, en 1859 et en 1865, nommé maire de Vieille-Église, où il avait succédé à son père Jean Arsène Carrey, lui-même franc-maçon depuis 1814. C’est en 1867 qu’il effectua sa conversion républicaine, c’est donc très naturellement qu’il se tourna alors vers la franc-maçonnerie, dont de nombreuses Loges étaient devenues, en cette fin de second Empire, des foyers d’opposition au régime, malgré la prohibition, statutaire au Grand Orient, d’y évoquer les sujets politiques.
Émile Carrey fut initié au grade d’apprenti à l’âge de 49 ans, par la Loge de Rambouillet, l’Amitié discrète, le 24 octobre 1869 ; il passa compagnon, le 26 juin 1870, puis Maître, le 26 août 1870. Homme public, il ne dissimula jamais son appartenance maçonnique, la revendiqua même, en faisant l’apologie de la franc-maçonnerie. En 1873, au lendemain de la chute de Thiers, l’avènement de Mac Mahon et du ministère de Broglie montrèrent une volonté affirmée de contrôler l’activité des Loges maçonniques. Dès le 3 janvier 1874, le duc de Broglie (vice-président du conseil et ministre de l’Intérieur) demanda aux préfets de lui rendre compte de l’activité des Loges. De nombreuses notes infrapaginales ponctuent cette première étude.
« Sciences et travail » : un siècle de vie maçonnique : (Mirko Vondrak)
Le deuxième article (rédigé par Mirko Vondrak) est consacré à l’histoire de la Loge « Science et Travail » dont l’allumage des feux a lieu le 7 avril 1957. Parmi les fondateurs, figurent George Zaborowski et André Crémieux qui, initiés respectivement en 1909 et 1910 dans la Loge « Science et travail », montrent la continuité de la vie d’une Loge dont l’histoire résume à elle seule les aléas d’un siècle d’histoire du Grand Orient de France. C’est au lendemain de Noël 1902 que 29 maçons de la Loge « Les Vrais Amis » quittent leur atelier et fondent une semaine plus tard la Loge provisoire « Science et travail ». Les choses vont alors aller très vite. Le Conseil de l’Ordre du GODF est informé, puis donne son accord et désigne comme Commissaire Installateur le Frère Bouley, Grand Secrétaire du Conseil de 1’Ordre du GODF, pour procéder à l’allumage de la Loge le 4 février 1903. Dès la première tenue après l‘allumage des feux on initie un profane (le 3 mars 1903). Le même soir on procède à l’affiliation d’un Frère de la Grande Loge Symbolique Ecossaise ! Au vu de la fréquence de ces cérémonies, on peut se demander quand et comment les autres travaux ont pu être faits. Les initiations se poursuivent en avril, mai, juin, septembre, octobre et novembre. Au total, ce sont 17 profanes qui vont entrer dans la Loge au cours de cette première année. Deux radiations ont lieu à la fin de l’année. Les avancements sont également très rapides. Ainsi Charles-Victor Dailliez, initié le 12 juin 1902 est Officier en février 1903. Le 30 juin 1903 la Loge procède à l’exaltation de quatre nouveaux Maitres dont un a été fait compagnon le même jour et, le 4 mai 1904 l’atelier initie Émile Grosjean, professeur de L’Université qui deviendra dès 1908 Vénérable de la Loge. De nombreuses notes infrapaginales ponctuent cette première étude.
Max Théret (1913-2009), socialiste, millionnaire et franc-maçon : (Philippe Rochefort)
Le troisième article (rédigé par Philippe Rochefort) est consacré au socialiste, millionnaire et franc-maçon Max Théret (1913-2009). Né en 1913, issu d’une famille modeste, il n’avait pas fait d’études et, très jeune, il avait été un militant socialiste SFIO, à l’aile gauche de ce parti dans la tendance de Trotski. Revenu pacifiste de la guerre de 1914-1918, son père Léon Théret avait fondé avec des Frères du GODF, une association Fraternité – Réconciliation pour organiser des échanges de jeunes entre la France et l’Allemagne, ce qui permit à Max de connaitre l‘Allemagne et de parler allemand. À l’âge de dix-huit ans, il partit en Espagne où il milita au parti socialiste, assistant à
la révolte des Asturies puis participant à la Guerre Civile dans l’armée républicaine, bataillon Guillermo Torrijos. Durant ses séjours en France, il participa avec André Essel (1918-2005) qui deviendra son associé, à la fondation des Jeunesses Socialistes Révolutionnaires (JSR), animées par Fred Zeller (futur Grand Maitre du Grand Orient de France). Sa vie militante était alors rythmée par les conflits entre les mouvements socialistes et communistes avant l’apaisement relatif du Front Populaire et il raconte longuement ses bagarres avec les « staliniens ». II fut ainsi un acteur des luttes qui déchirèrent la Gauche française dans les années 1930, entre d’une part les communistes et les socialistes, et d’autre part entre les trotskistes et tous les autres. Toutefois, il était plus orienté vers l’action que vers la réflexion théorique, comme le montre toute sa vie il voulait « agir pour améliorer l’homme et la société ». De cette décennie marquée par la terrible guerre civile espagnole, il conservera une véritable passion pour l’Espagne et, toute sa vie, il lui témoignera sa fidélité, notamment, au début des années 1980, par le soutien qu’il apporta aux GAL, commandos soutenus par le gouvernement (socialiste) espagnol, qui assassinèrent les principaux activistes terroristes de l’ETA qu’il exécrait, en défendant leur action auprès des socialistes français. Pendant l’Occupation, Max Théret créa un petit atelier de photographie (sa passion) qui lui servit de couverture pour ses activités de résistant et où il publia un journal clandestin Notre Révolution. Fonctionnaire des PTT, il écoutait les conversations des organismes militaires allemands et en rendait compte à la Résistance. Échappant de peu à l’arrestation il vécut dans la clandestinité jusqu’à la Libération. À la Libération, il devint directeur de la Coopérative des PTT et en 1951 il créa, en parallèle, l’Économie Nouvelle, un groupement d’achat des fonctionnaires. C’est cette expérience qui le conduira à créer la FNAC en 1954. À cette époque, la distribution commerciale était très archaïque en France, commerçants et fabricants cherchant tous deux à vendre avec la plus grande marge possible au détriment de la quantité vendue et du chiffre d’affaire nouveau que des prix plus bas auraient pu faire naitre. Max Théret offrait aux consommateurs une remise de 15 puis 20% qui eut naturellement beaucoup de succès. De nombreuses notes infrapaginales ponctuent cette première étude.
DOSSIER : Franc-maçonnerie et littérature
. Cupidon en Loge : Joseph Uriot et sa Lettre d’un franc-maçon (1742) (François Labbé)
Le quatrième article (rédigé par François Labbé) est consacré au franc-maçon français Joseph Uriot (1713-1788) et auteur de la Lettre d’un franc-maçon (1742). En 1788, s’éteignait Joseph Uriot, professeur éminent et franc-maçon connu dans toute l’Europe pour sa Lettre d’un franc-maçon de 1742. Né en Lorraine en 1713 d’un père capitaine de cavalerie, après ses études chez les jésuites de Nancy où il découvre le théâtre et à l’université de Pont-à-Mousson, il enseigne les humanités à Lunéville (1732-1737) puis l’histoire aux Cadets de la ville tout en secondant Valentin Jameray-Duval (1695-1775), le bibliothécaire ducal et futur directeur du Cabinet impérial des monnaies de Vienne. Ami de François Antoine Devaux (1712-1796), il connait par lui Mme de Graffigny (16951768) et le petit monde qui la fréquente alors, tous amateurs de littérature, fous de théâtre et peu conventionnels dans leur manière de vivre. Fin 1740, « Comédien par passion », amoureux d’une actrice (dont la soeur, Claire Lebrun, est une intime de Mme de Graffigny) Nison (Denise) Lebrun qui vient de rentrer de Bruxelles, il quitte son épouse Anne Marguerite Arto. De nombreuses notes infrapaginales ponctuent cette première étude.
. « A la Tour Abolie » : Surréalisme et légende templière (Patrick Lepetit)
Ce cinquième article (rédigé par Patrick Lepetit) retrace les liens (parfois ténus) entre le Surréalisme et la légende templière. André Breton connaissait le souchage templier des hauts grades maçonniques grâce à ses amitiés franc-maçonniques nombreuses dont celles de René Alleau, Jean Palou (tous deux membres de la Loge Thébah de la Grande Loge de France et du groupe surréaliste) ainsi que celles de Robert Ambelain et Robert Amadou. De plus, deux autres écrivains (membres en leur temps de groupes surréalistes) ont « glosé » sur les Templiers dans des livres destinés au grand public ayant eu un succès éditorial : Gérard de Sède avec Les Templiers sont parmi nous (1962) et Jean Markale avec Gisors ou l’énigme des Templiers (1986). De nombreuses notes infrapaginales ponctuent cette première étude.
DOCUMENTS :
Contribution à l’histoire de la franc-maçonnerie artésienne : l’Espérance à l’Orient d’Arras, première Loge du Rite Écossais Ancien et Accepté (REAA) en Artois : (Alain Gibon)
Ce sixième article (rédigé par Alain Gibon) retrace un document de 22 pages intitulé « Installation de la Loge de L’Espérance, à l’Orient d’Arras, au Rite Ecossais Ancien et Accepté pour la France, le 4e jour du 4e mois de l’An de la Véritable Lumière 5835 (soit le 29 juin 1835) ». Ce document relate l’installation de la première Loge de perfection du Rite Écossais Ancien et Accepté en Artois à l’Orient d’Arras, il y a 182 ans, sous le règne de Louis-Philippe Ier, roi des Français. Il restitue fidèlement la façon dont la Grande Loge Centrale de France au nom du Suprême Conseil du Rite Ecossais Ancien et Accepté pour la France procédait à une installation de Loge de perfection.
© Les Clionautes (Jean-François Bérel pour la Cliothèque)