C’est avec une certaine impatience que nous attendions le second volume de cette série consacrée à la première guerre mondiale dont le scénariste est un historien, Jean-Yves Le Naour.
Ce volume est consacré à la trajectoire de l’archiduc François-Ferdinand dans l’assassinat dans une rue de Sarajevo, le 28 juin 1914 a été l’un des éléments déclencheurs de la grande guerre. Assassiné en compagnie de son épouse l’archiduchesse Sophie, par Prinzip, un nationaliste bosno-serbe, François-Ferdinand était l’héritier du trône des Habsburg.
Le scénario est évidemment connu, de même que son échéance fatale mais il n’est pas inintéressant de se préoccuper du personnage dont l’assassinat a eu des conséquences planétaires. Héritier du trône des Habsburg, après le suicide à Mayerling de Rodolphe, fils de l’empereur, François-Ferdinand a commis l’erreur d’épouser, par amour, Sophie, une comtesse tchèque. Celle-ci n’étant pas de sang royal, son mariage est considéré par François-Joseph comme une mésalliance.
Dans la bande dessinée François-Ferdinand est présenté comme aimant par-dessus tout la vie de famille, aux côtés de son épouse, la chasse et sa roseraie. L’étiquette rigide de la Cour lui paraît insupportable, d’autant plus que son oncle n’hésite pas à l’humilier à différentes occasions.
La partie sans doute la plus intéressante de l’histoire se trouve dans ce cours de géopolitique improvisé que donne François-Ferdinand à l’un de ses enfants. Tous les préjugés d’un aristocrate autrichien sont contenus dans cette leçon. La France est une grande nation qui s’est condamnée à la médiocrité par le culte de l’égalité, la Russie un pays de barbares expansionnistes quant à l’Europe centrale elle est un « ramassis de sauvages, de brigands et de mangeurs de chou ». L’Italie dont le Nord est occupée par l’Autriche est une nation d’opérette. L’empire d’Autriche-Hongrie est la nation de l’élégance, du raffinement et de la tradition,« mais malheureusement pour François-Ferdinand on y trouve des hongrois et des Serbes et quelques autres peuples dont on pourrait se passer.»
La question des origines de la première guerre mondiale apparaît également en filigrane dans le scénario, notamment lors de cette rencontre, juste avant le voyage à Sarajevo, entre Guillaume II l’empereur d’Allemagne et François-Ferdinand. Le Kaiser veut la guerre, au nom de la stabilisation de l’Europe, et envisage, une fois la France et la Russie défaites, d’exercer sa domination sur l’ensemble de l’Europe en confiant à son allié autrichien une fédération balkanique qui serait alors dominée par les deux puissances impériales.
La genèse de l’attentat se déroule dans une cave et dans le cimetière de Sarajevo, là où repose l’auteur de l’attentat manqué, quatre ans auparavant, contre le gouverneur militaire de la ville.
Une date vécue comme une provocation par les Serbes
La date annoncée de la visite de l’archiduc, le 28 juin, est celle de la défaite du royaume de Serbie contre les ottomans, à Kosovo Polje, que l’on connaît également sous le nom de Champ des merles. Ce jour-là, malgré la défaite, le chevalier serbe Obilic était parvenu à tuer le sultan. Les conjurés de la Main Noire se considèrent comme ses héritiers.
Un premier attentat manqué, des tireurs qui se désistent au dernier moment, une bombe mal lancée qui rebondit sur la capote d’une voiture, et l’archiduc décide de quitter la ville. Mais soucieux de ne pas laisser l’image d’un homme qui craint pour sa vie, il décide de rendre visite aux blessés du premier attentat à l’hôpital. C’est sur la route, après une erreur d’itinéraire, qu’il croise le chemin de Prinzip. Ce dernier saute sur le marchepied de la voiture et abat Sophie et François-Ferdinand.
D’après l’historien-scénariste cet attentat réussi apparaît comme une bonne nouvelle pour la hiérarchie militaire de l’empire d’Autriche-Hongrie. Celle-ci attend le premier prétexte pour en terminer avec la Serbie en lui en imposant un ultimatum considéré comme inacceptable.
Le jeu des alliances, l’organisation de la mobilisation, de la Russie d’abord, de l’Allemagne ensuite, déclenchent la machine infernale en quelques semaines.
Le scénario est d’une grande richesse et encore une fois, on retrouve la patte de notre collègue Jean-Yves Le Naour, dont l’ouvrage majeur reste celui consacré à la légende noire des soldats du midi au début de la guerre.
http://clio-cr.clionautes.org/desunion-nationale-la-legende-noire-des-soldats-du-midi.html#.U8kaIrGrYvI
Pour ce qui concerne le dessin, j’aurais tendance à me montrer plus réservé. Si la composition des planches est très réussie, les visages des personnages semblent traités de façon un petit peu hasardeuse.
Mais cela n’enlève rien à la qualité d’ensemble de l’ouvrage et à l’intérêt de cette série dont nous attendons la suite avec une grande impatience.
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