L’ouvrage Gambetta, le combat pour la République, rédigé Pierre Allorant et Walter BadierPierre Allorant et Walter Badier : deux enseignants-chercheurs membres du CHPP (Comité d’Histoire Parlementaire et Politique), accompagné des illustrations du dessinateur tchèque Roman Kudlacek, constitue l’une des toutes premières parutions des jeunes Éditions orléanaises Le Mail, dans la collection « Les Grands Personnages de la République », créées en 2022. Pierre Allorant (60 ans) est certifié d’histoire-géographie (1985) puis agrégé d’histoire (1988). Enseignant dans le secondaire et à l’université d’Orléans en tant que vacataire. Il reprend un cursus universitaire de droit pour aboutir, en 2006, à la soutenance de sa thèse en histoire du droit portant sur Le corps préfectoral et les municipalités dans les départements de la Loire moyenne au XIXe siècle, à l’université d’Orléans. Nommé maître de conférences en histoire du droit en 2007, Pierre Allorant soutient son habilitation à diriger des recherches (HDR) en histoire du droit, en 2009. Il devient professeur des universités en histoire du droit et des institutions, en 2015, à l’université d’Orléans (membre affilié du laboratoire POLEN EA 4710, équipe CEPOC) ainsi que doyen de la faculté de droit d’Orléans, depuis novembre 2016. Il est un spécialiste reconnu des institutions administratives et des collectivités territoriales de notre pays. Politologue, il est le consultant régulier de plusieurs médias. Il a publié de très nombreux travaux universitaires et plusieurs livres dont La République en Chroniques (2018) et Orléans, les maires qui ont transformé la ville (1800-2020) (2019) aux Éditions Infimes et récemment Voix de Fêtes : Cent ans de discours aux Fêtes de Jeanne d’Arc à Orléans (1920-2020) (2020) chez Corsaire éditions. De plus, il est secrétaire général et membre du comité scientifique de la revue Parlement[s]. Revue d’histoire politique.

Walter Badier (43 ans), certifié d’histoire-géographie (2003), est professeur d’histoire-géographie à l’ESPE Centre-Val de Loire (université d’Orléans, site d’Orléans et Blois) depuis 2010. Docteur en histoire en décembre 2015, après avoir soutenue sa thèse de doctorat d’histoire intitulée Alexandre Ribot et la République modérée : formation et ascension d’un homme politique libéral (1858-1895), à l’université d’Orléans, il est nommé maître de conférences en Histoire contemporaine à l’université d’Orléans (Laboratoire ÉRCAÉ – EA7493) au sein de l’INSPE Centre-Val de Loire. En juin 2020, il a été nommé directeur adjoint à l’INSPE (Institut National Supérieur du Professorat et de l’Éducation) CVL, à Orléans. En outre, il est membre associé du Laboratoire POLEN (Pouvoirs, Lettres et Normes, EA 4710) dans le cadre du CEPOC (Centre d’Études Politiques Contemporaines) ainsi que secrétaire général et membre du comité de rédaction de la revue Parlement[s]. Revue d’histoire politique, depuis 2007. Enfin, il est à l’origine de la collection « Citadelle » chez Hachette Éducation et auteur de l’ouvrage de pédagogie Enseigner l’Histoire à l’école primaire, collection « Profession Enseignant », Hachette Éducation, publié en 2021.

Roman Kudlacek est diplômé de l’Université de Prague en arts appliqués et en arts du spectacle. Il est spécialiste en illustration et scénographie de théâtre et de film. Il a conçu les personnages et les lieux de plusieurs dessins animés.

Gambetta, le combat pour la République : Un républicain de choc pour le premier volume de la collection « Les Grands Personnages de la République » adapté au cycle 3 (du CM1 à la 6e)

Léon Gambetta (1838-1882) est à l’origine de la Troisième République. Cet homme passionné, d’un tempérament fougueux, brillant orateur, connaît une carrière politique fulgurante. Ce petit ouvrage raconte sa vie au service de la Patrie et de la République.

Pour écrire cette biographie de Léon Gambetta en album, Pierre Allorant et Walter Badier ont retenu un découpage en 11 chapitres illustrés par les dessins de Roman Kudlacek reproduisant tantôt des documents, tantôt des portraits de Gambetta : 1-Le fils d’un commerçant italien de Cahors (p. 3-6) ; 2-L’avocat rebelle contre Napoléon III (p. 7-8) ; 3-La proclamation de la République (p. 9-11) ; 4-Un gouvernement républicain face à la guerre (p. 12-14) ; 5-L’organisateur de la Défense nationale (p. 15-16) ; 6-Une République encore à consolider (p. 17-19) ; 7-Le « commis-voyageur » de la République (p. 20-22) ; 8-Le chef des républicains (p. 23-26) ; 9-Une fin de vie dramatique (p. 27-31) ; 10-Gambetta dans l’œil de ses contemporains (p. 32-34) et, enfin, 11-Léon Gambetta aujourd’hui (p. 35-39). De plus, l’ouvrage est composé d’un dossier documentaire (p. 40-53) avec une chronologie (p. 41-42), de 2 documents historiques (p. 43 et p. 44) et l’explication de 8 symboles de la République (p. 45-50) ainsi que d’un lexique (p. 51-53), un index des noms de lieux et de personnes (p. 54), une table des matières (p. 55) sans oublier une frise chronologique (rabat de la quatrième de couverture). Pour les besoins de la recension, nous avons regrouper les 11 chapitres ainsi que le dossier documentaire en 4 parties distinctes.

 Léon Gambetta : des origines à la proclamation de la IIIe République (1838-1870)

Dans la première partie, nous avons regroupé les 3 premiers chapitres : « 1-Le fils d’un commerçant italien de Cahors » (p. 3-6), « 2-L’avocat rebelle contre Napoléon III » (p. 7-8) et « 3-La proclamation de la République » (p. 9-11). Ils vont de sa naissance en 1838 à Cahors, sous la Monarchie de Juillet, à la proclamation de la Troisième République, le 4 septembre 1870, à Paris, alors que Léon Gambetta a 32 ans. Issu d’une famille de commerçants aisés de Cahors, avec un grand-père paternel né en Italie, Léon Gambetta a toujours été victime de xénophobie, de sa naissance jusqu’à sa mort. Bachelier à 18 ans, il veut continuer ses études et « monte à Paris » pour faire du droit et devenir avocat, en 1857. En 1868, lors du procès du journaliste républicain Charles Delescluze, Léon Gambetta en profite pour attaquer le Second Empire et Napoléon III, devenant ainsi l’étoile montante du parti républicain. Aux législatives de 1869, candidat républicain dans les départements de la Seine et des Bouches-du-Rhône, il présente le fameux « Programme de Belleville », programme électoral républicain voire radical (extension des libertés publiques comme celle de pensée et de se réunir ainsi que la séparation des Églises et de l’État, etc.). Vainqueur, il choisit le siège de député des Bouches-du-Rhône (1869-1871).

Léon Gambetta : le chef des Républicains (1870-1883)

Quant au sein de la deuxième partie, nous avons assemblé les 6 chapitres suivants, allant de 1870 jusqu’à sa mort, en 1883 : « 4-Un gouvernement républicain face à la guerre » (p. 12-14), « 5-L’organisateur de la Défense nationale » (p. 15-16), « 6-Une République encore à consolider » (p. 17-19), « 7-Le « commis-voyageur » de la République » (p. 20-22), « 8-Le chef des républicains » (p. 23-26) et, enfin, « 9-Une fin de vie dramatique » (p. 27-31). Cette demi-douzaine de chapitres va de sa nomination comme ministre de l’Intérieur dans le gouvernement républicain de Défense nationale (4 septembre 1870) à son décès, le 31 décembre 1883, à seulement 44 ans.

En tant que ministre de l’Intérieur, il organise la guerre contre les Prussiens de Bismarck en remplaçant les préfets bonapartistes par des républicains (avocats, journalistes, etc…). La situation militaire empire au point qu’au bout de 15 jours, Paris est assiégé par les Prussiens, à partir du 19 septembre 1870. Au bout de 3 semaines, le 7 octobre 1870, Gambetta quitte la capitale Paris en « ballon monté » (l’Armand-Barbès) afin de poursuivre la guerre en province. 48 heures plus tard, il atterrit à Tours pour rejoindre d’autres ministres du gouvernement de Défense nationale. Gambetta laisse Paris à son encerclement où les Prussiens vont affamer et priver de chauffage les Parisiens pendant 135 jours, soit près de 4 mois.

Depuis Tours, Gambetta dirige les opérations militaires pratiquement seul en constituant de nouvelles armées, mais sur le front, les armées françaises accumulent les défaites jusqu’à la capitulation du maréchal Bazaine, du 27 octobre 1870, à Metz (voir la carte de la bataille de Loigny du 2 décembre 1871). Gambetta quitte Tours pour se réfugier à Bordeaux pour continuer la guerre franco-prussienne. Au sien même du gouvernement de Défense nationale, les partisans (majoritaires) de l’armistice signent, le 28 janvier 1871, avec les Prussiens en prévoyant l’élection d’une Assemblée nationale qui décidera de la poursuite ou non de la guerre franco-prussienne. Exclu des pourparlers, Gambetta démissionne, le 6 février 1871.

Fatigués par la guerre franco-prussienne, les Français envoient à l’Assemblée nationale une large majorité de députés monarchistes, favorables à la paix, et ce, malgré des conditions d’armistice très dures avec la perte de l’Alsace et de la Moselle ainsi que le paiement d’une importante somme d’argent aux Prussiens. Face aux résultats des législatives de février 1871 et aux décisions du gouvernement Thiers, les Parisiens réagissent en se révoltant et créant un gouvernement révolutionnaire : la Commune de Paris qui est écrasé dans le sang par les troupes versaillaises de Thiers. Épuisé et malade, Gambetta est en convalescence au Pays basque espagnol. Selon lui, l’urgence d’instaurer solidement la République est d’autant plus nécessaire que le risque d’une troisième restauration de la monarchie en France est forte, avec un premier président de la Troisième République, le maréchal Mac Mahon, lui-même monarchiste.

Dès lors, Gambetta et les républicains comprennent que l’enracinement de la République en France passe non seulement par le Parlement mais surtout par la transformation de la société française par l’école. Par conséquent, l’école républicaine doit être gratuite, laïque et obligatoire sur l’ensemble du territoire de la France. La morale républicaine est enseignée à l’école publique et la religion dans des édifices religieux grâce à la laïcité. Alors, Gambetta accepte d’être le « commis-voyageur de la République » pour aller à la rencontre de l’électorat masculin (paysans, ouvriers, artisans et employés) grâce à ses qualités d’orateur.

Léon Gambetta mène le combat pour la République à l’Assemblée nationale car c’est là aussi que s’affrontent les leaders politiques et que l’avenir de la France se décide. Les monarchistes, majoritaires au Palais-Bourbon, souhaitent que le comte de Chambord devienne le futur roi de France (sous le nom d’Henri V) mais il refuse les symboles républicains. Dès lors, les monarchistes modérés acceptent le compromis d’une république parlementaire conservatrice. Les républicains en profitent pour faire voter les lois constitutionnelles de 1875, organisant le fonctionnement de la Troisième République : 2 assemblées parlementaires (Sénat et Chambre des députés) chargées de voter les lois et d’élire le président de la République ; les ministres du gouvernement désignés par le président de la République mais devant obtenir la majorité des voix des 2 assemblées. En 1876, ayant perdu la majorité à la Chambre des députés, Mac Mahon est en violent conflit avec les républicains et dissous la Chambre des députés qui remportent à nouveau les législatives, en 1877. En janvier 1879, Mac Mahon démissionne enfin et est remplacé par le républicain Jules Grévy. Tous les pouvoirs sont entre les mains des républicains. De 1879 à 1881, Gambetta est président de la Chambre des députés puis il devient président du conseil (le « Grand ministère Gambetta ») pendant 73 jours, soit pendant près de 2 mois et demi, tombant sous les coups de boutoir de la droite monarchiste et de la gauche des républicains radicaux.

Après l’échec de son « Grand ministère », Gambetta se met en retrait de la vie politique nationale. Victime d’un accident de révolver, du 27 novembre 1882, son état de santé se dégrade au point de mourir le 31 décembre 1882, d’une appendicite mal soignée. Personnalité hors norme, Léon Gambetta a droit à des funérailles nationales (du Palais-Bourbon au Père Lachaise). Des funérailles privées ont lieu à Nice, où il est inhumé, le 12 janvier 1883.

Léon Gambetta vu par ses contemporains et la postérité

Dans la troisième partie, nous avons mis ensemble les 2 derniers chapitres de l’ouvrage : « 10-Gambetta dans l’œil de ses contemporains » (p. 32-34) et, enfin, « 11-Léon Gambetta aujourd’hui » (p. 35-39). Pour connaître la vision des contemporains du tribun Léon Gambetta, l’étude de la presse de la Troisième République des années 1870 et 1880, autant républicaine qu’anti-républicaine, est indispensable. Cette dernière est extrêmement importante à l’époque de Léon Gambetta ainsi que la caricature paraissant dans la presse.

La postérité de Léon Gambetta est immense lors de sa mort jusqu’au début de la Seconde Guerre mondiale d’autant plus que son cœur va au Panthéon, en 1920, rejoignant le Temple des « Grands hommes » de la République. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la mémoire de Léon Gambetta s’efface progressivement au profit du général de Gaulle, incarnant le patriotisme (républicain ?) dans le récit national de la France. C’est à l’occasion du 150e anniversaire de la proclamation de la République du 4 septembre 1870 que le président de la République Emmanuel Macron rend un hommage appuyé à Léon Gambetta, le 4 septembre 2020, en proclamant que « […] Être français, n’est jamais seulement une identité. C’est une citoyenneté. ».

Un dossier documentaire et des annexes de valeur

Enfin, quant à la quatrième et dernière partie, elle comprend l’ensemble du « dossier documentaire (p. 40-53) qui est (à notre sens) l’aspect le plus novateur sur le plan didactique de cet album prenant les élèves pour des citoyens en devenir et leurs enseignants pour des pédagogues responsables. En effet, celui-ci est composé :

– d’une chronologie intitulée « Une vie pour la Patrie et la République-Léon Gambetta en 10 dates » (p. 41-42), – d’un extrait de la lettre de Léon Gambetta à Henri Brisson écrite à Paris, le 20 octobre 1875 (p. 43),

– d’une imagerie Pellerin à Épinal de Léon Gambetta datant de 1883 (p. 44),

– de la découverte et de la connaissance des symboles de la République : le drapeau tricolore, l’hymne nationale « La Marseillaise », la devise de la République « Liberté, Égalité, Fraternité », le visage de la République « Marianne », la fête nationale « Le 14 juillet », le sceau de la République, le faisceau républicain, le coq républicain et, pour finir,

– l’apprentissage de « La Marseillaise » avec le premier couplet et le refrain (p. 45-50). Outre ce dossier documentaire conséquent s’ajoutent un indispensable lexique (p. 51-53), un index des noms de lieux et de personnes (p. 54) ainsi qu’une table des matières (p. 55), sans oublier une frise chronologique en couleurs, allant de 1804 à 1940, sur le rabat de la quatrième de couverture.

Gambetta, le combat pour la République : Le premier de la collection « Les Grands Personnages de la République »

En conclusion, le dernier ouvrage de Pierre Allorant et Walter Badier, consacrée à la biographie de Léon Gambetta, qui est le premier de la collection « Les Grands Personnages de la République » de la petite maison d’édition orléanaise Le Mail, a rempli ses objectif : être à la fois des supports d’apprentissage (grâce à son contenu pédagogique précis et simple) mais aussi des ouvrages de références pour l’éducation à la citoyenneté en 6e. Bien évidemment, nous devons cette réussite grâce aux talents conjoints de Pierre Allorant et Walter Badier, universitaires et pédagogues confirmés. Cet album a l’énorme mérite de sortir de l’oubli ce personnage historique hors du commun (français d’origine italienne, républicain, avocat, franc-maçon, homme politique de premier plan) qui fut un humaniste en pensée comme en action

Nous ne pouvons que recommander ce petit ouvrage (56 pages) qui s’adresse avant tout aux enfants et aux élèves du cycle 3 (CM1, CM2 et 6e) ainsi qu’à leurs enseignants professeurs des écoles qui n’ont pas toujours une formation universitaire en histoire.

© Les Clionautes (Jean-François Bérel pour La Cliothèque)