Un livre d’images, une représentation des campagnes françaises de la fin du XIXe siècle à la veille des transformations induites par la Politique agricole commune.

Dans son avant-propos Jean-Marc Moriceau, historien spécialiste des campagnes françaises justifie ses choix : la date de 1960 qui pour lui représente l’arrivée de la couleur dans les manuels scolaires et la colorisation des photographies réunies dans ce livre, car la couleur permet de mettre en relief des détails (pièces aux pantalons, fleurs aux chapeaux, le bois si présent dans les outils agricoles). Il assume, par avance, les critiques dans le choix des teintes par exemple.

Au début de chaque partie le cadre général de la période est posée. Puis des photographies, nombreuses, chacune a un titre zet un court texte qui renseigne sur les personnes ou leurs occupations, date.

Les campagnes d’hier 1880-1900

Ces 20 ans marque l’arrivée de la photographie dans le monde rural en même temps que la victoire de la république dans des campagnes encore très peuplées, paysans, petits métiers, et place des femmes comme ces moissonneuses en Picardie (p.22/23). La diversité sociale juxtapose les Gentlemen-farmers (p.24/25) à l’intérieur breton (p.28). La maîtresse d’école Jules Ferry dans l’Allier n’a encore que peu d’élèves dans sa classe de filles de l’Allier aux quelles s’ajoutent ses trois garçons (p.30/31).

On retrouve les traits propres à chaque région : costumes et coiffes au travail comme les jours de fête.

Les couleurs de la Belle Époque 1901-1918

C’est le début de la révolution de la carte postale, ses paysages et ses scènes de genre. La première machine (herse pour la culture de la betterave p.50/51) côtoie les survivances de l’économie traditionnelle (millet dans le Sud-Ouest, halage).

Quelle est peuplée la classe unique d’Eugène Sergent avec ses 58 élèves (p. 54/55).

On voit les durs travaux mais aussi les fêtes familiales comme ce mariage un peu bourgeois des Yvelines ou traditionnel en Bretagne (p. 68/69 et 80/81).

La France est un pays d’élevage, bêtes de concours, comices agricoles mais aussi une vie difficile et des révoltes comme dans le midi viticole (p. 94/95).

La guerre est évoquée, soldats en marche ou mobilisés dans les champs à l’été 1915 (p.100).

Les campagnes dans la tourmente 1919-1945

C’est le moment où la population urbaine devient majoritaire, le temps de la reconstruction qui permet une pénétration réelle de l’électricité. La vie est plus facile mais l’écart avec les lumières de la ville s’accroît. Les grandes exploitations céréalières et leurs ouvriers agricoles (p. 114/115) n’ont que peu de ressemblances avec l’agriculture de montagnes qui se vident.

La mécanisation et l’utilisation des engrais progressent. Cette épicerie isèroise vend du des bouillon-cubes comme des « engrais chimiques (p. 136/137).

Le bistrot reste le centre de la vie sociale.

Pendant la seconde guerre la campagne voit passer l’exode, la propagande vichyssoise (p. 178/179-184) et les résistants.

Les couleurs de la modernité 1946-1960

Les lendemains de la guerre sont marquées par l’arrivée du tracteur, les transformations profondes du monde rural, la « révolution silencieuse » selon la formule de Michel Debatisse1, la « fin des paysans » selon Henri Mendras2 à la veille de l’entrée dans la PAC.

Si on retrouve des images déjà présentées dans la période précédente comme la batteuse (p. 202/203), la moissonneuse-batteuse est nouvelle (p. 204/205). Si la moisson se fait encore en gerbe dans la Nièvre (p. 208/209 3) le char qui rentre la récolte est derrière un tracteur.

Malgré les progrès les paysans en colère barrent la route des vacanciers en 1956 (p. 2018/219).

Un livre qui évoquera aux plus vieux lecteurs des souvenirs et peut fournir des illustrations aux enseignants.

———————————–

1 Debatisse Michel, La révolution silencieuse. Le combat des paysans, Préface de Fr. Bloch-Lainé, Paris, Calmann-Lévy,1963.

2 Mendras, Henri, La fin des paysans, innovations et changement dans l’agriculture française, Paris, S.E.D.E.I.S., 1967

3 On peu comparer cette image colorisée à l’original en noir&blanc en page 3 de la couverture