Quand on parle de débats énergétiques, le pétrole, surtout vus les prix actuels, est au centre des discussions. On évoque immanquablement aussi les énergies renouvelables. Pourtant, il ne faut pas oublier le gaz, surtout avec les développements actuels autour du gaz de schiste.

Ce livre, qui est un collectif, nous invite justement à ne pas l’oublier. Il est organisé en trois parties autour d’une dizaine d’articles originaux rédigés par des chercheurs pluridisciplinaires. Après une introduction avec Hélyette Geman et un entretien avec Jean-Marie Chevalier, une partie est consacrée au gaz de schiste et une autre au gaz naturel.

Le gaz, un produit central

Pour préciser l’importance des enjeux, il faut rappeler que le gaz naturel va devenir la première source mondiale d’énergie avant le milieu du XXIème siècle. Cette énergie cumule plusieurs avantages comme son abondance, sa facilité de transport par exemple. Tous les pays s’y intéressent, soit pour enclencher leur développement, soit pour aller vers un mix énergétique. Pourtant, il ne faut pas gommer d’autres aspects comme la dimension géopolitique des gazoducs ou encore les questions environnementales que soulève le gaz de schiste. Les choses évoluent en tout cas très vite car Jean-Marie Chevalier rappelle par exemple que la production américaine de gaz et pétrole de schiste était « totalement inattendue ». Cela a bouleversé l’économie de certains états américains, mais pas seulement.

Le gaz de schiste change les Etats-Unis …

La première partie propose quatre articles qui forment un éclairage mondial assez complet. Fort logiquement, deux sont consacrés à la situation américaine. Les chiffres sont impressionnants car ,en huit ans, les Etats-Unis ont réduit de moitié leur dépendance à l’égard du pétrole et sont redevenus presque autosuffisants en gaz. Voilà de bons éléments pour une étude de cas en seconde sur les défis énergétiques. Un éditeur propose d’ailleurs déjà d’examiner le cas du gaz de schiste aux Etats Unis. L’article fait le point en précisant qu’il n’y a rien de révolutionnaire au niveau technique dans l’exploitation des gaz de schiste. Pourtant, pour que l’exploitation s’enclenche, il y a certaines conditions indispensables : la connaissance du sous-sol, une culture gazière soutenue par un pouvoir politique sans faille, un quasi monopole des moyens et un droit minier favorable à l’individu, et non à l’Etat, ce qui est totalement le cas aux Etats-Unis.

….la géopolitique mondiale…..

En tout cas cette production a des conséquences internationales notamment vis-à-vis de la Russie. En 2000, les Etats-Unis importaient 75 % du pétrole du Moyen-Orient et la Chine et l’Inde seulement 15 %. En 2035, la situation sera inversée. François Lafargue étudie ensuite les enjeux gaziers en Asie. L’Inde et la Chine sont devenues importatrices de gaz naturel. Après avoir précisé que la consommation de gaz naturel en Chine va tripler entre 2010 et 2030 l’article envisage deux scénarios possibles et leurs conséquences. Si elle ne parvient pas à ses objectifs, le poids du charbon ne pourra que rester écrasant.

…mais pas l’Europe

L’article envisage ensuite la situation de l’Europe et conclut que les gaz de schiste ne seront pas là un « game changer ». On peut lier à cette remarque le troisième article proposé qui est intitulé « Gaz de schiste en Europe : le mirage des emplois ». Un chiffre a été souvent avancé et mérite vérification : c’est celui qui voudrait que chaque emploi minier créé aurait entrainé la création de neuf emplois non miniers. Thomas Porcher et Stéphane Goutte reprennent le dossier et montrent que le coefficient multiplicateur est plus proche de 1,9 voire 1,4. De plus, cette fourchette est vraie dans la situation particulière des Etats-Unis évoquée auparavant. On serait bien loin de ce chiffre en Europe sans compter les inconvénients liés à des exploitations qui, par leur emprise et leur technique, pourraient provoquer des inconvénients majeurs sur d’autres secteurs comme le tourisme.

Le gaz naturel

Quatre articles éclairent la question du gaz naturel. Roland Lombardi s’interroge pour savoir si le gaz israélien, récemment découvert, pourrait changer la face du Moyen-Orient. Le pays pourrait devenir une puissance gazière de premier plan et deux marchés s’ouvriraient à lui : l’Europe et l’Extrême-Orient, ce qui pourrait reconfigurer une partie des rapports dans la région. Ensuite Anne-Sophie Sebban envisage la question du gaz en Afrique et notamment son basculement vers l’Est. Jusque-là identifié à l’Algérie, à l’Egypte et au Nigéria, les nouvelles puissances gazières s’appelleront peut-être la Tanzanie et le Mozambique. Cet article pourra servir dans le cadre de la question sur l’Afrique en terminale. Deux documents sont à signaler : un tableau qui répertorie les projets gaziers en cours et à venir ainsi qu’un tableau synthétisant les risques et défis pour chacun des pays de la zone. Un troisième article est consacré à « La contribution des centrales-gaz à la couverture des risques marchés » : c’est sans doute l’article le plus technique. Enfin, Noémie Ribière pose la question de la sécurité énergétique de l’Europe en se focalisant sur le rôle et la place de la Turquie. Ce pays, de par sa position géographique, détient des « leviers géopolitiques pour peser sur la scène internationale, et, dans le même temps, » est particulièrement vulnérable face « aux mutations régionales ».

Cet ouvrage est donc un recueil d’articles très abordables. Plusieurs d’entre eux sont utilisables pour actualiser et enrichir nos cours à la fois en seconde sur les défis énergétiques, mais aussi en terminale à travers les éclairages qu’il propose sur l’Asie, l’Afrique ou le Moyen-Orient.

© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes.