Encore une fois, le magazine « Problèmes économiques » vise juste et offre de nombreuses informations pour compléter et actualiser nos cours. Le sujet principal durant cette quinzaine, est l’Inde, pays que l’on aborde à la fois au collège et au lycée autour de la question de l’émergence économique.

Le sous-titre invite d’ailleurs à estimer où en est réellement l’Inde aujourd’hui. Le tout est nourri par « Conjoncture », le mensuel publié par les direction des Etudes économiques de BNP Paribas, par le « Financial Times » ou encore par « Alterecoplus ».
Comme à chaque fois, un certain nombre de documents pourront servir en cours comme cette double page sous forme d’infographie qui résume les chiffres clés du pays. Un encart pages 24 à 26 livre un état des lieux très utile de l’action du premier ministre depuis son accession au pouvoir.

Les obstacles au développement économique

Le premier article présente un tableau d’ensemble en essayant de pointer « les obstacles au développement économique ». Parmi les informations à retenir, il y a les objectifs affichés du gouvernement indien de développer le secteur manufacturier ou encore d’assouplir les règles du marché de travail. L’article se focalise donc sur les points de blocage actuels comme la difficulté à obtenir un permis de construire, ce qui n’est pas vraiment favorable à l’activité économique quand on souhaite implanter une usine. L’action du premier ministre pour résorber cela est soulignée. On pourra être surpris parfois par rapport à des représentations que l’on peut avoir, car l’auteur de l’article dit clairement que « le marché du travail en Inde est encore plus rigide que dans de nombreux pays occidentaux ». Il existe un autre défi encore plus redoutable à relever : celui de la formation dans un pays où entrent chaque année sur le marché du travail 12 millions de personnes. Or 4,3 millions seulement arrivent formés ! Troisième défi majeur, le cadre budgétaire très contraint quand on sait que le gouvernement estime à 13,3 % du PIB ses dépenses totales, tout en sachant que 72 % sont incompressibles !
Le troisième article pointe une autre limite du modèle indien, cette fois dans le domaine du management. Il revient notamment sur des enthousiasmes parfois rapides sur tel ou tel modèle indien et en pointe les insuffisances. On s’est par exemple enthousiasmé, sans doute un peu vite, pour le modèle « les employés d’abord » qui consistait à inverser la « pyramide du management ». Ce modèle avance l’idée de faire confiance aux employés, plaide pour la transparence, mais oublie peut-être de dire que les cadres de l’entreprise se retrouvent au centre de ce feed back épuisant. De même on a vanté le jugaad ou innovation frugale. L’idée est que les idées de demain ne nécessitent pas de grands laboratoires et des années de recherche, mais plutôt du bon sens et du système D. Seulement, à vouloir promouvoir cette idée, tout a été repeint en jugaad du réfrigérateur sans électricité à la chaine de magasins Big Bazar ! Plus étonnant encore la reprise par d’autres du concept pour qualifier par exemple la Dacia. On est pourtant loin d’une voiture fabriquée artisanalement.

Développement durable et Inde

Cette question est abordée par deux articles. Le deuxième article de la revue, « Les terres agricoles au coeur de toutes les convoitises », se consacre au secteur de l’agriculture qui représente 15 % du PIB mais 50 % de la population active. L’Etat doit arbitrer une redoutable équation entre préservation de la terre pour les paysans et mise à disposition de terrains pour les entreprises comme l’évoquait le premier article. Dans le même temps, il faut savoir que la surface moyenne de terre possédée a été divisée par deux en trente-cinq ans. Une entreprise doit souvent parler avec 50 propriétaires avant de conclure un achat, sans compter d’éventuels recours.
Le quatrième article s’interroge pour savoir si l’Inde est « le laboratoire écologique de la planète ». Le pays est actuellement dans une situation paradoxale, car tout en étant le quatrième émetteur de gaz à effet de serre, il représente finalement peu si on ramène le chiffre par personne. Cependant, l’Inde ne se cache pas les problèmes et envisage des solutions pour demain. L’article développe le cas d’un produit comme un poêle qui réduit les émissions domestiques de CO2. Cet exemple est issu d’un livre qui recense 20 idées indiennes orientées également dans une logique de développement durable.

Inde/Chine : deux pays, deux voies

Inévitablement arrive la question du modèle de développement et la comparaison avec la Chine. Le titre d’un article parle bien d’une « tortue indienne qui pourrait rattraper le lièvre chinois ». Alors certes, le PIB chinois est pour l’instant cinq fois plus élevé que le PIB indien alors qu’ils étaient équivalents en 1980, mais les logiques de développement de la Chine sont très différentes de l’Inde. L’article les décortique de façon très claire. Signalons par exemple la différence de contexte politique entre une démocratie et une dictature qui a choisi d’acheter le silence par l’argent, ou encore la farouche volonté indienne de préserver son identité, à l’opposé d’une volonté de puissance portée par la Chine.

Du commerce, du tourisme et des dettes

Les autres articles traitent de ce que Pascal Lamy appelle « le nouveau monde du commerce ». Dans ce texte très éclairant, il relit l’évolution de l’ouverture des échanges en distinguant un avant et un actuel, notamment autour de la question de l’environnement commercial. On est passé selon lui de «  l’ère des quotas, des tarifs douaniers » à celui de « la sécurité et de la santé ». L’ancien directeur de l’OMC n’oublie pas de consacrer un paragraphe à cette institution en montrant quel pourra être son rôle demain. Le deuxième article fait le point sur l’importance du tourisme en France. Cela permet d’actualiser des cours en 1ère, en rappelant que 84 millions de personnes sont venues visiter la France l’an dernier. Georges Panayotis rappelle aussi les effets économiques d’un tel secteur. Un dernier article se focalise sur la restructuration des dettes souveraines en soulignant l’absence de mécanisme général, ce qui oblige la communauté internationale à inventer des solutions de façon empirique.

Ce numéro permet donc de faire un point équilibré sur la situation actuelle de l’Inde, soulignant des points de blocage qui ne sont pas toujours ceux que l’on pense, et dessinant aussi des possibles pour demain. Il invite également à se méfier d’autres images rapidement popularisées qui sont parfois loin de traduire la vérité du pays.

© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes.