« Les 100 cartes et infographies, entièrement mises à jour pour cette nouvelle édition, nourrissent la réflexion face au défi d’une gestion raisonnée [des] matières premières ». Elles sont réalisées par la cartographe Claire LEVASSEUR et sont commentées par Bernadette MERENNE-SCHOUMAKER, professeur émérite à l’université de Liège en géographie économique et en didactique de la géographie.
Dans la préface, Philippe CHALMIN, se demande si, dans notre monde de plus en plus dématérialisé, la question des matières premières et les conflits qu’elles ont toujours engendrés pour leur contrôle « n’est pas un peu du passé » en 2020 ? Elle est pourtant plus que jamais d’actualité. Les matières premières demeurent une clé de lecture du monde. Elles pèsent encore un peu plus d’un tiers du commerce mondial de marchandises. « Le pétrole et le soja, la viande de porc et le cuivre [sont toujours] de bien précieux indicateurs des tensions de la planète ». Leur gestion est au cœur des défis actuels et notamment la satisfaction des besoins d’une population mondiale en constante augmentation tout en prenant en compte la rareté des ressources et les conséquences sur l’environnement . Dans l’introduction, Bernadette MERENNE-SCHOUMAKER tente ensuite de définir précisément les termes de ressources naturelles, de produits de base, de « commodités » et de matières premières. Selon les organisations (OMC, CNUCED par exemple), les approches diffèrent et la liste des produits concernés varie. « Dans le cadre de cet atlas, les matières premières correspondent aux produits miniers, aux produits énergétiques, aux produits agricoles et de l’élevage, aux bois et aux poissons [et à l’eau douce] ». Elles sont abordées dans cinq chapitres :
1. Des produits miniers et énergétiques… : l’intérêt pour les métaux remonte à l’Antiquité. Aujourd’hui, on exploite plus de 80 produits miniers. Les six métaux industriels les plus produits au monde sont le fer, l’aluminium, le chrome, le cuivre, le manganèse et le zinc (p.12-13). Leur demande croît continuellement. C’est encore plus le cas pour les « métaux rares », comme le coltan ou le lithium dont les prix ont flambé (p.14-15), car ils sont vitaux pour l’industrie des hautes technologies, ou les métaux et pierres précieuses (p.16-17). Les produits énergétiques sont aussi des produits très convoités. Pétrole et gaz (p.18-19) représentent encore plus de 54% de la consommation primaire d’énergie. Se pose l’avenir du charbon, responsable de 40% des émissions anthropiques de CO2 ou de l’uranium, en raison du stockage de ses déchets (p.20-21). Leur production commence à diminuer. D’autres produits (d’avenir ?) sont enfin traités comme le sable, les biocarburants ou les gaz renouvelables (p.22-23). Une des principales constations de ce chapitre est que la production de minerais et des combustibles fossiles est fortement concentrée dans un petit nombre de pays, source à la fois d’avantages comparatifs et de tensions.
2. …et bien d’autres matières premières : les produits agricoles (céréales, oléoprotéagineux mais aussi café, coton, sucre ou viande), de même que le bois (p.32-33), les poissons de capture ou d’aquaculture (p.34-35) et l’eau douce (p.36-37), devenue un bien marchand en raison de la très forte hausse de la demande, sont des matières premières au même titre que les produits miniers et énergétiques. Ils ont tous connus ces dernières décennies une forte augmentation de leur production, à l’origine d’un accroissement de la pression sur les terres et les disponibilités en eau.
3. Des produits plus stratégiques que jamais : la demande en matières premières explose à cause de la croissance de la population et l’augmentation des niveaux de vie (p.40-41). Dans le même temps, l’offre peine à suivre (p.42-43), malgré la multiplication et la globalisation des échanges (p.44-45), et la question de la finitude des ressources (p.46-47) revient régulièrement au-devant de l’actualité. Ce déséquilibre entre demande et offre explique en grande partie le renouveau stratégique des matières premières. L’impact environnemental de leur exploitation (p.48-49) et notamment sur le réchauffement climatique (p.50-51) apparaissent également comme de nouveaux défis.
4. Des enjeux économiques majeurs : le marché des matières premières est très volatil (p.54-55). A une période de « super cycle » avec des cours élevés de 2007 à 2014 a succédé un contrechoc en 2016 puis une stabilisation jusqu’aujourd’hui. Il est aussi très organisé (p.56-57) avec un poids de plus en plus croissant des marchés dérivés où interviennent de plus en plus des acteurs financiers. Il reste toutefois dominé par de grandes compagnies multinationales (p.58-59), spécialisées dans les domaines énergétiques, miniers ou même dans la distribution de l’eau et des entreprises de négoce (p.60-61). Mais d’autres multiples acteurs publics ou privés interviennent (p.62-63) également. Les tentatives de régulations par les organismes internationaux ou les États s’avèrent donc de plus en plus difficiles face à cette complexité et parfois même ce manque de transparence.
5. Une gageure géopolitique pour l’avenir : il est d’abord intéressant de comparer les actuelles stratégies des États-Unis à la recherche de leur indépendance (énergétique) (p.70-71), de la Chine qui cherche à sécuriser ses approvisionnements (p.72-73), de la Russie dont les maîtres mots sont diversification, modernisation et ouverture (p.74-75) et du Brésil qui souhaite affirmer ses nouvelles ambitions sur l’échiquier mondial (p.76-77). Puis il s’agit de montrer que les ressources alimentent souvent les conflits et les guerres (p.78-79). « En 2018, d’après l’ONU, plus de 40% des conflits armés internes de ces 60 dernières années ont été liés aux ressources naturelles et, depuis 1990, 75% des guerres civiles en Afrique ont été partiellement financées par les revenus provenant de ressources naturelles ». Trois exemples (eau douce, productions agricoles et zones de pêches) prouvent que des conflits peuvent aussi exister en lien avec des ressources renouvelables (p.80-81). Cet atlas se conclut sur les défis du futur : un développement équitable (p.82-83) lié à une meilleure prise en compte de l’empreinte écologique, une économie durable (p.84-85) qui « nécessite de passer à une consommation de ressources et de produits durables à l’impact fondamental faible et à durée de vie longue », permettant notamment une réduction des émissions de gaz à effet de serre, et une gestion davantage concertée des nouveaux espaces convoités pour leurs ressources (exemple de l’Arctique). Les pistes d’action (p.88-89) sont nombreuses : faire plus avec moins en étant plus sobre et plus efficace, mettre en place une nouvelle gouvernance ou modifier les comportements individuels.
La gageure sur ce type de sujet est de pas trop multiplier les statistiques, les graphiques et les cartes de données. Elle n’est que partiellement réussie. Mais certains schémas sont particulièrement originaux : classification économiques des métaux (p.12), métaux consommés différemment selon les stades de développement économique (p.41), consommation de viande et développement (p.41), le mécanisme d’ajustement de l’offre face à une hausse de la demande dans le cas de produits miniers (p.42) ou la chaîne causale des conflits sur les ressources naturelles (p.78). Si l’échelle mondiale est privilégiée, plusieurs documents peuvent être utiles pour des études de cas en classe à plus grande échelle : carte de l’impact de l’accident des centrales de Fukushima sur la région (p.49), carte des ressources minières de l’Afghanistan (p.65) ou carte des ressources minières et énergétiques de l’Arctique (p.87). Comme d’habitude dans la collection, les textes et les illustrations s’enrichissent mutuellement. Cet atlas mondial des matières premières est enfin complété par une bibliographie thématique raisonnée et un glossaire. Écrit par une spécialiste et remis à jour, il s’avère donc être un outil indispensable sur le sujet, étudié au collège comme au lycée.