Le développement durable est défini comme « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ». Mais, derrière cette définition aux allures simples et consensuelles, se cachent en réalité des approches diverses et complexes. En effet, cette notion est composée de différents volets (écologiques, économiques et sociaux) à la fois complémentaires mais aussi qui peuvent entrer en contradiction. C’est à un état des lieux de la mise en application de cette notion dans le monde et en France que nous invitent les auteurs de cet atlas.  

A noter que n’ayant pas eu entre les mains la 1ère édition de cet atlas, il se peut que vous retrouviez des éléments mis en avant par mon collègue Nicolas Prevost dans sa recension de la version de 2019. Je ne pourrai donc pas non plus mettre en avant les nouveautés introduites dans cet atlas (sauf bien sûr les références au Covid 19 présentes sur beaucoup de cartes ainsi que les occurrences aux évènements post-2019 comme par exemple l’élection de Joe Biden).
 

Les auteurs 

Yvette Veyret est professeur émérite à l’université Paris-Nanterre, auteur d’une thèse d’Etat sur les paléoenvironnements. Elle est spécialiste de l’environnement, des risques et du développement durable. 

Paul Arnould est professeur émérite de géographie à l’Ecole normale supérieure de Lyon. Spécialiste des forêst et de l’environnement, il travaille aussi sur la biodiversité, la multifonctionnalité et la nature en ville.  

Les cartes de cet atlas ont été réalisées par la géographe-cartographe indépendante Claire Levasseur. Elle collabore régulièrement avec Autrement sur ses atlas. Ainsi, entre autre, elle a conçu les cartes et les infographies de l’Atlas du Moyen-Orient (2016) et de l’Atlas de l’Empire romain (2017).  

Introduction 

Les auteurs commencent par inscrire la notion de « développement durable » dans le temps. Ils font remonter ses origines au XIXème siècle aux Etats-Unis avec G. Perkins Marsh. Mais, ils rattachent aussi cette pensée aux travaux de certains penseurs de l’Europe du XVIIIème siècle (comme François Quesnay ou Thomas Malthus). Sous la forme d’une frise chronologique, ils mettent en avant les penseurs et auteurs marquants du développement durable en distinguant ceux qui relèvent de la pensée écologique des géographes et des économistes. 

Ils reviennent ensuite sur la mise en œuvre de l’agenda pour 2030 lors du sommet spécial des Nations-Unies de 2015 : il a pour objectif « de transformer le monde en éradiquant la pauvreté et les inégalités, en maîtrisant le changement climatique et la dégradation de l’environnement ». Pour ce faire, sont élaborés 17 objectifs de développement durable (ODD) articulés autour de 5 thèmes : population, prospérité, planète, paix et partenariat. Les auteurs insistent sur la difficulté à mettre en œuvre la transition vers le développement durable, notamment dans de nombreux pays en développement. Ils notent aussi que cette transition peut se faire de différentes manières et à différentes échelles. 

Un monde inégalitaire, loin du développement durable 

Les auteurs commencent par faire le point sur un certain nombre d’inégalités à travers le monde. Ils s’intéressent dans un premier temps aux inégalités démographiques mais aussi économiques et sociales. Ainsi, ils font un état des lieux de différents indicateurs de développement comme l’indice de développement humain (IDH), l’indice de Gini, l’indice de pauvreté humaine (IPH) ou l’indice de pauvreté multidimensionnelle (IPM). Ils analysent aussi les inégalités face à la santé, notamment à travers l’épidémie de VIH-Sida et la pandémie de Covid-19. Enfin, ils abordent la question des inégalités liées à la faim notant la quasi-disparition des famines mais aussi la situation de sous-alimentation pour 800 millions de personnes dans le monde et l’augmentation des cas d’obésité sur la planète. 

Ils s’intéressent aussi à la problématique de l’inégal accès à certaines ressources. Ainsi, ils abordent la question de l’inégal accès à l’eau (aussi bien quantitativement que de qualitativement) notant qu’elle résulte plus de conditions politico-économiques que de ressources insuffisantes et qu’elle est facteur de tensions. Ils traitent aussi des inégalités mondiales d’offres et de demandes en termes de minerais (notamment des terres rares), d’énergie fossile et d’électricité. Ils consacrent enfin une double page aux ressources maritimes (halieutiques comme minérales) mises en danger par le changement climatique et la pollution.  

Ils analysent aussi les inégalités d’impact du changement climatique et de la pollution. Ainsi, les sols sont inégalement dégradés, notamment par les activités humaines, que ce soit par un phénomène de désertification, d’érosion, de salinisation ou de dégradation chimique des sols. Ils reviennent aussi sur l’importance de la biodiversité dans le système terre et sur les crises passées et futures de la biodiversité (notamment la crainte d’une 6ème extinction des espèces). De plus, ils insistent sur la distorsion qui existe entre les producteurs de déchets (essentiellement des pays industrialisés) et les importateurs de déchets (de manière plus ou moins licite), malgré la promotion du recyclage. Ils notent aussi que les inégalités s’aggravent en termes de risques (naturels comme technologiques, notamment nucléaires) mais aussi de nuisances (olfactives comme sonores). Les auteurs concluent cette première partie sur la question des migrations climatiques liées au réchauffement climatique (notamment à cause de la montée des eaux). 

Des réponses globales pour un développement durable 

Dans un premier temps, les auteurs font le point sur les différentes conférences internationales qui ont tenté d’encadrer le développement durable depuis 1972 : ces dernières ont le mérite d’attirer l’attention du public sur ces questions mais ont souvent un bilan mitigé en termes de réalisations. 

Ils font d’abord le point sur la lutte contre le changement climatique à l’échelle mondiale. Suite aux accords de Kyoto et de la COP21, ils reviennent sur les mécanismes visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, notamment le système d’échanges et d’achats de quotas. Ils insistent aussi sur la nécessaire mise en place d’une transition énergétique pour atteindre une limitation du réchauffement à 1,5°C d’ici 2050 (objectifs de la COP 21). Celle-ci est forcément lente pour certains pays alors que les énergies renouvelables soient déjà dominantes dans d’autres. Un autre levier est de jouer sur l’efficacité énergétique en limitant la consommation et le gaspillage énergétique. 

Ils mettent ensuite l’accent sur un certain nombre de programme visant à protéger des espaces et des espèces menacés. C’est le cas, par exemple, des espaces forestiers protégés par des stratégies REDD (Réduction des émissions à la déforestation et à la dégradation des forêts) et REDD+ dans les pays en développement ou par la lutte contre la “déforestation importée” menée par la France depuis 2018. Ils s’interrogent aussi sur la gestion de la biodiversité avec, notamment, l’efficacité des aires protégées. Ils reviennent aussi sur les nombreuses mesures de protection des mers et des océan prises depuis la convention de Montego Bay (1982) : ils notent que leurs effets sont encore insuffisants. 

Pour terminer cette deuxième partie, les auteurs reviennent sur certaines activités qui tentent de s’inscrire dans le développement durable à l’échelle mondiale. C’est le cas par exemple du commerce équitable établissant des échanges entre les producteurs du Sud et les consommateurs du Nord : à l’origine, ce commerce s’inscrit dans une dimension sociale mais récemment il a acquis aussi une dimension environnementale. Ils présentent enfin le tourisme durable comme des “formes de tourisme impliquant un développement économique des espaces concernés, le respect et la mise en valeur des ressources patrimoniales, la préservation d’un environnement de qualité et un partage équitable des richesses créées’ tout en s’interrogeant sur la portée réelle de cette forme de tourisme. 

 L’échelle locale : la France et le développement durable 

Dans un premier temps, les auteurs présentent les nombreuses réglementations en matières de développement durables prises en France depuis les années 1960 : la plupart sont des directives européennes transposées en droit français. C’est le cas, par exemple, des textes concernant la qualité de l’air en France qui s’inscrivent dans les directives européennes “Paquet énergie-climat” et “Feuille de route climat 2050”. Mais, cette politique française en matière de qualité de l’air s’inscrit aussi dans des politiques croisées air-climat-énergie qui se déclinent à l’échelle nationale (loi Maptam et loi NOTRe) puis aux échelles régionales et locales. 

Ils déclinent ensuite certaines stratégies dans la gestion de l’environnement en France : 

  • La question des transports dans la transition énergétique passant par des améliorations techniques des véhicules mais aussi par la taxation sur les véhicules (bonus-malus écologique) ou le carburant (“Taxe carbone”). Elle dit aussi permettre aux transports propres de s’intégrer dans les politiques d’aménagement du territoire à différentes échelles. 
  • Le rôle des villes dans le développement durable avec le développement de “villes durables”. Ainsi se sont développées des EcoCités destinées à préserver l’environnement, la cohésion sociale et la qualité de vie des habitants. En parallèle, depuis les années 2000, sont apparues les villes intelligentes (smart cities) qui grâce aux technologies de l’information et de la communication (TIC) cherchent à s’inscrire dans la durabilité. 
  • La question de la politique de l’eau en France repose sur deux lois : celle de 1964 qui organise la gestion de l’eau et met en place le principe du “pollueur-payeur” et celle de 1992 (qui est la transcription de la directive européenne de 1991) insistant sur le respect du milieu naturel et sur l’obligation de la collecte et du traitement des eaux usées domestiques. 
  • La gestion des mers et des littoraux sous juridiction française doit être conforme aux textes internationaux et européens en termes de durabilité. Pour ce faire, une stratégie nationale pour la mer et le littoral a été adoptée en 2017 reposant sur 4 axes : transition écologique, économie bleue durable, bon état écologique du milieu marin et rayonnement de la France.  
  • Pour répondre aux besoins de durabilité des consommateurs, l’agriculture française se lance dans de nouvelles formes d’agricultures comme l’agriculture biologique mais aussi l’agriculture raisonnée, l’agriculture à haute valeur naturelle (ou à haute conservation) ou l’agriculture biodynamique. On voit aussi se développer dans certaines métropoles une agriculture urbaine. 
  • La gestion durable de la forêt en France date de l’Ancien Régime et a perduré jusqu’à aujourd’hui. Parmi les dernières initiatives, il faut noter la labellisation de “forêt d’exception” qui serait un modèle de nouvelles pratiques de gestion durable de ces espaces 
  • La stratégie nationale pour la biodiversité 2011-2020 et la loi dite “Grenelle I” (2009) instaurent les trames vertes et bleues (TVB). Ces dernières sont formées de réservoirs de biodiversité ainsi que des corridors écologiques. Les TVB ont un rôle écologique car elles permettent aux espèces de se déplacer et d’accomplir leur cycle de vie. Mais, elles ont aussi souvent une valeur paysagère. 
  • La politique française de gestion des déchets repose essentiellement sur un modèle linéaire et mobilise de nombreux acteurs. La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (2020) met l’accent sur la réduction à la source de la production de déchets et sur le recyclage. 
  • La loi de l’Economie sociale et solidaire (ESS) en 2014 est fondée sur des principes du développement durable, notamment ceux d’équite et de solidarité. D’autres types d’économies apparaissent aussi dans ce secteur comme l’économie collaborative ou l’économie de fonctionnalité. 
  • La France est exposée à des aléas technologiques et naturels : elle doit donc gérer les risques en mettant en place une politique de prévention et d’information du public ainsi qu’en favorisant la résilience des territoires et des populations. Le cas particulier du risque naturel, particulièrement présent en France fait l’objet d’une gestion de crise spécifique. 
  • La santé des populations est un indicateur des modes de vie, de l’alimentation, de la qualité de l’environnement, de l’accès aux soins et de l’équipement hospitalier et médical. En France, des inégalités face à la santé persistent comme l’a mis en lumière la pandémie de Covid-19 
  • Grâce à son patrimoine (naturel ou culturel) attractif, la France est la 1ère destination mondiale des touristes. Se pose alors la question de “la capacité de charge” des territoires touristiques. Une des solutions passe par la généralisation d’un tourisme durable reconnu par des labels. 
  • L’aide publique au développement (APD) est un des leviers dont dispose la France pour participer à la transition écologique à l’échelle mondiale. Ainsi, la loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale (2014) s’inscrit dans les objectifs de développement durable définis par l’ONU. 
Mon avis 

Comme toujours, la qualité de cet atlas d’Autrement n’est pas à démontrer : les textes sont synthétiques (même si parfois certains sont très techniques et donc difficiles à lire) et sont parfaitement complétés par une centaine de cartes et documents (notamment, beaucoup de schémas).  

Les enseignants de collège et de lycée trouveront là une mine de données et d’informations mise à jour pour illustrer leurs cours de géographie, notamment en Cinquième et en Seconde. On pourra juste regretter l’absence d’études de cas (internationaux comme nationaux) pour aborder la question du développement durable.