L’ouvrage est issu d’un colloque éponyme qui s’est tenu à Toulouse du 16 au 18 octobre 20161. Le livre de 441 pages ne reprend que 38 contributions, sur les 70 communications orales2 et la vingtaine de posters scientifiques qui y ont été présentés. L’objectif du colloque (et donc des articles rédigés pour cette publication) était la présentation des approches géohistoriques associées aux études environnementales et paysagères en France et en Europe du Sud.

I- Un panorama de la géohistoire environnementale.

La structuration du livre en six chapitres propose un panorama actuel de la recherche. Il n’y a pas de bibliographie générale, le choix ayant été fait que chaque chapitre dispose de sa propre liste de ressources.

  • Le premier chapitre « Théories et concepts en géohistoire » (pp.19-32) ne comprend que deux articles. Le peu de communication de cette partie trahit le déficit de théorisation en géohistoire. « [Ce] chantier doit être ouvert à l’avenir » (p.14).
  • Le chapitre 2 « Méthodes et nouvelles méthodologies en géohistoire » (pp. 33-132) regroupe huit communications qui font connaître de nouvelles sources aux chercheuses/chercheurs (peintures, iconographies, photographies).
  • Les quatre parties suivantes font un état de la recherche dans trois domaines particulièrement dynamiques. Le 3e chapitre « Géohistoire des forêts » (pp.133-204) contient six présentations. Ce champ heuristique est particulièrement porté par le Groupe d’Histoire des Forêts Françaises3 (GHFF). Avec sept articles, le chapitre 4 étudie « la géohistoire des zones humides et des cours d’eau » (pp.205-292) en association avec le Groupe d’Histoire des Zones Humides4 (GHZH). L’avant-dernier chapitre se concentre sur la « Géohistoire des risques et des vulnérabilités » (pp.293-358) avec cinq contributions, reprises dans le cadre du Centre de formation sur l’environnement et la société5 (CERES-ENS). Enfin le sixième et dernier chapitre « Croisement des données et des regards » (pp.359-441) renferme sept textes centrés sur différents types de paysages (littoraux, parc naturel, montagnes…).
II- Une épistémologie de la géohistoire contemporaine.

Ce colloque a permis de questionner la définition de la géohistoire aujourd’hui en France. Celle-ci est caractérisée comme la construction sur la longue durée des espaces et des territoires. Elle se démarque de la géographie historique en tant qu’étude diachronique (et non simplement synchronique) des sociétés à travers leur territoire. La longue durée braudélienne est ainsi mise en avant, même si on peut regretter cette seule focalisation. En effet, la géohistoire ne se réduit pas à une étude sur le temps long, les autres temporalités (médiane et courte) chères à Fernand Braudel n’étant pas à négliger.

La faible institutionnalisation de la géohistoire est accentuée par un déficit de théorisation commune. Comme dit plus haut, seulement deux communications composent le premier chapitre consacré à cette question. La conclusion qui s’impose est que, plus qu’une discipline unifiée, la géohistoire est actuellement un champ de recherche aux multiples ramifications (dont les études environnementales et paysagères). Cependant, malgré l’échec d’une institutionnalisation académique, cette démarche connaît un succès croissant, lié notamment à la prise de conscience du « rôle des temporalités et des actions successives de l’homme dans le temps sur les dynamiques de construction de l’environnement et des paysages » (page 13). L’intégration de la géohistoire environnementale dans les programmes scolaires depuis 2016 est une preuve de cet intérêt grandissant.

III-Un terrain didactique qui reste à défricher.

Bien que la géohistoire environnementale soit présente dans de nombreux points des programmes du secondaire6, les différents articles sont difficilement transposables directement dans les classes. Il faut avouer que ce n’était pas là le but premier du colloque. Néanmoins, la contribution de Thierry Sauzeau (Université de Poitiers) pourra s’avérer utile pour l’enseignement du thème 3 de géographie en 5e consacré aux risques : « Ce thème doit permettre aux élèves d’aborder la question du changement global (changement climatique, urbanisation généralisée, déforestation…). Il permet d’appréhender quelques questions élémentaires liées à la vulnérabilité et à la résilience des sociétés face aux risques, qu’ils soient industriels, technologiques ou liés à ce changement global. » En effet, l’auteur s’intéresse à la « géohistoire et [la] prévention des risques » (pp.293-304) en prenant pour étude de cas la tempête Xynthia de 2010. L’article démontre que la politique étatique de résilience et de prévention des risques futurs après la submersion de la côte atlantique s’est appuyée sur une étude géohistorique du territoire.

Bilan : Un livre qui se voudra incontournable.

En définitive, l’ouvrage dirigé par Philippe Valette et Jean-Michel Carozza est un livre qui marquera un point d’étape dans la structuration de la géohistoire de l’environnement et des paysages. Sur un plan simplement formel, on pourra regretter l’absence d’un index complet des auteurs avec leur nom, fonction et champ de recherche en fin d’ouvrage. La démarche géohistorique étant particulièrement bénéfique pour l’éducation au territoire, une didactique de ce champ heuristique est à envisager. En faisant un bilan de ce qui s’est fait, les deux directeurs montrent ce qui reste à faire. Dans tous les cas, les études environnementales et paysagères sont actuellement le domaine de recherche le plus dynamique de la géohistoire contemporaine. D’autres parutions sur ce même domaine sont d’ailleurs prévues.

 

Notes :

1 : https://blogs.univ-tlse2.fr/colloque-geohistoire/ (Dernière consultation le 24 juin 2019)

2 : Cinq captations audiovisuelles de ces communications sont consultables sur la plateforme Canal-U en cliquant ici (Dernière consultation le 24 juin 2019).

3 : https://ghff.hypotheses.org/le-ghff/presentation-du-ghff

4:http://www.ghzh.fr/index.php/component/content/article/14-news/87-rencontres-internationales-de-tulcea-3-8-juin-2019-geohistoire-des-zones-humides-d-ici-et-d-ailleurs-regards-croises-sur-des-trajectoires-d-artificisialisation-et-de-conservationn

5: http://ceres.ens.fr/evenements-scientifiques/colloques/geohistoire-des-risques-naturels/

6 : Voir notamment en 6e, le thème 1 d’Histoire (« L’étude du néolithique interroge l’intervention des femmes et des hommes sur leur environnement.« ) ou en 5e, le thème 2 aussi en Histoire (« En abordant la conquête des terres, on envisage, une nouvelle fois après l’étude du néolithique en 6e, le lien entre êtres humains et environnement.« ) BO spécial n°11 du 26 novembre 2015