Compte-rendu par Marie-Anne VANDROY, Agrégée d’histoire, chargée de cours à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (Liban).

Géopolitique du Maghreb et du Moyen-Orient est l’ouvrage de trois universitaires-chercheurs (Inalco, Cnrs) spécialistes du Moyen-Orient et de l’Afrique et ayant l’habitude du public étudiant (IEP, IUT). Karine Bennafla, par exemple, a travaillé tout particulièrement sur la région de la Beqaa au Liban. Le travail de rédaction est appuyé par un solide travail cartographique de Florence Troin, ingénieur-cartographe au CNRS.

La problématique du manuel s’adresse aux étudiants en classes préparatoires commerciales, comme l’ensemble de cette toute nouvelle collection des éditions Sedes. Il s’inscrit donc logiquement dans le cadre du programme officiel de cette section, axé sur une approche géopolitique des questions.

Divisé en 12 chapitres thématiques, l’ouvrage est organisé avec rigueur : une fois présentés, dans deux chapitres très problématisés (Ch.1 : Une région tiraillée entre unité et fragmentation ; Ch.2 : Etats, systèmes politiques, idéologies ), les cadres historiques, culturels, structurels et politiques de cette région, les chapitres suivants abordent les mutations des sociétés (Ch. 3 : Les dynamiques démographiques ; Ch. 4 : Villes en mouvement). Sont ensuite analysées les questions économiques, les thématiques essentielles telles que la question de l’eau et des énergies et les enjeux régionaux et mondiaux qu’elles engendrent (Ch. 5 : Développement, crises et mutations des économies ; Ch. 6 : Pétrole et développement ; Ch. 7 : Enjeux agricoles et hydrauliques). Enfin, les derniers chapitres éclairent les grands enjeux géopolitiques de cet espace, à travers quatre exemples étudiés avec minutie (Ch.8 : Le Golfe, une nouvelle donne géopolitique ; Ch.9 : Le conflit israélo-arabe et la question palestinienne ; Ch. 10 : Liban-Syrie, vers une redéfinition des relations ; Ch. 11 : Les enjeux sahariens) et s’achève sur la question essentielle des migrations à l’heure de la mondialisation (Ch. 12 : Au-delà des frontières, migrations internationales et diasporas).
Chaque chapitre commence par l’annonce, en marge, du plan et des repères essentiels (dates, chiffres clef ). Les développements sont agrémentés par des encadrés qui font un point rapide et précis ou apporte un approfondissement sur une question significative (ex. les Coptes lorsque sont abordées les minorités religieuses ; la reconversion post-pétrolière de Dubaï ; les exceptions turques et israéliennes en matière démographique ; le hawala), des rappels biographiques ou de définitions. Chaque chapitre se clôt sur une bibliographie courte mais récente d’ouvrages et d’articles tirés de revues spécialisées.
Autant dire que dans son aspect formel, ce manuel permet un travail efficace.

Cette efficacité se retrouve dans le fond. La problématique générale est respectée mis à part 2 chapitres (dynamiques démographiques et villes en mouvement) où la perspective géopolitique stricto sensu est plus discrète et qui se rapprochent davantage de la compilation, règle du manuel destiné à la préparation d’un concours. L’introduction de chaque chapitre s’attache à définir le thème, ses enjeux et formule une problématique claire à laquelle le développement répond explicitement.

« Décrypter et présenter de façon synthétique les principaux enjeux qui traversent le Maghreb et le Moyen-Orient est une gageure ». Le défi est largement relevé par les trois auteurs. En prenant le parti de ne pas se centrer sur la seule étude du monde arabe mais en incluant des pays non arabes (Turquie, Israël, Iran), les auteurs parviennent à montrer la cohérence d’un dispositif régional, traversé par des divisions profondes. Le cadre de l’étude est défini avec précision et justifié, en rappelant les difficultés de définition des limites de ces espaces, dans l’introduction générale. Les auteurs ont retenu « un ensemble allant du Maroc à l’Iran soit 19 Etats, auxquels s’ajoutent les Territoires palestiniens ». La part faite au Maghreb et au Moyen-Orient est équitable. Il faut noter qu’ils parviennent à intégrer le cas particulier d’Israël en dehors du simple conflit israélo-palestinien.
Les auteurs, eux-mêmes chercheurs, font le point sur les nouvelles orientations historiographiques et les avancées récentes de la recherche sur les bouleversements politiques comme par exemple les études sur la guerre de l’été 2006 entre Israël et Hezbollah ou sur le problème du nucléaire iranien. Les références bibliographiques sont exploitées de manière explicite (renvois en marge) et les débats géographiques (comme sur le modèle aujourd’hui contesté de ville arabo-musulmane) trouvent leur place.
Les développements s’appuient sur une cartographie précise qui utilise et synthétise les derniers travaux universitaires. Bien qu’en bichromie, ces cartes sont un outil précieux de spatialisation des enjeux.
On peut éventuellement regretter que ce manuel de géopolitique laisse de côté les théories des relations internationales, notamment dans les études de cas. L’approche reste, en ce sens, très « française » et ne prend pas en compte l’apport anglo-saxon sur ces questions.

Au final, un ouvrage dense, clairement structuré, d’une grande actualité dont l’utilité ne se limite pas aux étudiants mais offre aux enseignants non spécialistes (ou toute personne soucieuse d’éclairages simples mais jamais simplificateurs) un outil transversal indispensable.

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