La collection 128 d’Armand Colin propose de courtes synthèses, dans un
format commode. On pourra cependant regretter les caractères fins et peu contrastés de cet opus (c’est un peu mieux dans d’autres ouvrages), qui rendent la lecture un peu pénible.
L’auteur, Rémy Baudouï, est actuellement professeur à l’Université de Genève. Il se spécialise depuis quelques années sur les questions de terrorisme et est déjà auteur, chez un autre éditeur, d’un ouvrage sur la question.

Avouons immédiatement notre perplexité. L’auteur connaît manifestement son sujet et sa documentation est solide, parfois trop pour un ouvrage de cette collection. Mais surtout ce livre est plus un essai sur la possible construction d’une géopolitique du terrorisme qu’une mise au point. La démarche structurale dont se réclame l’auteur dans son analyse des mouvements terroristes est très intéressante et prometteuse. Le concept d’anomie semble particulièrement porteur. L’analyse des territoires du terrorisme, enfin, notamment à travers les exemples d’Al-Qaida et des FARC, promettait d’être particulièrement riche, car le terrorisme produit des territoires particuliers, peu analysés jusqu’ici. Bref, un programme appétissant !

Las ! Ce fut un calvaire.

La réflexion épistémologique sur la construction d’une géopolitique du terrorisme prend manifestement le pas sur l’étude même de l’objet. Ainsi, il faut attendre la page 54 (sur 119) pour se voir annoncer qu’une « géopolitique du terrorisme est non seulement de l’ordre du faisable mais aussi de la nécessité » ! Ce n’est pas que l’auteur ait nécessairement tort dans son propos : ce n’est simplement pas ce qu’un lecteur moyen quoiqu’attentif était venu chercher dans cette collection. On dirait une introduction qui jamais ne finit.
La conclusion précise ainsi : « Le mouvement de fragmentation et de dispersion de la puissance dans un monde complexe requiert la constitution d’une géopolitique de l’anomie. Elle devrait comprendre l’étude des logiques de la décomposition de l’ordre politique, économique et social afin de mesurer les formes de désordre qu’elles engagent sur le territoire (…) ». Mais n’est-ce pas là précisément ce qu’attendait l’honnête lecteur ? On a l’impression de tourner autour du sujet pendant les 119 pages et la conclusion nous laisse là où l’on aurait souhaité commencer.
L’expression, au fil des pages, se fait toujours plus compliquée, jargonesque et pour tout dire caractéristique d’une certaine tendance des sciences sociales, voire géographiques, à se parer d’un manteau de complexité pour s’introniser scientifique. Au total, on ne suit plus la pensée de l’auteur. On me permettra d’en rester à Boileau : « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement. Et les mots pour le dire arrivent aisément ». Pourquoi, sinon, écrire dans une collection de vulgarisation ?
Au total, c’est un sentiment d’occasion manquée qui prévaut. On n’en portera toutefois pas grief à l’auteur, dont nous espérons lire ailleurs les manifestations clairement exprimées d’une pensée originale et stimulante, dont nous n’avons eu qu’un avant-goût qui tient de la frustration.

Christophe CLAVEL
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