Marie Redon, géographe et maître de conférences à Paris 13, est reconnue pour ses travaux sur les espaces insulaires et la géographie des jeux d’argent. Elle avait livré une thèse remarquée sur les îles partagées en 2007, publiée en 2010 sous le titre Des îles en partage. Haïti & République Dominicaine, Saint-Martin, Timor. Elle revient en 2019, grâce à l’excellente inititative des éditions Le cavalier bleu, avec Géopolitique des îles, petit ouvrage particulièrement bien conçu.

Propos limpide, enjeux parfaitement cernés, langue attrayante, Géopolitique des îles retient rapidement l’attention. Trois temps (et 17 sous-parties) scandent le propos. Le premier se focalise sur les enjeux insulaires, adossés à une profondeur historique bien dosée. Le second temps traite de la spectacularisation de l’île (avec l’introduction du néologisme « nissomarketing » ou marketing territorial insulaire). Enfin, M Redon ouvre sa réflexion sur les connexions des îles au monde, au prisme de l’antimonde, des questions climatiques ou encore des tensions identitaires. Ces trois parties révèlent deux aspects majeurs de la place des îles dans le monde actuel : sa spécificité géographique aux mutliples incidences (fiscales, culturelles…), ainsi que sa propension à cristalliser quantité de fantasmes.

Ce travail offre à un large public toutes les clés de compréhension actuels relatives aux quelques 460 000 îles recensées par les Nations unies. L’île, longtemps perçue comme un refuge, un isolat, en somme comme l’emblème de la discontinuité spatiale, revêt ici d’autres facettes. C’est d’abord un territoire émergent, qui aspire à une certaine reconnaissance diplomatique, au sein des Petits Etats Insulaires en Développement par exemple. Les îles sont aussi des relais de la mondialisation, de connexions inattendues, comme pour celles liées à certains jeux d’argent, à l’instar des paris sportifs en ligne. Néanmoins, l’île conserve des particularités identifiées, telles celles liées aux paradis fiscaux, aux migrations, ou aux tentatives de certains Etats d’étendre leur puissance grâce aux opportunités du droit de la mer (les tentatives chinoises avec les Spratleys), ou aux hauts lieux touristiques. A ce sujet, M Redon signe avec le sous-chapitre Les navires de croisière : la quintessence de l’île fabriquée (p 91-94), une magistrale analyse des enjeux récréatifs contemporains marqués par l’hybridation des pratiques touristiques et de loisirs au sein de cet enclave ou mieux, de «cet espace insularisé» (p93) que représente le paquebot de croisière du XXIè siècle. Un point qui peut être intéressant pour les candidats aux concours du CAPES et de l’agrégation.

Pour le lycée, on trouvera dans cette étude une nourriture pour approfondir et élargir sa réflexion, notamment dans le cadre de la spécialité de première à propos des frontières, l’île étant souvent perçue comme le parangon de la discontinuité spatiale, constat évidemment de plus en plus questionné. Enfin, unique bémol, on peut regretter l’absence de cartes et de schémas qui auraient pu à la fois enrichir et synthétiser les analyses.