Docteur en géographie, Avioutskii Viatcheslav a été sollicité dernièrement et à plusieurs reprises sur des émissions de télévisions comme C dans l’air pour traiter de géopolitique. Il est également enseignant dans différentes écoles de commerce, ce qui explique la large part consacrée à l’économie dans cet ouvrage. Son dernier ouvrage « les révolutions de velours » a été l’objet d’une recension dans ces colonnes.
Bruno Modica est chargé de cours en relations internationales à l’Institut d’études politiques de Lille. Il intervient dans le cadre de la section préparatoire de l’ENA
Cet ouvrage dresse un bilan continental des lignes de forces et des fractures héritées du XXe siècle qui se retrouveront au XXIe siècle. Le pari est intéressant ainsi que le classement qui est fait. On associe par exemple l’Europe et le monde russe, l’Afrique et le Moyen Orient, les Amériques et les Asies. Au passage, on remarquera que le monde pacifique est superbement ignoré. Pourtant, au-delà des effectifs de populations en Océanie bien faibles si on les compare aux multitudes d’Asie, il n’en reste pas moins que cet espace liquide, n’est pas un ventre mou de la planète. Réserve d’espace et de matières premières, lieu de passage et d’émergence d’une puissance régionale comme l’Australie, étendue maritime refuge, ce monde océanique aurait pu mériter un meilleur traitement.

Géopolitique
Géopolitique

Les différentes parties de l’ouvrage connaissent un classement identique. L’auteur se livre à chaque fois à un exercice de géohistoire, traitant des identités et des diversités européennes, des différentes Amériques d’un point de vue linguistique, des séquelles historiques de l’esclavage et des peuples du Proche-Orient.

Une fois cette mise en situation parfois très rapide achevée, le géographe se mue avec beaucoup de facilité en économiste pour présenter les différents systèmes et les structures d’intégration régionale comme le Mercosur ou l’Union européenne en tant que puissance commerciale. L’exercice présente un réel intérêt documentaire et le lecteur pressé trouvera ici une synthèse mise à jour de ces questions que beaucoup, surtout des historiens, trouvent parfois ennuyeuses mais indispensables.

C’est dans le troisième temps que l’auteur présente ensuite les questions touchant à la géopolitique proprement dite. On y retrouve les grandes questions du moment, avec un intérêt particulier pour des pays qui sont « sortis » récemment de l’actualité, comme le Népal ou le Soudan. Le risque étant que l’évolution rapide de ces questions ne fassent vieillir l’ouvrage prématurément. Cela explique peut-être le choix de ne pas présenter de cartes récentes des conflits en cours, ce qui manque un peu pour un usage universitaire.

Parmi les questions traitées, et dans le cadre d’une recension d’un ouvrage de ce type, on insistera sur certains aspects précis. Paradoxalement, si l’on tient compte des origines et de la formation de l’auteur, la partie la plus stimulante est celle consacrée à l’amérique du Sud. Les rapports particiuliers entre les Etats-Unis et leur pré carré, sont analysés avec beaucoup de finesse, surtout lorsqu el’in traite de l’exemple mexicain ou brésilen. Comment les méxicains, dans le cadre de l’Alena, parviennt-ils à s’affirmer en tant que pays émergent ? Comment le Brésil, puissance régionale organise-t-il la résistance à une intégration étasunienne ?

L’auteur s’inscrit clairement dans la tradition dominante des spécialistes français de géopolitique et des relations internationales : plutôt atlantiste du fait d’un déficit d’Europe comme Thierry de Montbrial et largement hostile aux expériences de gauche. L’évolution de l’Amérique du Sud, de Lula au Brésil à Morales en Bolivie, de Chavez au Venezuela à Ortega au Nicaragua, s’inscrit quand même dans une autre approche.

À moins que, comme pour Cuba, l’auteur n’explique par la complaisance dont l’intelligentsia européenne fait preuve à l’égard de Castro, l’émergence de la gauche en Amérique latine. À propos de Cuba, l’auteur prend tout de même des risques en jugeant peu probable une évolution sur l’île, ce qui est assez peu prudent compte tenu de la santé du Lider Maximo.

© Clionautes