Le sport est sans conteste un vecteur évident de soft power pour les États. À travers cet ouvrage, Lukas AubinLukas Aubin est docteur en études slaves, chercheur et spécialiste de la Russie et du sport, thèmes sur lesquels il a consacré sa thèse, Gouverner par le sport à l’ère de Vladimir Poutine, 2000-2020 (Bréal Studyrama, 2021). Il est actuellement directeur de recherches à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS). entend montrer que les méga-événements sportifs ont un impact pour les villes organisatrices à la fois local, national et international.  Ainsi, l’auteur se propose d’étudier un trait méconnu du sport : le city branding. « Le city branding ou marketing territorial fonde la stratégie visant à positionner une ville en tant que marque distincte ciblant différents publics » (p.15). L’exemple le plus connu de city branding est la diffusion mondiale, en 1977, du logotype « I love New York » imaginé par Milton Glaser. Si, dans ce dernier cas, la ville de New York mise sur le succès du Push Pin Studio et la notoriété de Glaser, les villes d’aujourd’hui peuvent avoir à faire de même avec le sport en organisant de méga-événements. On parle alors de sport power. Quelles sont, ainsi, les différentes stratégies politico-économico-sportives appliquées par les villes afin de rayonner grâce au sport ? Pour répondre à cette question, l’ouvrage est découpé en trois chapitres. Le premier est consacré à l’histoire géopolitique du sport français ; le deuxième à la puissance de sport français et enfin le troisième à la géopolitique sportive des territoires.

Le premier chapitre tente de montrer l’émergence du sport power en France à travers un rapide historique du « sport moderne ». C’est sans doute ici que se situe une éventuelle faiblesse dans le travail d’Aubin. En effet, le chapitre débute ex-abrupto par la phrase suivante : « La genèse du sport moderne a lieu en France au XIXe siècle, alors que le pays est en pleine mutation politique, sociale et économique » (p.22). Jamais ensuite, Aubin ne définit ce qu’il entend par « sport moderne », sans même faire référence aux travaux de GuttmanAllen Guttman, From Rituals to Record : the Nature of Modern Sports, New York, Columbia University Press, 1978. Traduit en français en 2006 et publié chez L’Harmattan. qui font apparaître les « sports moderne » dans l’Angleterre du XVIIIe siècle. Nous aurions aimé avoir les critères qui permettent à notre auteur de définir « sport moderne ». C’est au XIXe siècle, en France, que le sport est l’objet d’un véritable engouement dans les milieux militaires et éducatifs. Le sport se fait alors instrument de cohésion nationale, un moyen de cimenter le patriotisme et de promouvoir la loyauté et la discipline. Après la Première guerre mondiale, les jeux interalliés de 1919 sont accueillis par le gouvernement français avec l’espoir que le sport pourrait aider à apaiser les tensions et renforcer les liens entre les nations partenaires. Après 1945 et les ravages de la guerre, le sport joue un rôle crucial dans la revitalisation de la nation. Il est perçu comme un moyen de rétablir le moral et la cohésion sociale du pays. Ainsi, les infrastructures sportives sont relevées, les clubs sportifs reprennent leurs activités et des compétitions sont programmées. La fin de la Reconstruction est célébrée par le JO de Grenoble. Le général de Gaulle veut en faire un instrument de prestige national. La coupe du monde de football en France en 1998 reste le plus grand événement sportif de l’histoire de France d’un point de vue sportif, médiatique et culturel.

Le deuxième chapitre est l’occasion pour Aubin de définir ce qu’est le sport power, le sport comme instrument de puissance. Les JO réunissent généralement plus de la moitié de l’humanité (4 à 5 milliards de spectateurs dans les stades, devant la TV ou sur Internet. Économiquement, le mouvement sportif dans son ensemble représente environ 2% du PIB mondial. Pour Lukas Aubin, le sport est devenu un « fait social total », selon la définition de Marcel Mauss. Le sport power représente la capacité d’un acteur à tirer parti du sport comme une forme polyvalente d’influence. Les armes du sport power sont nombreuses : l’image de marque d’un pays (nation branding), la capacité de produire un roman national (storytelling). Et la France dans tout cela ? Environ 70% de la population française de 15 ans ou plus pratique une activité physique occasionnelle (10%) ou régulière (60%). Les villes françaises usent du sport de façon variée pour servir leurs intérêts financiers, politiques ou culturels : comme soft power, comme city branding, grâce à l’athlète natif de la région, grâce à la diplomatie, grâce à l’événementiel.

Le troisième chapitre revient, de manière un peu répétitive, sur des éléments développés dans le deuxième chapitre et notamment sur les différentes stratégies employées par les villes françaises pour se servir du sport power. L’auteur multiplie les exemples fort intéressants en convoquant le vocabulaire défini dans le chapitre précédent.