Disparu à l’âge de trente et un ans en 1970, Gilles Caron a marqué l’histoire de la photographie. Ce dvd, réalisé en lien avec une exposition, présente l’oeuvre de celui qui a couvert de nombreux conflits contemporains et qui a donné au photo-journalisme quelques-uns de ses clichés les plus marquants.

Il a ainsi réalisé plus de 500 reportages en 5 ans. Il a couvert des conflits majeurs comme la guerre des six jours, celle du Vietnam ou encore le Biafra. A 20 ans, il effectue son service militaire en Algérie, ce qui l’a forcément profondément marqué. Le film propose une mise en perspective très intéressante du photographe et de son oeuvre.

Héros involontaire

A peine engagé depuis 6 mois par Gamma, Gilles Caron se trouve au coeur de la guerre des six jours. Il se trouve au bon endroit pour réaliser plusieurs scoops photographiques comme celui où l’on voit Moshe Dayan vers le Mur des Lamentations. Gilles Caron est vite surnommé le « Cappa » français. Il a eu la possibilité de travailler de sa propre initiative et il est actif à un moment où le rôle des médias devient de plus en plus décisif. Le film donne à entendre des extraits d’interviews du photographe où il raconte ses reportages avec une grande humilité.

Le regard intérieur

Il y a peu d’images chocs chez lui, mais bien plutôt des clichés qui ont pour but de montrer un homme face à l’Histoire, particulièrement dans le cas de la guerre du Vietnam. Il a beaucoup travaillé sur la saisie des expressions. Il a particulièrement réalisé des clichés autour de la figure de l’observateur et du lecteur. Il est là dans les coulisses des situations difficiles. Avec ses clichés de soldats solitaires, il arrive, paradoxalement, à leur redonner une part d’humanité. Toujours dans cet aspect introspectif, on entend Gilles Caron confesser qu’un photographe prend de nombreux clichés, mais que beaucoup ne sont pas bons.

Douleur des autres

La guerre du Biafra fut elle, en revanche, synonyme d’images chocs car il s’agissait alors d’arriver à mobiliser l’opinion publique. Déjà à l’époque, les conflits africains peinaient à intéresser et donc des images chocs pouvaient aider à braquer des projecteurs. Gilles Caron a beaucoup travaillé sur la figure de la victime. On passe de l’image compassionnelle à l’image choc auprès des Européens. Le photographe arrive aussi à montrer que dans certains conflits le soldat devient lui aussi victime de l’absurdité de la guerre.

Mouvements de révolte

Mais Gilles Caron, c’est aussi dans notre imaginaire pictural mai 68. Son image du lanceur de pavés est devenue un classique et elle n’est pas la seule connue de cette époque. L’année suivante, il réalise ce que l’auteure du film considère comme un de ses plus grands reportages : il est en Irlande au moment des défilés orangistes et il couvre les affrontements entre protestants et catholiques.

Nouvelle vague

Un aspect moins connu du photographe est peut-être son travail sur la mode, sur la « société du spectacle ». En fait, derrière ce thème, on retrouve un dénominateur commun avec d’autres de ses reportages, à savoir une passion pour la jeunesse et l’idéalisme. Il est un des premiers à montrer la femme combattante.

La conscience malheureuse

Si l’on analyse de façon globale le travail de Gilles Caron, on constate qu’il y a chez lui, et de plus en plus, un reportage dans le reportage. Il nous fait pénétrer dans ce qu’on pourrait appeler les coulisses de l’information. C’était en tout cas un photographe atypique et le film raconte son travail en doublette avec D MC Cullin. Capturé lors d’un conflit, Gilles Caron devient lui-même l’enjeu de l’événement.

Ce film retrace donc la carrière fulgurante de ce photographe majeur de la deuxième moitié du XX ème siècle. Beaucoup de ses clichés sont devenus des classiques et ce film permet d’aller plus loin pour mettre en perspective son travail. Pour ceux qui veulent en savoir davantage, http://www.fondationgillescaron.org/bibliographie/index.html

© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes.