128 pages – 17,90 €.
Frank Tétart est docteur en géopolitique, diplômé en relations internationales, ancien co-auteur de l’émission « Le Dessous des cartes » (1994-2008) et rédacteur en chef de la revue Moyen-Orient (2009 à 2011), il est notamment l’auteur de l’Atlas des religions (Autrement, 2015) et d’un livre paru chez Armand Colin, « La péninsule arabique ».
Il dirige cette 5e édition 2018 du Grand Atlas Autrement, à laquelle a collaboré un collectif de 19 auteurs et de 11 cartographes (adaptés par Cécile Marin, dont les talents en la matière ne sont plus à démontrer).

Cette édition 2018, présenté comme « un outil indispensable pour comprendre le monde », offre plus de 200 cartes inédites et mises à jour. « Un tour complet des grands enjeux internationaux » est proposé, et complété par un partenariat avec Courrier international et France Info, à travers des articles sur deux doubles pages en conclusion de chaque grande partie de l’Atlas.

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L’Atlas est organisé en cinq grandes parties :
1. Un monde dans tous ses états.
2. Guerres et conflits entre les nations.
3. Au secours de la planète.
4. Les défis de la mondialisation.
5. Un dossier spécial est consacré aux frontières : le grand repli ?

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L’Atlas est ouvert par une rapide introduction (et une carte de Cyrille Suss sur la date d’apparition des Etats souverains) et complété par des annexes (bibliographie, sources et crédits, biographie des auteurs).

PARTIE I. Un monde dans tous ses états

Cette partie inaugurale pose la question de l’état du monde : « Va-t-il mieux ? » s’interroge l’auteur. Cela semble le cas si l’on en croit les cartes (de 2015 !) sur la pauvreté, l’alphabétisation ou la mortalité. La paix avance, à travers l’exemple de la fin de l’embargo américain sur Cuba ou celui du déclin des FARC en Colombie. L’incertitude demeure toutefois à propos de la gouvernance mondiale : le monde se « repolarise », comme le montre l’analyse successive des Etats-Unis du président Trump, du retour de la puissance russe ou de l’avenir de l’UE après le Brexit. Des pages thématiques sont consacrées à la redistribution des rôles au Moyen-Orient, aux cyberattaques mondiales, à la vague mondiale du populisme (dont deux cartes questionnent un phénomène plus répandu qu’on ne l’imagine généralement). Une double page est consacrée au nouveau paysage politique de la France de 2017, avec d’intéressantes cartes en anamorphose. La partie se conclut sur un extrait de Courrier international – The Washington Post sur Donald Trump et la « forteresse Amérique » et un article de France Info sur le couple « M&M » (comprenez Macron & Merkel).

PARTIE II. Guerres et conflits entre les nations

« L’Afrique, l’Asie et le Moyen-Orient restent en 2017 particulièrement touchés par la conflictualité » ou les menaces de tous ordres. Une première double page fait le point des guerres civiles et conflits entre Etats, 402 répertoriés dans le monde, dont 226 violents. La « terreur au nom de l’islam » est illustrée par d’intéressants documents, qui montrent que le phénomène connait à présent une diffusion mondiale, même si certaines zones sont davantage ciblées que d’autres. Le graphique sur le nombre de morts dus au terrorisme établit bien la hausse exponentielle depuis 2011 (mais la courbe s’arrête en 2015). Des analyses de détail sont consacrées à Jérusalem ou aux gisements énergétiques de Méditerranée orientale. L’Amérique latine et l’Afrique sont présentées ensuite, avec des cartes notamment utiles pour les croquis du Bac. L’Atlas fait enfin le tour des points chauds : conflit indo-pakistanais, Corée du Nord, mer de Chine méridionale ou orientale. L’article de fin de partie est d’ailleurs consacré au bras de fer Etats-Unis/Corée du Nord à travers un extrait d’un quotidien chinois, Huanqiu Shibao. France Info conclut sur les journalistes assassinés au Mexique.

Partie III. Au secours de la planète

Après la signature de l’accord de Paris le 12 décembre 2015, cette troisième partie fait le tour de la question en forme de bilan, à travers des cartes classiques (pollueurs mondiaux, efforts face au changement climatique, déclin de la biodiversité, catastrophes climatiques en 2016). Des problématiques spécifiques sont ensuite abordées : santé et réchauffement, tensions autour de l’eau dans le bassin du Nil ou aux Etats-Unis, risques environnementaux en Chine ou menaces sur les océans et l’inévitable double page sur les énergies renouvelables (mais qui montre bien les efforts accomplis en la matière). Courrier international nous offre ensuite un article original sur les « chasseurs de graines » sauveurs de la biodiversité, tiré du New Zealand Listener. France Info s’intéresse au « dieselgate », dont Volkswagen ne semble guère avoir souffert…

PARTIE IV. Les défis de la mondialisation

Cette partie fait le bilan actualisé des processus de mondialisation, une mondialisation portée par les pays émergents, l’économie numérique et les grandes métropoles. La mutation numérique – vue à travers l’augmentation du commerce des services numériques – est curieusement illustrée par une carte des flux mondiaux de marchandises ; celle des territoires de l’innovation est bien pauvrette. Une double page sur l’endettement nous rappelle que le problème est loin d’être réglé, même si les cartes datent déjà de 2015. Une carte classique des villes globales, doublée de plans de Shanghai et Dubaï, rendent bien peu compte du phénomène décrit. L’intégration à la mondialisation de la Chine et de l’Inde est illustrée par des cartes de localisation des IDE ou des partenaires commerciaux. Le grand bond en avant de l’Afrique (sic) dans les TIC est illustré de cartes intéressantes, qui pourront être fort utiles pour nos collègues de Terminale, mais le landgrabbing qui suit est moins bien loti et aurait gagné à plus de précision. La partie s’achève – sans grande logique, il faut le concéder – sur les migrations en Europe et surtout en Allemagne. Les articles de fin de partie présentent la Silicon Valley mexicaine, Guadalajara, via El País, et les travailleurs détachés en Europe pour France Info.

Partie V. Dossier spécial – Les frontières : le grand repli ?

Le thème n’est pas nouveau, mais mérite toujours l’attention. Des cartes classiques illustrent la question : les murs dans le monde, en Palestine, à la frontière américano-mexicaine, dans « l’Europe forteresse » (un titre curieux quand on sait le nombre de migrants récemment entrés sur le territoire de l’Union, comme l’indique l’Atlas lui-même 15 pages auparavant…). Un point spécial est consacré aux frontières africaines. La polysémie du terme justifie la double page finale sur l’Alaska, dernière frontière américaine. Courrier international nous gratifie d’un article post-colonial du Mail & Guardian sud-africain sur « un continent sans frontière » et France Info appelle à défaire « le mur numérique qui menace nos démocraties ».

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Cet Atlas de bonne facture offre un panorama rapide du monde de 2018 – en fait plutôt de 2015… on y reviendra. C’est un outil bien utile au grand public, moins à nos collègues qui n’y apprendront pas grand-chose, surtout s’ils ont déjà lu les différents Atlas thématiques parus chez Autrement ou les éditions précédentes de cet Atlas. Cet ouvrage souffre en fait de sa conception, qui est celle d’une compilation retraitée, relookée, ravalée d’ouvrages parus dans les dernières années, d’où des cartes parfois un peu anciennes pour une édition siglée « 2018 ». Il s’agit donc d’un produit marketing, fait pour toucher un public plus large que celui qui a pu déjà acheter les Atlas spécialisés dont les références sont fort honnêtement données en annexes du présent Atlas. On en sent également le trait dans l’organisation de l’ouvrage, qui égrène des thèmes sans que la logique en soit toujours bien apparente. La cartographie est souvent excellente : le retraitement de Cécile Marin a atténué les péchés originels de nombre d’Atlas Autrement, connus pour une cartographie pas toujours bien lisible, voire visible.
Ces réserves posées, il ne faut pas demander à cet ouvrage plus qu’il n’en propose. C’est un bon Atlas grand public, que les collègues pourront utiliser pour préciser tel ou tel thème auprès de leurs élèves. Il permet de prendre une connaissance sommaire et partielle mais rapide et accessible du monde de 2018.

Christophe CLAVEL
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