Comme le précise le sous-titre de l’ouvrage, nous sommes ici au cœur de cet espace vital cher à la propagande hitlérienne. Une zone dans laquelle le comportement des troupes et de l’administration civile allemande dépassa les limites de toutes les conventions régissant les conflits. Des atrocités dont les SS ne furent pas par les seuls auteurs et, dont les Allemands présents à divers titres dans ces territoires, furent les témoins ou les complices. On est ici au cœur des violences à l’égard des civils et des militaires commises lors d’une guerre totale.
Les deux premiers chapitres de l’ouvrage nous permettent de mesurer l’importance des préjugés envers les slaves. Ceux-ci sont antérieurs à l’apparition de l’idéologie nazie, mais seront exploités avec succès par celle-ci. Et ce malgré le fait que depuis le Moyen Âge, Allemands et Slaves vivent ensemble dans de nombreuses régions d’Europe orientale.
Si le mythe du Drang nach Osten (la poussée vers l’est) est relativement connu. L’ouvrage montre l’évolution des sentiments allemands à l’égard des Polonais et des Russes. Le maintien de l’unité de la Prusse, puis de l’Empire, entraîne une politique répressive à leur égard. Le polonais est alors stéréotypé comme inférieur et sale…. Une caricature qui va s’accentuer après la Première Guerre mondiale et le rétablissement d’un état polonais aux dépens de territoires allemands. Le cas des Russes est plus complexe, en effet la Russie et la Prusse ont été alliées tout au long du 19° siècle. Les contacts entre les élites sont nombreux. La Russie apparaît même aux yeux de certains allemands comme une puissance d’avenir. Elle devient cependant un ennemi potentiel lorsque prend fin l’alliance traditionnelle. Dès lors le Russe se voit affublé d’un certain nombre de points communs avec le polonais (saleté etc.…).
L’idéologie nazie va reprendre les divers stéréotypes et leur superposer une vision raciale. Les Slaves représentent une main d’œuvre qui permettra d’exploiter cet espace vital dont l’Allemagne a tant besoin. Mais la germanisation de ces terres ne s’accompagnera pas de celle des Slaves, ceux-ci ont vocation à en être chassés, ils n sont pas reconnus comme apte à être germanisés. De plus les Russes sont dans l’idéologie hitlérienne présentés comme dominés par les Juifs et soumis au communisme, deux raisons supplémentaires de les éliminer.
Les débuts de mise en œuvre de la politique nazie.
Les chapitres suivants étudient l’évolution des relations entre l’Allemagne nazie et ses voisins, puis la mise en œuvre de la politique nazie dans la Pologne occupée. L’auteur nous plonge ici au cœur des processus de décision du III° Reich. Comme dans d’autres domaines, on trouve de nombreux organismes rivaux aux attributions mal définies qui se concurrencent et dépendent des grands dignitaires nazis : Himmler, Goering, Rosenberg…. Le débat entre fonctionnalistes et intentionnalistes se retrouvent là aussi, l’auteur optant pour une voie médiane.
On suit donc de l’intérieur la politique nazie à l’égard de la Pologne. Celle-ci refusant une adhésion au pacte anti Kominterm qui ferait d’elle un état vassal de l’Allemagne nazie, Hitler décide de l’éliminer en tant qu’Etat. Il bénéficie pour cela des hésitations des démocraties tout au long des années 30 et du désir de Staline de gagner du temps et de l’espace.
Une fois la Pologne conquise, se met en place une politique dirigée contre les Juifs et les élites : intellectuels, officiers, ecclésiastiques… L’espace polonais a vocation à être colonisé, ses habitants doivent être réduits à l’état de main d’œuvre servile. Des projets divers voient le jour, tous inachevés, mais certains entraînent quand même des transferts de population, « évacuées » pour faire la place aux colons allemands. Des colons qui sont généralement des Volskdeustches transférés d’autres pays et à qui on attribue arbitrairement de nouveaux lieux de résidence, le plus souvent à la tête d’exploitations agricoles. Le sort des Juifs polonais fait l’objet d’âpres débats entre les gauleiter des territoires annexés au Reich et Franck qui est à la tête du gouvernement général.
Barbarossa et ses conséquences.
L’essentiel de l’ouvrage traite du sort de l’URSS. Tous les aspects sont abordés. Qu’il s’agisse des motivations idéologiques et économiques de l’attaque à la préparation et à la réalisation de celle-ci sur le plan militaire. L’occasion pour l’auteur de montrer comment l’état-major allemand a accepté sans sourciller la plupart des directives à l’image de celle sur le traitement des commissaires. Il n’oublie pas le sort des millions de prisonniers de guerre qui meurent dans des conditions effroyables. Mais il montre aussi les divergences qui se font jour entre militaires (et mêmes entre politiques) sur le sort à réserver aux différents peuples de l’URSS alors que l’issue du conflit devient plus qu’incertaine.
L’occupation nazie de l’espace soviétique fait l’objet d’un chapitre spécifique. Les aspects concrets de l’occupation nazie sont passés en revue, de l’exploitation des territoires au sort réservé à la population. Dans le meilleur des cas celle-ci est exploitée comme main d’œuvre servile. Bien souvent elle est la victime des opérations militaires : dépouillée de ses habitations, de sa nourriture et de tout ce qui peut servir et abandonnée à elle-même. Elle paie également un lourd tribut à la lutte contre les partisans qui justifie aux yeux des Allemands les atrocités commises. Le chapitre consacré à l’extermination des juifs soviétiques est l’occasion pour l’auteur de faire le point sur les différentes théories quant à sa genèse.
L’évocation des divers projets de restructuration de l’espace soviétique et de la hiérarchisation raciale de ses occupants permet de voir jusqu’où est allée l’imagination des différents théoriciens nazis. Tout est envisagé de la sélection des individus pour ne retenir que les plus aptes à être germanisés à la création de colonies agricoles SS… Là aussi, il y a concurrence, voire opposition entre les projets des uns et des autres.
Enfin, l’attitude des Allemands vis-à-vis de ce qui se passe en Europe orientale permet de montrer que les atrocités étaient largement connues. Mais que leur ampleur était sous-estimée alors que dans le même temps les franges les plus jeunes qui n’ont connues que le régime nazi adhèrent largement aux thèmes de la propagande.
En conclusion
Une synthèse récente sur des sujets qui font l’objet de discussions : date de décision de la mise en œuvre de l’extermination, attitude de l’armée et de la population allemande vis-à-vis des atrocités… Les 400 pages de l’ouvrage (accompagnées d’une centaine de pages de notes) se lisent avec intérêt. De plus l’auteur a le souci de rappeler les principaux points en fin de chaque chapitre.
L’enseignant de première trouvera dans l’ouvrage matière à étayer son cours sur les guerres du XX° siècle et le totalitarisme nazi. Thème qui fit l’objet de l’analyse de document de l’épreuve de 1°S lors de la session de juin 2012 (discours de Himmler à Posen en 1943).
Compte-rendu de François Trébosc, professeur d’histoire géographie au lycée Jean Vigo, Millau