Deux spécialistes de l’histoire de l’URSS, Juliette Cadiot (EHESS) et Marc Elie (CNRS) présentent dans la collection Repères une courte synthèse sur l’histoire du goulag, société dans la société qui marqua profondément l’histoire soviétique, une expérience au cœur du système pénitentiaire des années 20 aux années 60 qui caractérise l’époque stalinienne..
Le but de cette synthèse est d’expliquer pourquoi et comment un système de déportation d’une telle ampleur a été mis en place.
L’introduction rappelle les éléments de base : le camp d’enfermement et la contrainte par le travail mais aussi la relégation dans des régions éloignées sous l’autorité de la police politique, une masse de travailleurs contraints utilisables pour tous travaux, chantiers qui a représenté entre le cinquième et la quart de la main d’œuvre industrielle. Ce système qui fit de nombreuses victimes connut son apogée dans l’après-guerre (carte pages 12-13).
La violence d’État et l’émergence du goulag sous Staline
Dans les années 20 Staline utilise les formes impériales du châtiment : l’exil et le travail forcé pour développer les régions isolées. Les auteurs analysent le rôle central de la police politique dans le contrôle des opposants mais aussi au moment de la dékoulakisation. Ils montrent le mélange entre détenus politiques et de droit commun, l’inflation de déportés au moment de la Grande Terreur (1937-38) et pendant la guerre, ils présentent les vagues de déportation.
Le goulag des pauvres
Il s’agit ici de montrer que les détenus les plus nombreux sont le produit de la misère économique et sociale (déportés pour vol, vagabondage, mendicité) puisque tout délit contre l’ordre public et économique était considéré comme contre révolutionnaire. Les auteurs évoquent la place des enfants du goulag. Comment le système était lui-même créateur de marginalité pour les détenus libérés.
Le goulag, agent central de l’économie stalinienne
Ce fut un outil d’industrialisation par le travail forcé qui fournit la main d’œuvre et notamment pour l’extraction des matières premières. Les auteurs montrent comment le goulag a été mis au service des grands projets (carte p. 45) et développent l’exemple de Vorkouta pour l’industrie et de la Kolyma pour l’or indispensable à l’acquisition à l’étranger des machines outils. Ils décrivent les dérives du système : impréparation des chantiers, toufta (comptes truqués) et blat (pots de vin).
Faim et productivisme : la destruction par le travailleurs
Ce quatrième chapitre est consacré aux conditions de survie des détenus où le stakhanovisme n’est pas absent. L’étude de la mortalité malgré des statistiques peu fiables montre des évolutions entre répression et besoin de main d’œuvre exploitable.
Contrôler le goulag : violence, surveillance et révoltes
Les auteurs développent l’idée de sous effectif chronique du personnel d’encadrement, peu formé, enclin à un usage immodéré de la violence qui conduit à laisser la gestion quotidienne aux détenus y compris pour le personnel médical non sans danger quand s’y mêlent des bandes criminelles issues des condamnés de droit commun. Si des révoltes (grève de la faim, mutineries, refus du travail) existent dès la début , elles jouèrent un rôle fondamental dans le démantèlement du goulag après la mort de Staline.
Le goulag après le goulag
Ce dernier chapitre traite de l’encombrant héritage laissé par Staline. La transformation débute avant même 1956 et le discours de Krouchtchev : amnistie d’environ 1,3 million de détenus, fermeture d’unités mais demeuraient la question de la main d’œuvre nécessaire aux activités économiques de la Sibérie et celle de la réinsertion des anciens zeks : accès au logement, accès à l’emploi. Les auteurs évoquent les pénitenciers : rôle, forme, administration, contrôle jusqu’aux années Gorbatchev.
En conclusion les auteurs montrent l’héritage dans la Russie d’aujourd’hui et l’internationalisation de la mémoire du goulag après la fin de l’URSS.