Au moment où l’on se prépare, entre Roland-Garros, la coupe du monde de football 2014 au Brésil et quelques autres grandes messes sportives, le tour de France est inscrit dans le paysage depuis plus d’un siècle, et suscite toujours autant d’intérêt. La sortie de ce petit ouvrage, très accessible, est une bonne opportunité pour traiter un objet historique dans la longue durée. Il peut se révéler très précieux également dans le cadre du programme de première générale des lycées, pour traiter cette partie :
CROISSANCE ÉCONOMIQUE, MONDIALISATION ET MUTATION DES SOCIÉTÉS DEPUIS LE DÉBUT DU XXe SIÈCLE.
Le tour de France permet de répondre à toutes les problématiques de cette question.
Il s’inscrit dans le contexte de la croissance économique qui favorise l’élévation du niveau de vie et l’émergence de la société de consommation. Le prix réel d’une bicyclette en heures de travail d’un ouvrier professionnel passe de l’indice 600 en 1890 à moins de 50 à la veille de la seconde guerre mondiale.
Le tour de France, spectacle à vocation commerciale dès le départ, participent également de l’émergence d’une société de médias de masse, il est organisé par le journal l’Auto, avant de passer aux mains, dans le contexte compliqué de la restructuration des entreprises de presse après la seconde guerre mondiale, d’une association entre les journaux « l’équipe » et « le parisien libéré ». À partir des années 60, la première diffusion en direct date de 1958, le tour de France devient un spectacle télévisé.
Encore une fois, le lien avec l’élévation du niveau de vie, pendant les 30 glorieuses, la société de consommation, deviennent évidents.
Un héritage de l’Affaire Dreyfus
Ce sont les conditions de la naissance du tour de France qui peuvent apparaître comme tout à fait intéressantes, notamment dans un encadré publié page huit, sur les « origines du tour : une rivalité commerciale sur fond de l’affaire Dreyfus ».
Le journal : « le vélo », premier quotidien sportif national, est dirigée par un rédacteurs en chef, Pierre Giffard, qui prend position en faveur de Dreyfus. En réaction à cette prise de position, Jules Albert de Dion, fondateur de la société automobile De Dion-Bouton, retire ses annonces publicitaires du journal le vélo, et en 1900 contribuent à créer un journal rival. Le titre est : « L’Auto-Vélo », mais en 1903, Pierre Giffard gagne le procès en plagiat de titre, le journal est contraint de ne plus appeler que « l’Auto ».
Pour fidéliser son lectorat, les propriétaires de ce journal décident d’organiser une course cycliste qui ferait le tour de la France, et le départ de la première édition a lieu le 1er juillet 1903. La popularité immédiate du tour développe les ventes de « l’Auto », au détriment de son concurrent qui cesse de paraître en 1904. Quelque part, les millions de téléspectateurs qui suivent le tour de France, devraient savoir l’origine « antidreyfusarde » de cette compétition.
Et c’est pas les gentils qui ont gagné !
Jean-François Mignot s’intéresse également à l’argent du tour de France, en rappelant, et il le fait à plusieurs reprises, que le tour de France est un événement à visée commerciale et à but lucratif pour les coureurs. Il précise d’ailleurs dans ce deuxième chapitre que l’histoire des profits du tour de France reste encore à écrire, puisque les organisateurs n’ont jamais communiqué leur chiffre d’affaires. Dans ce chiffre d’affaires il faut ajouter le sponsoring et les droits de retransmission télévisée qui ont connu une forte inflation à partir de 1980. Le spectacle s’inscrit d’ailleurs dans la mondialisation, grâce à l’engagement de certains coureurs, ce qui conduit d’autres chaînes de télévision que les françaises à demander des droits de diffusion.
Pour les primes des coureurs engagés, elle représente à deux mois de salaire moyen jusqu’en 1929, de huit à 16 jusque dans les années 50, et représenterait aujourd’hui près de 10 fois le salaire moyen actuel. Il se situe actuellement à 2128 €.
Évidemment l’écart est très important entre le coureur « moyen » et le vainqueur qui peut empocher jusqu’à 30 fois le salaire médian.
Les amateurs de cyclisme, mais tout simplement les curieux, peuvent trouver dans cet ouvrage des indications très précieuses, notamment sur le règlement du tour, pour ma part je n’ai jamais vraiment compris, des chiffres sur les effectifs et le régime social des coureurs bien entendus quelques indications sur le phénomène du dopage, page 92, avec un encadré d’Albert Londres de 1924, intitulé « les forçats de la route ». Le phénomène n’est visiblement pas nouveau, même si à l’époque d’Albert Londres on utilise de la cocaïne, du chloroforme pour apaiser certaines douleurs, et des pilules à la composition mystérieuse, appelées: « la dynamite ».
Avec ce petit ouvrage très accessible, il est parfaitement possible de préparer un cours qui prendrait le cyclisme comme fil conducteur du chapitre du programme cité plus haut. Il est ainsi parfaitement possible d’associer la chronologie et une approche thématique, qui ne s’inscrivent pas l’une et l’autre dans des études de cas qui apportent un éclairage partiel et rarement généralisable. Il est possible à mon sens d’avoir une démarche inventive et attrayante, sans pour autant revenir à l’apprentissage par cœur et à la déclinaison d’un catalogue de « grands hommes » prôné par certains marchands de soupe qui bénéficient d’une aura médiatique discutable.
Bruno Modica
Et puis il y a aussi d’autres façons de faire du vélo: