Attention ! Source historique majeure ! Pour tous ceux qui s’intéressent aux prisonniers de guerre, le film Sous le manteau que des officiers de l’Oflag XVII A ont réussi à tourner, durant leur captivité et dans la clandestinité, est mythique.

Jean-Claude Leroux, dont le père fut l’un d’entre eux, réalise avec ce livre accompagné d’un DVD du film Sous le manteau, bien plus qu’un devoir de mémoire, comme il l’écrit p. 145. Il explique la genèse d’une source historique originale et unique, un film montrant le quotidien des captifs, imaginé par quelques enseignants du primaire que renferme l’Oflag : Alfred Leroux – le père de l’auteur- et Marcel Corre qui a réussi à garder son appareil photo et réalise des clichés du camp, ce qui est strictement interdit. Pour y parvenir, Marcel Corre a besoin d’une équipe de guetteurs qu’Alfred Leroux va organiser. Parallèlement existent dans le camp des postes de radio, clandestins eux aussi et une équipe de quelques prisonniers qui, affectés à la poste du camp, détournent des colis pour qu’ils ne soient pas fouillés. L’idée du film germe peu à peu dans l’esprit de Marcel Corre, d’autant que, parmi les activités de l’Oflag (prévues dans la Convention de Genève et d’autant plus autorisées par les Allemands qu’ils pensent détourner ainsi ces officiers de tout projet d’évasion) a été créé un groupe de cinéastes amateurs qui étudient les théories et techniques de prise de vues. L’un de ces cinéastes, Jean Milliard, un ingénieur, fait venir des revues de techniques cinématographiques.
Ces quelques hommes décident donc de réaliser un film. Ils sont cinquante, pas un de plus, parce que dans le camp, la délation est forte et qu’il faut s’appuyer sur des hommes absolument sûrs. Les familles sont informées par des lettres codées des besoins et c’est ainsi, qu’une caméra, démontée pour être envoyée puis remontée au camp, des pellicules, des éclairages (cachés avec ceux du théâtre du camp) sont envoyés. Des « acteurs » sont désignés- toujours dans un souci de confidentialité-, un storyboard est dessiné parce qu’il n’y a pas assez de pellicule et que le risque étant considérable, tout doit être prévu pour ne pas pour perdre de temps. Les pellicules sont cachées dans les semelles des chaussures, la caméra est masquée dans un dictionnaire…
C’est ainsi que sont filmés l’intérieur de la baraque, les repas, l’arrivée du courrier, les offices religieux, les allers et venues sans but des prisonniers, les spectacles, le creusement d’un tunnel d’évasion… Le tournage continue lorsque le camp est évacué devant l’arrivée des troupes soviétiques en 1945 et montre alors les longues marches des captifs, les populations allemandes qui comprennent la défaite, les soldats allemands à leur tour prisonniers. Jean-Claude Leroux précise sur le DVD, dans sa présentation du film, que tous les aspects de la vie d’un prisonnier ne sont pas montrés, notamment l’ennui et le fait que ces hommes ont passé cinq ans de leur vie dans cet oflag, séparés de leur famille, évoquée par quelques photos où l’on constate que les enfants grandissent loin d’eux.
C’est donc un témoignage formidable qui est ainsi livré, mais qui ne s’arrête pas à la fin de la guerre. Les pellicules sont sauvées par un des cinquante cinéastes qui les confie à l’officier de liaison des troupes françaises du général de Lattre de Tassigny qui les fait parvenir en France. Le destin de ce film muet ne s’achève pas pour autant. Il est diffusé dans un premier temps dans des réunions de prisonniers de guerre, puis, suscitant énormément d’intérêt, la nécessité de le changer de format pour qu’il soit diffusable dans les salles de cinéma apparaît. C’est une firme américaine qui s’en charge puis une bande sonore est ajoutée, ainsi qu’un générique. Entre 1954 et 1956 ce film passe en première partie de la reprogrammation du film Le Père tranquille, avec l’acteur Noël-Noël -un ancien prisonnier de guerre- dans 1449 salles de cinéma et connaît un succès populaire considérable. C’est cette version qui est proposée dans le DVD.
Ce livre et ce film sont particulièrement utilisables devant nos élèves. Jean-Claude Leroux, très pédagogiquement, fournit au début du livre tous les renseignements concernant la captivité pour ceux qui ne seraient pas à l’aise avec ce sujet. Son livre est ponctué de photographies, d’illustrations, de cartes d’époque, de documents (lettres par exemple). Il peut illustrer le cas particulier des prisonniers de guerre dans le cadre du programme de Première ou bien le chapitre sur la mémoire de la Seconde Guerre mondiale en Terminale, en l’occurrence ici à la fois les souvenirs des anciens prisonniers, qui n’ont pas les mêmes objectifs à propos de l’exploitation de ce film après-guerre, et le passage des souvenirs à la mémoire que défendent les enfants de ces prisonniers. Signalons pour finir que les cinéastes captifs ont été reconnus pour la réalisation de ce film, en 1951, Combattants Volontaires de la Résistance pour actes de résistance dans les camps.