Annie Duprat propose dans son ouvrage une analyse des rapports ambigus qu’images et Histoire entretiennent. Le livre est présenté comme un « manuel de méthode dont l’ambition est d’être clair et pratique » que l’auteur a décomposé en 2 parties : l’une plutôt théorique et l’autre, plus longue, plutôt pratique (orientée « savoir-faire »).
SAVOIRS : l’observation des images
Après une courte analyse sémantique l’auteur propose une « brève histoire de l’image » que l’auteur, curieusement arrète à l’époque moderne (le XIX° et le XX° siècle n’étant que survolé en 1 page). Annie Duprat rappelle d’ailleurs qu’une approche des images doit se faire sous le triple angle de leurs « origines intellectuelles et culturelles« , « des conditions de leur fabrication » et de leur « effet-action sur les sociétés qui les a produites« . Elle rappelle le caractère sacré des premières images et le rôle fondamental joué par le christianisme dont le « génie » (formule de Régis Debray) aurait marqué l’iconographie occidentale. L’époque classique institutionnalise l’image et lui fait dépasser sa sacralité. Enfin l’auteur met en avant les mutations techniques et technologiques qui, entre autres éléments, contribuent à l’extraordinaire développement (et diversification) de l’image aux XIX° et XX° siècles.
Dans le 2nd chapitre Annie Duprat évoque les démarches que l’historien peut/doit adopter, tout en rappelant d’éviter absolument la « démarche systématique et univoque« . Il faut d’abord observer l’image :
– observer l’objet qui est le support de l’image
– balayer l’image du regard et rechercher les élémets de construction
– analyser le paratexte
Il faut aussi confronter cette image avec d’autres documents et d’autres sources (« la confrontation« ).
Vient ensuite la phase du questionnement. Si Annie Duprat énonce les 4 questions qu’il faut se poser, une nouvelle fois elle insiste sur le danger de la systématisation quasi mécanique d’un tel questionnement.
La 1ère question à poser : qui est l’émetteur de l’image (« qui parle ») ? Trouver et analyser qui est le commanditaire et s’interroger sur le travail de l’artiste : celui-ci a-t-il travaillé en toute liberté ? A noter que l’artiste, d’abord pris dans une tutelle politique (exemple les « commandes royales ») ou artistique (« l’Académie ») s’en émancipe au cours des XIX° et XX° siècles.
La 2nde question à poser : qui est le récepteur de l’image (« à qui ») ? Trouver et analyser quels sont les lieux d’exposition, les publics ciblés, les réseaux de distribution… A noter qu’Annie Duprat évoque bien sûr les espaces publics (et la diversité des publics qui les fréquentent) et la sphère privée (ha ! les collectionneurs d’art !)… mais ajoute un espace mi-public, mi-privé que sont les jeux de société (jeux de cartes par exemple). J’avoue un peu de perpexité la dessus.
La 3° question à poser : que veut-on dire (« pour dire quoi et avec quel moyen ») ? Trouver et analyser le « message » et ses vecteurs. Une assez longue partie dont on pourra apprécier l’exemple de « la peur » dans l’iconographie médiévale.
La dernière question à poser : que recherche-t-on (« avec quels effets ») ? Trouver et analyser l’impact que l’image a (ou qu’on a voulu lui donner) sur la société. En fait c’est l’interrogation sur le lien entre image et évènement qui retient l’attention d’Annie Duprat. Tout évènement a-t-il besoin d’images ou a-t-il besoin d’être mis en image ? Elle prend l’intéressant exemple de la Shoah, « évènement » sans images… mais mis ensuite en image.
SAVOIR-FAIRE : lectures d’images
L’usage pédagogique des images fait l’objet du chapitre 4. Annie Duprat évoque les pièges multiples dans laquelle une démarche pas assez approfondie pourrait nous faire tomber. Elle rappelle aussi que l’l’iconographie historique est une branche assez jeune de l’histoire, d’autant que d’autres chercheurs ont leur mot à dire : les sémiologues, les historiens de l’art, les littéraires, les spécialistes de la communication.
Elle complète son analyse par un approfondissement sur « Images et propagande ».
Le dernier chapitre est composé de :
– 7 dossiers thématiques, variés et complémentaires :
- un évènement : la bataille de Bouvines
- un genre : l’imagerie populaire
- un genre : la caricature
- une notion : la guerre
- une notion : la mort
- une notion : le pouvoir
- une notion : la République
– 2 images étudiées : un vitrail et une affiche publicitaire
Par exemple le dossier sur la guerre confronte successivement la mosaïque « Alexandre et Darius à Arbèles », la « tapisserie de Bayeux », « la pendaison » (gravure de Jacques Callot), une photographie Keystone sur le débarquement de juin 1944. Les documents sont analysés en 1 ou 2 pages et mis en perspective.
Mon avis
Je dois avouer que la lecture du livre m’a laissé perplexe et, reconnaissons-le, plutôt déçu. Pourtant le sujet est passionnant et l’auteur particulièrement compétent. En fait je crois qu’il y a eu maldonne. En effet j’attendais, au titre énoncé et à la collection (Belin Sup Histoire générale), autre chose que ce que j’ai lu.
Ce livre est assez complexe, aussi bien dans sa structure éditoriale (et intellectuelle) que dans l’approche du sujet traité.
Les supports d’analyse, les approfondissements et les exemples retenus sont trés largement pré-XIX° siècle (avec la part belle pour l’époque moderne)… si c’est le XX° siècle qui vous captive, laissez tomber.
Enfin Annie Duprat pousse assez loin son analyse… au risque de laisser les néophytes sur le bord du chemin.
Ce livre est un livre d’historien(ne) pour des historiens et je pense que les professeurs d’histoire (si tant est que vous me suiviez dans ce « subtil » distingo) n’y trouveront pas forcément leur compte.