_ Dans un premier chapitre L’auteur rappelle les travaux des économistes sur les inégalités. Ce rapide survol lui permet de situer ses propres travaux dans la lignée de Piketty et Stiglitz. Il rappelle le peu de recherches existantes pour le continent africain.
_ Les inégalités économiques au Sénégal occupent le second chapitre. Il vise à établir une photographie de la situation malgré la faiblesse et la dispersion des statistiques disponibles. L’auteur a choisi non pas de partir des questions d’accès aux droits de base, par ailleurs étudiés dans le cadre des OMD Objectifs du Millénaire pour le Développement de l’ONU mais de focaliser son étude sur l’emploi, les revenus, les prélèvements obligatoires et la couverture sociale.
En ce qui concerne l’emploi, la caractéristique première est l’instabilité . Si la population âgée de plus de 15 an age légal à partir duquel un Sénégalais peut occuper un emploi ou être en apprentissage représente 58,2% de la population, 49,5% de cette population potentiellement active est inactive sans pour autant que l’on puisse parler de chômage puisque dans la majorité des cas il s’agit de la recherche d’un premier emploi.
L’analyse des facteurs explicatifs porte sur le lieu de résidence, le genre, l’âge et le niveau d’études.
Si le chômage est statistiquement plus faible en milieu rural (2% dans la région excentrée de Kedougou) le sous-emploi y est fréquent.
Les femmes connaissent un plus fort taux de chômage et de sous-emploi et ce malgré leur implication dans le secteur informel.
Près de 60% des chômeurs ont entre 15 et 34 ans, phénomène à mettre en relation avec la pyramide des âges. Enfin on constate en milieu urbain que le chômage affecte plus les Sénégalais ayant un niveau d’instruction secondaire, n’ayant pas pu poursuivre des études universitaires mais trop âgés pour entrer en apprentissage.
Les inégalités face au revenu : malgré une courbe ascendante (p. 45) le revenu/habitant 1031$/h en 2012 dernière donnée disponible place le Sénégal dans le groupe intermédiaire des pays à faible revenu. L’inégale répartition est analysée au moyen des indicateurs de dispersion et de l’indice de Gini L’indice (ou coefficient) de Gini est un indicateur synthétique d’inégalités de salaires (de revenus, de niveaux de vie…). Il varie entre 0 et 1. Il est égal à 0 dans une situation d’égalité parfaite où tous les salaires, les revenus, les niveaux de vie… seraient égaux. A l’autre extrême, il est égal à 1 dans une situation la plus inégalitaire possible, celle où tous les salaires (les revenus, les niveaux de vie…) sauf un seraient nuls. Entre 0 et 1, l’inégalité est d’autant plus forte que l’indice de Gini est élevé.
L’auteur constate une atténuation des inégalités de distribution entre 1991 et 2011 : 31% des revenus vont aux 10% les plus riches quand les 10% les plus pauvres se partagent 2,4% des revenus. Mais 20% des plus riches assurent 50% de la consommation totale, situation stable depuis le début du XXIe siècle. Un diplômé du supérieur consomme trois fois plus que quelqu’un qui n’a pas fréquenté l’école, souvent un rural. L’inégalité en fonction de la résidence est marquée (graphes p. 54), paradoxalement ce sont les ruraux qui consacrent la plus forte proportion de leurs revenus à l’alimentation (68,7% en augmentation par rapport à 2001) quand les Dakarois doivent affecter plus de 30% de leurs revenus au logement et près de 7% aux transports.
L’auteur décrit les inégalités face à la fiscalité, ? La pression fiscale pèse surtout sur les salariés malgré le faible nombre de salariés : ils représentent 25% des revenus des ménages mais patent 55% des impôts directs aux quels il faut ajouter la TVA. Si le secteur informel échappe à l’impôt bien des sociétés bénéficient d’exonérations. Le système fiscal est globalement inégalitaire.
Enfin Abdoul Alpha Dia aborde la question de la protection sociale : santé, retraites, aides sociales.
Si les salariés disposent à la fois d’un système de retraite et d’une caisse de sécurité sociale le secteur informel n’a accès qu’à des mutuelles de santé. Le système de protection sociale ne concerne qu’une faible part de la population ; Ce sont donc les plus précaires qui sont les moins protégés : un retraité sur dix perçoit une pension, un enfant sur huit pour les prestations familiales.
L’auteur dans le chapitre trois met en évidence le système des inégalités : interactions, cumuls, reproduction, en s’appuyant sur les études de Bihr et Pfefferkorn références p. 130-131.
Si la probabilité pour un non-diplômé d’être dans le secteur informel précaire et en sous-emploi est grande la relation niveau d’instruction/chômage est complexe. L’étude montre l’importance des transferts volontaires (588 Milliards de F CFA au profit de 5 millions de personnes) à l’intérieur des réseaux familiaux et communautaires. L’auteur constate un fort cumul des inégalités, ce qui n’est guère surprenant. La pauvreté est multidimensionnelle ce qui l’amène à définir trois catégories :
- la population économiquement et socialement privilégiée : emploi stable, revenus réguliers, bonne protection sociale et bon réseau de relations
- la population fragile : forte instabilité professionnelle, faible capital social
- les exclus et la grande pauvreté : inactivité, chômage, absence totale de protection, faible accès aux biens publics (école, santé). Ils représentent 18% de la population sénégalaise.
Les études qui portent sur la reproduction sociale sont rares an dehors des approches historiques et sociologiques. L’auteur présente les travaux de Cissé et Doucouré références p 131 sur la transmission intergénérationnelle de la pauvreté : situation des parents face à l’emploi, lieu de résidence, taille des familles, faible niveau culturel, endogamie sociale et même données géo-climatiques. Cette situation conduit à une faible transmission patrimoniale.
D’autres travaux montrent une paupérisation des classes moyennes à partir des années 80.
Le rôle de l’école est abordé à partir des travaux de Moguerou référence p.134 et Cissé référence p. 131. Le niveau de diplôme des pères a une réelle influence sur l’accès à une catégorie socioprofessionnelle élevée. L’école reproduit fortement les inégalités.
Abdoul Alpha Dia conclut que malgré les programmes de réduction de la pauvreté au Sénégal comme en Afrique le nombre de pauvres augment sans cesse. Il milite pour une lutte contre les inégalités sans attendre de la croissance une réduction de la pauvreté. Il préconise une approche systémique et un développement des études interdisciplinaires qui prennent en compte les spécificités africaines, un défi à relever pour les sciences sociales africaines.