En matière d’aide au développement, différents niveaux d’intervention coexistent, Nfaly Badji a choisi de mettre en lumière la coopération décentralisée. Son étude outre un état des lieux, se veut une aide pour les collectivités sénégalaises. Son propos intéressera le géographe par sa proximité du terrain.
De la compréhension de la coopération décentralisée
Nfaly BadjiGéographe, il est Directeur de l’Agence régionale de Développement de Sédhiou (Sénégal), est diplômé de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) et de l’Institut de Géographie et d’Aménagement de l’Université Louis Pasteur (ULP) de Strasbourg (France). Il est spécialiste en Aménagement et Développement régional, local et urbain ; expert international en coopération décentralisée et sur les questions de Migration-développement définit les concepts de coopération, de coopération décentralisée, de décentralisation dans le cadre national sénégalais, mais aussi français et européen.
Il propose un historique des relations entre Nord et Sud, en partant des premiers jumelages au lendemain de la seconde guerre. C’est dans les années 1960-1970 qu’ils se développent. Les motivations sont diverses : des liens historiques, la solidarité, le rayonnement d’un territoire, le partage d’expériences ou les enjeux globaux de la gouvernance mondiale.
En matière de coopération décentralisée, deux types d’acteurs existent :
- Les acteurs : collectivités territoriales, la diaspora, par exemple les associations sénégalaises de migrants en Catalogne, les représentations consulaires ou diplomatiques.
- Les animateurs : au niveau de l’État sénégalais, la DIRCODDirection de la coopération décentralisée dont l’auteur détaille les moyens et les actions, les ARDAgences locales de développement qui manquent de moyens et les ONG locales comme le FODDEForum pour un développement endogène, créé en 2007 qui a tissé des relations avec le Fond catalan de coopération et une ONG espagnole.
L’auteur décrit le dispositif d’appui aux migrants HOMHelp Office for Migrants pour qu’ils développent des partenariats de coopération entre la Casamance et la diaspora, avec des exemples dans la région de Sedhiou.
Enfin, la description concerne d’autres structures d’appui au développement local : PRADEL, PDL…
Evolution des dynamiques et retombées de la coopération décentralisée
La dynamique de coopération décentralisée semble, d’après les animateurs locaux, avoir régressé depuis l’instauration de l’acte 3 de la décentralisation, de fait de la suppression de l’échelon régional qui était très impliqué dans la coopération décentralisée.
Un état des lieux est dressé pour chaque région du Sénégal : Dakar, Djourbel, Fatick…
Il montre que certaines coopérations sont inactives quand d’autres demeurent efficaces, en particulier dans la région de Matam. À noter des partenariats Sud-Sud du département de Kaolack avec la Région occidentale du Maroc ou celui de la ville de Ziguinchor avec les villes de Gao (Mali), Bouaké (Côte d’ivoire), Larrache (Maroc et San Felipe (Cap Vert).
Le taux de collectivités bénéficiant d’un partenariat est très variable, selon les régions, de 9 % à 44 % à Saint-Louis.
L’état des lieux est précis, chaque région est présentée : superficie, population, atouts. Des tableaux présentent chaque partenariat, date de création, domaines d’intervention : économie, éducation, santé, culture, aide sociale…
Toutefois que les informations contenues dans ces tableaux ne sont pas totalement exactes, en fonction de l’enquête. Par exemple, le partenariat de la commune de Bignona avec la Savoie est noté inactif sans que ne soit évoqué la fait qu’il se soit poursuivi avec la création du conseil départemental de Bignona. L’auteur a, semble-t-il, privilégié certains partenariats pour lesquels il avait le plus d’informations.
De la même manière, un état des lieux d’autres types de partenariats est fait comme celui avec le Fond catalan de coopération pour le développement et diverses collectivités de Casamance. La particularité de cette coopération est l’accent sur les femmes, leur formation agronomique et l’accès à la terre.
L’accent est mis sur quelques projets vertueux comme l’accompagnement des jeunes vers l’emploi dans la région de Djourbel, le marketing territorial dans la coopération entre Ziguinchor et la Région Grand-Est pour promouvoir la Casamance, ses productions à l’échelle nationale.
On trouve des goulots d’étranglement dans la montée du nationalisme qui remettent en cause les partenariats, mais aussi l’impréparation des autorités territoriales sénégalaises, la faible capacité de pilotage des acteurs. Un autre frein est la faiblesse des moyens financiers mis à disposition qui empêche la réalisation de projets structurants et la difficulté à obtenir des visas. C’est plus une liste de griefs qu’une véritable analyse.
Pilotage de la coopération décentralisée
Cette troisième partie se présente comme un guide, un mode d’emploi pour les autorités sénégalaises, utile aussi aux partenaires européens, notamment quand ce sont des collectivités territoriales communales.
Comment initier la rencontre avec le partenaire ? Il s’agit de définir clairement les objectifs visés, d’établir la liste des acteurs à mobiliser ou les documents à réunir pour une mission en Europe. L’auteur insiste sur la nécessité d’une planification reposant sur un diagnostic partagé pour permettre la définition du projet, en termes de suivi et d’évaluation.
Il existe des dispositifs d’appui, l’auteur liste les structures européennes qui financent des projets de développement, comme, en France, les agences de l’eau. Un bref rappel historique des dispositifs de financements conjoints, depuis 2000, et un tableau des financements du fond franco-sénégalais permettent de mesurer la réalité des fonds en gagés entre 2013 et 2023, majoritairement en direction des communes.
Un chapitre est consacré aux outils de conduite, de suivi et d’évaluation des projets. Il présente notamment le « cadre logique axé sur les résultats » imposé par les bailleurs et qui doit être en cohérence avec le Plan quinquennal de planification de la collectivité sénégalaise.
La description détaillée est destinée à permettre aux collectivités locales, impliquées dans un partenariat ou à la recherche d’un partenaire, de préparer le dossier de financement.
Des témoignages de responsables locaux sénégalais complètent l’enquête. Tous ou presque regrettent la faible visibilité de la politique de l’État sénégalais en matière de coopération décentralisée depuis l’adoption de l’acte 3 de la décentralisationNotamment le témoignage de Cheikh Tidiane Wade, enseignant chercheur à l’Université Assane Seck de Ziguinchor, à propos de Matan p. 344 et suiv…. L’auteur propose une liste de personne–ressources.
Conclusion
L’auteur propose quelques pistes pour redynamiser la coopération décentralisée, comme les partenariats Sud-Sud, la régionalisation de l’aide technique par des conférences thématiques territoriales ou l’utilisation des systèmes d’information géographiques pour une meilleure visibilité de l’existant.